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Un an après, le retour de Louise

Paris
Opéra Bastille
06/20/2008 -  Et les 23 et 29 juin, 2, 5, 8, 10, 12 juillet
Gustave Charpentier : Louise
Mireille Delunsch* (20 juin, 2, 5, 8 juillet)/Guylaine Girard (23, 29 juin, 10, 12 juillet) (Louise), Jane Henschel (La Mère), Marie-Paule Dotti (Irma), Natacha Constantin (Camille), Gregory Kunde*/Luca Lombardo (12 juillet) (Julien), Alain Vernhes (Le Père), Luca Lombardo*/Thomas Morris (12 juillet) (Un noctambule, le Pape des fous, le Marchand d’habits), René Schirrer (Un chiffonnier)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Patrick Davin (direction)
André Engel (mise en scène)


J. Henschel (La Mère), A. Vernhes (Le Père), M. Delunsch (Louise)
(© C. Leiber/Opéra national de Paris
)



Autant le Don Carlos mis en place par Graham Vick a semblé frelaté (lire ici), autant la Louise revue par André Engel a gardé ses attraits – elle n’a, il est vrai, qu’un an d’âge. La transposition dans les années trente du « roman musical » de Charpentier, adaptation du naturalisme à l’opéra, avec, en écho aux aspirations à la liberté sexuelle de l’héroïne, la croyance aux lendemains qui chantent, fonctionne toujours aussi bien – le Couronnement de la Muse oscille entre l’élection de Miss Montmartre et le meeting politique préfigurant le Front populaire. Ce Paris des mansardes, des toits, des métros, des fêtes de gauche, rappelle un certain cinéma réaliste des années trente plus que la fin du siècle où Charpentier le situe. Sentant bien que la ville constitue le personnage principal de l’opéra, le metteur en scène l’anime avec un grand soin, un sens aigu de la couleur et du mouvement. Les scènes intimistes ne lui échappent pas non plus, notamment l’étroit carcan familial où la mère bourreau écrase le père et terrorise la fille, auquel répond l’atelier où Camille et Irma sont des doubles de Louise. André Engel y évite heureusement la caricature, en particulier lorsque, à la fin, tel un Rigoletto ouvrier, le père pris de délire, invective ce Paris corrupteur qui lui a volé sa fille. Le seul défaut de la production reste sa tendance à l’esthétisme, conséquence – ou cause - sans doute de la métamorphose des parents en petits employés, alors que Charpentier en faisait des prolétaires.


Patrick Davin est à l’opposé de Sylvain Cambreling : il privilégie le théâtre, faisant ressortir tout ce qu’il y a encore de wagnérien dans la partition. Mais il en oublie de soigner la dynamique, de mettre en exergue le raffinement tout français des timbres, réussissant surtout les Préludes ou les Interludes orchestraux. Plutôt que de lui demander s’il était bien raisonnable de passer d’Iphigénie à Louise, on remerciera Mireille Delunsch – en alternance avec Guylaine Girard - d’avoir remplacé Soile Isokoski défaillante. Il n’empêche : si elle compose admirablement le personnage et sa mue de fille obéissante en femme libérée, elle manque, vocalement, de sensualité et d’assurance dans un rôle que Charpentier prétendait confier à un « soprano dramatique ». Le bas médium et le grave font défaut, on la sent fatiguée à la fin. Gregory Kunde, qui a plutôt la voix de Des Grieux, peine un peu lui aussi dans les grands élans de Julien, mais rachète tout par sa classe, son style, son sens de la prosodie française, plus souple d’émission que Paul Groves l’an dernier (lire ici)… et supérieur à sa partenaire, tout Américain qu’il soit, pour l’articulation – on sera également heureux d’entendre Luca Lombardo, décidément parfait en Noctambule, en Pape des fous et en Marchand d’habits. Si Jane Henschel a toujours autant de creux et de bosses dans la voix, elle n’en impressionne pas moins en mère acide et frustrée, se révélant encore une fois dans la scène du couronnement de la Muse, où elle soumet Louise à un chantage affectif remarquablement phrasé. Il n’empêche : le triomphateur de la soirée est Alain Vernhes, peut-être plus naturellement, plus simplement le père que José van Dam, prenant en tout cas dignement sa succession, plus en voix aussi, parfait d’articulation et de style, à la fois tendre et violent, émouvant et maladroit dans sa paternité vorace.


La reprise se justifiait : Louise, deux ans avant Pelléas, opère la synthèse entre l’opéra wagnérien et l’opéra français. Nonobstant le sujet, l’opéra de Charpentier mérite sa place à côté de ceux de Chausson ou de d’Indy. Cela n’a pourtant pas suffi à remplir la salle le jour de la première : il y a vraiment un problème du patrimoine musical en France. La déferlante baroque va-t-elle donc tout engloutir ?



Didier van Moere

 

 

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