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Star mais pas diva

Paris
Opéra Bastille
05/24/2008 -  et 28, 31 mai, 2, 5, 8, 11, 15 juin 2008
Vincenzo Bellini : I Capuleti e i Montecchi
Anna Netrebko*/Patrizia Ciofi, Joyce DiDonato (Romeo), Matthew Polenzani (Tebaldo), Mikhaïl Petrenko (Lorenzo), Giovanni Battista Parodi (Capellio)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Evelino Pidò (direction)
Robert Carsen (mise en scène)

En affichant Les Capulets et les Montaigus, dont on ne le devine pas fanatique, en y distribuant une star du monde lyrique, Gérard Mortier a sans doute pris de court un certain nombre de ses détracteurs… qui, par le triomphe qu’ils ont réservé à la production, ont envoyé la réponse du berger à la bergère. Bref, la Netrebko a fait ses débuts à l’Opéra de Paris, même si, enceinte de cinq mois, elle a préféré partager l’affiche avec une Patrizia Ciofi très camarade.


La star a-t-elle convaincu les amateurs de bel canto ? Rien n’est moins sûr. La version de concert salzbourgeoise des Capulets, il y a quatre ans, avait déjà montré ses limites dans ce domaine. Le timbre, d’abord, est monochrome, non sans duretés dans le forte, surtout quand l’aigu se trouve sollicité, trahissant l’origine slave de la voix. La chanteuse n’a pas non plus ce sens du phrasé permettant d’assurer la continuité et la beauté de la ligne – ce qui rapproche Bellini de Chopin. Elle ne peut donc prétendre ici succéder à une Sills ou à une Scotto, son modèle. Cela dit, il y a de belles nuances – qui ne remplacent pas les couleurs, notamment dans les aigus, parfois joliment émis piano, et certains passages dégagent une certaine émotion, comme les adieux de Juliette à son père. Ce sont le style, l’école qui font défaut. Mais le système est tel que cette bonne, voire très bonne chanteuse est devenue une star – sans rien avoir de l’authentique diva. La diva est unique, ce que n’est pas la Netrebko. La comparaison avec Patrizia Ciofi, en tout cas, s’annonce passionnante.


Heureusement, tout ce qui lui manque, le Roméo intense et flamboyant de Joyce DiDonato nous l’offre. Le rôle est pourtant plus difficile, se situant entre le contralto musico rossinien d’hier et la mezzo de demain, devant affronter des changements de registre redoutables pour l’homogénéité de la tessiture – certaines, comme une Agnes Baltsa naguère, ne se privent pas d’y abuser du registre de poitrine. Tel n’est pas le cas de la chanteuse américaine : rien de distendu ici, le chant se déploie harmonieusement du grave à l’aigu, dès l’air d’entrée où il faut couvrir plus de deux octaves. Et le dernier acte nous confirme quelle grande artiste nous entendons : l’arioso de Roméo, si sobre, si nu – et par là si novateur, au point de déplaire à la Malibran, qui imposa pour longtemps le finale de Vaccai -, exige une pureté de ligne, une qualité de legato qui sont le propre des authentiques belcantistes.


Face aux deux héros de l’opéra, le Tebaldo de Matthew Polenzani, déjà remarqué dans Lucia di Lammermoor avec Natalie Dessay, ne démérite nullement. Bien au contraire. La voix est homogène, sans distension des registres, avec un aigu aisé et un timbre joliment coloré. Comme le chanteur phrase avec élégance, ce personnage un peu sacrifié tient ici toute sa place. Les deux basses, en revanche, ne convainquent guère, le Capellio de Giovanni Battista Parodi encore moins que le Lorenzo de Mikhaïl Petrenko.


Parfois sec dans certains opéras, Evelino Pidó tire le meilleur parti de la tragedia lirica qui, malgré ses mérites, n’est pas vraiment un chef d’œuvre de Bellini. Il parvient à créer des atmosphères, aidé par les excellents solistes de l’opéra – le cor, par exemple, dans l’introduction de l’air de Juliette au premier acte, la clarinette dans celle du duo entre Tebaldo et Roméo -, détaillant toutes les lignes, jamais clinquant dans les passages plus brillants qu’inspirés comme la Sinfonia introductive. L’élan dramatique ne se brise pas et la direction arrive à restituer la dimension élégiaque de ces passages où Bellini se reconnaît entre tous, notamment dans la scène finale, que le chef plonge dans une obscurité funèbre.


Scéniquement, les choses s’avèrent plus relâchées. Robert Carsen n’est pas venu saluer : sans doute ne s’est-il pas déplacé pour cette reprise. On sentait en tout cas une absence de direction d’acteurs et tout le monde se trouvait livré à lui-même dans un opéra qui n’est pas très théâtral et n’a pas inspiré au metteur en scène canadien une production mémorable. Il reste ces grands panneaux entre lesquels les personnages ont l’air de prisonniers écrasés par le destin – la chambre de Juliette tient de la cellule. Il reste ce rouge, couleur des Capulets, pas très beau d’ailleurs, auquel s’oppose le noir des Montaigus. On aime aussi cet escalier, dans le dernier tableau, qui relie la mort à la vie, l’ombre à la lumière. Dans ces décors de son fidèle complice Michael Levine, Robert Carsen a voulu également éviter de statufier les chœurs sur la scène, chose nécessaire lorsque deux factions s’affrontent – mais les choristes ont bien du mal à dégainer de concert. Il n’empêche : cela ne va pas loin, c’est le service minimum de la mise en scène. Deux jours après la reprise d’Iphigénie en Tauride (lire ici), on tombait de haut.



Didier van Moere

 

 

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