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Quatorze ans après

Paris
Salle Pleyel
09/26/2008 -  
Olivier Messiaen : Hymne – Concert à quatre
Camille Saint-Saëns : Symphonie n° 3, opus 78

Thomas Prévost (flûte), Hélène Devilleneuve (hautbois), Nadine Pierre (violoncelle), Catherine Cournot (piano), Christophe Henry (orgue)
Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


Myung-Whun Chung (© Jean-François Leclercq)



26 septembre 1994: Myung-Whun Chung, en instance de départ de l’Opéra national de Paris, dirige son dernier concert. L’ambiance est électrique: au terme d’une de ces batailles politico-musicales et juridico-financières dont la capitale – et particulièrement le jeune Opéra Bastille – a le secret, le directeur musical s’est vu reconnaître le droit d’assurer parallèlement les représentations de Simon Boccanegra. Au programme de ses adieux symphoniques: Les Offrandes oubliées et la création posthume du Concert à quatre de Messiaen, dont il est l’un des dédicataires, puis la Troisième symphonie de Saint-Saëns. A l’issue d’une longue ovation, le Poco adagio est bissé, tandis qu’on entend très distinctement Pierre Bergé, ancien président du conseil d’administration de l’Opéra, s’exclamer: «C’est une honte pour la France de laisser partir un chef aussi talentueux!».


26 septembre 2008: nullement échaudé par cette première expérience parisienne, Chung est depuis plus de huit ans directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Radio France et célèbre généreusement le centenaire de Messiaen en présentant dix de ses œuvres en huit concerts. Après une première salve en avril dernier (lire ici et ici), cet automne sera notamment marqué par une représentation de Saint François d’Assise (le 31 octobre, en version de concert agrémentée d’une «création visuelle»).


Quasiment identique à celui donné quatorze ans plus tôt, le quatrième programme de ce cycle débutait toutefois par une autre page de jeunesse de Messiaen, Hymne (1932/1946). Chung y confirme d’emblée les affinités qu’il entretient avec le compositeur, faisant chanter comme nul autre les longues mélodies des premiers violons, avec les couleurs et la sensualité de quelque Nuit transfigurée – une tournure postwagnérienne qui ne choque finalement pas dans ce manichéisme brucknérien.


Le Concert à quatre (1991) se veut un «hommage à Mozart, Rameau et Scarlatti» – de fait, son titre évoque le classicisme français et son début n’est pas sans rappeler Un sourire, écrit pour le bicentenaire de la mort de Mozart. Pour le reste, l’orchestre, très fourni (bois par quatre ou cinq, neuf percussionnistes), se situe dans la lignée de celui de Saint François ou des Eclairs sur l’Au-Delà). Achevée par Yvonne Loriod, Heinz Holliger – deux de ses dédicataires et créateurs, avec Catherine Cantin, Msistlav Rostropovitch et Myung-Whun Chung – et George Benjamin, la partition était certes dans les meilleures mains qui soient, mais comment ne pas se demander ce que Messiaen lui-même en aurait fait? Moyennant quelques chants d’oiseaux et rythmes non rétrogradables, les quatre mouvements illustrent en tout cas sa fidélité à certaines caractéristiques de son style établies dès les années 1930. Le deuxième mouvement, «Vocalise», constitue d’ailleurs une adaptation de la Vocalise-Etude de 1935, étrange loukoum qui semble inspiré d’un orientalisme à la Rimski.


Messiaen eut parfois à souffrir de la comparaison avec Massenet, qui valait reproche aux yeux de ceux qui suggéraient ce rapprochement alors jugé infâmant: vous avez dit «sulpicien»? Dès lors, après Mozart en avril, l’association avec Saint-Saëns, plus encore compte tenu de la présence de l’orgue dans sa Troisième symphonie (1886), avait sa logique. Chung l’a enregistrée pour Deutsche Grammophon du temps de son passage à l’Opéra de Paris (couplée avec... L’Ascension de Messiaen) et elle demeure l’un de ses chevaux de bataille. S’il ne parvient pas à éviter quelques incidents techniques, il n’en livre pas moins une interprétation très inspirée: la musique va toujours de l’avant, mais le caractère épique et le sentiment d’urgence se concilient avec une respiration très naturelle et un sens inné des grandes courbes, jusqu’à une péroraison solennelle et festive qui évite le piège du pompiérisme. Avec Chung, le cœur de la symphonie se situe dans son Poco adagio, lent, mais dont les phrasés ne dégoulinent pas: il se révèle à son meilleur dans ces atmosphères recueillies et sacrées, où pour le coup, Saint-Saëns et Messiaen se rejoignent.



Simon Corley

 

 

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