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Les feux du romantisme

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/12/2008 -  
Alexandre Scriabine : Etudes op. 8 n°11, op. 42 n°5 & 3, op. 65 n°1 & 3, op. 42 n°4, op. 8 n°5 & 12
Franz Liszt : Sonate en si mineur
Frédéric Chopin : Prélude en ut dièse mineur op. 45 – Prélude en la bémol majeur op. posth. – Préludes op. 28

Mikhaïl Rudy (piano)


Mikhaïl Rudy (© Marthe Lemelle)


Très répandu après son passage à l’Ouest, puis plus rare, Mikhaïl Rudy, aujourd’hui comme hier, n’a peur de rien : huit Etudes de Scriabine, la Sonate de Liszt, tous les Préludes de Chopin. Œuvres difficiles, exigeant à la fois des doigts, du cœur et une pensée. Liszt et Chopin, d’ailleurs, se suffisaient à eux-mêmes. Le digest scriabinien servi en – copieux – hors d’œuvre révèle néanmoins, d’emblée, une profondeur de toucher, une densité de son, un éventail de couleurs propres à une certaine école russe. Une flamme romantique aussi, qui se brûle un peu les doigts dans l’Affanato de la cinquième Etude de l’opus 42. Mais le Prestissimo de la troisième témoigne d’une imagination fantasque qui fera merveille dans l’Allegro fantastico capricieux de la première de l’opus 65, aux neuvièmes redoutables pour la main droite. Un peu crispés au début, les doigts se sont très vite libérés, promettant une belle Sonate de Liszt.


De fait, elle ne déçoit pas. Le piano perd ce son un peu métallique qu’il avait dans Scriabine. Le pianiste construit pas à pas son interprétation, refusant tous les effets de la virtuosité clinquante malgré une grande sûreté digitale. La Sonate reste de bout en bout maîtrisée, avec un fugato très clair et un Quasi adagio d’une profonde gravité. Cette maîtrise préserve l’unité de la partition : si l’approche est narrative, les différents épisodes s’enchaînent, à la faveur d’une parfaite intégration des contrastes, sans la moindre dureté dans les passages les plus explosifs ; la lutte de Faust et de Méphistophélès n’a rien ici d’apocalyptique. Elle n’est pas pour autant sécheresse : le romantisme de la partition s’affiche sans ambages, en particulier dans une tension toujours maintenue.


Le même romantisme irradie les Préludes de Chopin, où le pianiste recourt très librement au rubato pour mieux faire chanter le clavier. Mais on apprécie surtout la façon dont, ici encore, il intègre les différents morceaux dans un ensemble homogène sans jamais donner une impression de décousu : là réside la pierre d’achoppement de l’opus 28, qui semble ici s’enchaîner tout naturellement aux deux Préludes isolés op. 45 et op. posthume. Il joue d’ailleurs le cycle comme il jouait la Sonate de Liszt, alors que beaucoup y privilégient plutôt la plasticité, démasquant l’admirateur de Bach et de Mozart, invalidant la prétendue opposition entre les deux compositeurs. Mikhaïl Rudy préfère laisser aller son imagination, suggérer des images, écrire un journal intime : le Prélude en do mineur s’apparente à une « Pensée des morts » ou à des « Funérailles ».


Les quatre bis montrent un pianiste nullement fatigué, presque aiguillonné par son triomphe, osant un dernier mouvement de Petrouchka rutilant, après un puissant « Montaigus et Capulets » de Roméo et Juliette de Prokofiev et une Première Etude de Debussy pleine d’humour, avant un très belcantiste Nocturne en ré bémol majeur de Chopin.



Didier van Moere

 

 

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