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Appétit

Paris
Hôtel de Soubise
07/26/2008 -  
Frédéric Chopin : Polonaise, opus 26 n° 2 – Polonaise-fantaisie, opus 61
Isaac Albéniz : Iberia (Premier cahier)
Olivier Messiaen : Le Courlis cendré (extrait du «Catalogue d’oiseaux»)
Franz Schubert : Wanderer-Fantasie, D. 760

Marie Vermeulin (piano)



Marie Vermeulin



Durant le Festival européen Jeunes talents, chaque soirée à l’hôtel de Soubise est précédée, dès 19 heures dans la chambre du prince, d’une présentation d’une demi-heure, intitulée «Le piano à palabres» et assurée par Stephanos Thomopoulos (né en 1975). Que retenir par exemple de son introduction à l’avant-dernier concert? Qu’on aura plaisir à réentendre le pianiste grec, mais, nonobstant sa belle maîtrise de la langue française, à son clavier plutôt que dans ce rôle de conférencier faisant des allées et venues devant le Steinway.


Le souci qu’il manifeste d’improviser son propos est louable, mais manquant manifestement de préparation – à sa décharge, il convient de préciser qu’à cette activité quasi quotidienne s’ajoute la journée hebdomadaire «découverte musicale» à destination des centres scolaires de la ville de Paris – l’ensemble se révèle à la fois décousu et approximatif. On aura ainsi appris que Chopin fut naturalisé français afin d’échapper à la police russe, que George Sand fut sa seule relation amoureuse et que la polonaise est une danse d’origine... polonaise. Quant à la Wanderer-Fantasie de Schubert, elle dure près de trente minutes tandis que la Fête-Dieu se déroule au moment de Pâques. Et quand ça ne veut pas, ça ne veut pas: les enceintes crachotent méchamment lorsque l’ordinateur portable diffuse le Premier des deux Nocturnes de l’Opus 27 de Chopin par Arthur Rubinstein et, à 19 heures 30, la séance doit s’interrompre avant son terme, afin que les lieux soient évacués en vue du concert.


Car Marie Vermeulin, par crainte d’un ciel à peine menaçant – à moins qu’elle n’ait souhaité échapper ainsi au Yamaha installé cour de Guise – a préféré se produire à l’intérieur, de telle sorte qu’en raison de l’affluence, il a fallu placer bon nombre de spectateurs dans le salon ovale attenant à la chambre du prince. La pianiste française, forte de son deuxième prix au Concours Maria Canals de Barcelone (2006) et de son deuxième grand prix au Concours Olivier Messiaen de la ville de Paris (2007), mais aussi peut-être de l’inconscience de la jeunesse – elle n’a pas encore vingt-cinq ans – a choisi un programme techniquement exigeant, quand bien même elle a renoncé aux Trois mouvements de «Petrouchka» de Stravinski initialement annoncés pour y substituer la Seconde des Polonaises de l’Opus 26 (1835) et la Polonaise-fantaisie (1846) de Chopin. Une forte personnalité s’y exprime d’emblée, carrée, affirmative et volontaire, articulant avec netteté et conduisant fermement le discours, et, sous des doigts, l’instrument paraît décidément bien à l’étroit dans ce cadre exigu.


Dans le Premier cahier (1906) d’Iberia d’Albéniz, elle ne cherche pas la séduction à tout prix, et encore moins la couleur locale, mais montre en quoi l’œuvre se range parmi celles qui, au début du siècle passé, ont ouvert la voie au piano moderne, influençant Debussy aussi bien que Bartok ou même Messiaen. La suite du programme permet de le vérifier, tant les oppositions de registres concluant «Fête-Dieu à Séville» rencontrent un écho dans «Le Courlis cendré», dernière des treize pièces du Catalogue d’oiseaux (1956-1958). Par cœur, Marie Vermeulin, qui s’est notamment perfectionnée auprès de ce grand spécialiste de Messiaen qu’est Roger Muraro, surmonte les difficultés avec une aisance réjouissante: il y a chez elle une envie d’en découdre qui l’amène parfois à privilégier excessivement la tension sur la respiration.


Dès lors, la Wanderer-Fantasie (1822) de Schubert ne sonne nullement comme un antécédent à la Polonaise-fantaisie entendue plus tôt, mais renvoie à l’énergie de Beethoven (Waldstein, Hammerklavier) et à la virtuosité de Liszt (qui en réalisa une adaptation pour piano et orchestre). Marie Vermeulin, quel que soit son appétit de jouer, ne se contente pas pour autant de dévorer les notes: grâce à une sûreté digitale rarement mise en danger au regard des risques importants qu’elle n’hésite pas à courir, elle va sans cesse de l’avant, ce qui sied si bien à ce Wanderer en marche, tout en sachant aussi, dans un Adagio expressif et retenu, prendre le temps d’un arrêt. Les oiseaux, encore et toujours: si les mouettes sont souvent venues ricaner durant les concerts en plein air, c’est ici le «Le Rouge-gorge», première des six Petites esquisses d’oiseaux (1985), ultime partition pour piano solo de Messiaen, qui est offert en bis.


La huitième édition du festival tire à sa fin, et il est donc déjà temps de penser à la rentrée: comme au cours de la précédente saison, les concerts hebdomadaires (le samedi à 18 heures à l’hôtel de Soubise mais aussi le vendredi à 19 heures à l’auditorium Colbert) se poursuivront. En outre, le dixième anniversaire de Jeunes talents sera célébré au cours d’une «nuit blanche» (4 octobre) qui rassemblera plus d’une centaine des mille cinq cents musiciens programmés par l’association depuis sa création.



Simon Corley

 

 

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