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Borderline

Paris
Amphithéâtre Bastille
05/20/2008 -  
Johann Sebastian Bach : Contrapunctus I de «L’Art de la fugue», BWV 1080
Anton Webern : Bagatelles, opus 9
Georg Friedrich Haas : Quatuor n° 2 (création française)
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 13, opus 130 (avec Grande fugue, opus 133)

Quatuor Amati: Sebastian Hamann, Katarzyna Nawrotek (violon), Nicolas Corti (alto), Claudius Herrmann (violoncelle)


Toujours sous l’impulsion de Georges Zeisel, ProQuartet se déploie tous azimuts: alors que ses neuvièmes «Rencontres musicales» viennent de débuter à Fontainebleau, le cycle de quatre concerts à l’Amphithéâtre Bastille intitulé «Musiques de l’invisible et du silence», que l’association a organisé pour marquer son vingtième anniversaire, a pris fin avec le Quatuor Amati, qui a offert une prestation d’une radicalité et d’une originalité décapantes.


Dès le premier contrepoint de L’Art de la fugue de Bach, addendum de dernière minute en forme de portique à un programme déjà redoutablement exigeant, la formation suisse frappe par des sonorités très recherchées, excluant le vibrato, sans renoncer pour autant à une expression vibrante, atypique et hors du temps mais nullement désincarnée: une manière qui évoque celle du Quatuor Emerson, les certitudes en moins. De même, dans les Bagatelles de l’Opus 9 (1913) de Webern, les Amati cultivent les extrêmes, conférant à ces pièces une densité inversement proportionnelle à leur durée.


Suivait la première française du Deuxième (1998) des cinq Quatuors de Georg Friedrich Haas (né en 1953), dont l’opéra Melancholia sera créé au Palais Garnier le 9 juin prochain. Dédiée au Quatuor Hagen, l’œuvre, d’une durée de vingt-deux minutes, se présente d’un seul tenant, évoluant très progressivement d’un paysage à un autre: une maîtrise des transitions qui n’est pas sans rappeler Wagner, dans un langage certes très éloigné, encore que le début puisse suggérer, comme celui de L’Or du Rhin, la naissance du monde ou que la conclusion se confine dans le registre aigu, tel le Prélude de Lohengrin. Mais le compositeur autrichien se soucie avant tout du son et du temps, dans un climat le plus souvent méditatif, à base de silences, de valeurs longues passant d’un pupitre à l’autre, de lents glissandi et de ruminations autour d’une note. Reprenant à son compte les attitudes d’une avant-garde devenue classique, la partition tient lointainement de Lutoslawski ou de Ligeti, mais aussi, par son esprit mystique, de Scelsi ou Feldman: une expérience intérieure à laquelle il sera bien évidemment loisible à chacun d’être ou non réceptif et sensible.


En seconde partie, le Treizième quatuor (1825) de Beethoven permet au Quatuor Amati de confirmer ses qualités instrumentales et sa parfaite cohésion, et ce dans une approche borderline d’une étonnante modernité, qui, entre risques et surprises, n’arrondit jamais les angles. Une inventivité qui trouve notamment à s’illustrer dans le soin apporté aux phrasés et à la couleur, jusque dans l’intonation parfois étrange du premier violon: même s’il ne cède jamais à la tentation du décoratif, le style peut dérouter, comme dans l’Alla danza tedesca, trop appuyé et maniéré. Mais l’interprétation captive et fascine par sa versatilité: les archets aériens de la Cavatina, fragile et erratique, deviennent, dans la Grande fugue préférée ici au second finale composé ultérieurement par Beethoven, d’une irrésistible impétuosité, mettant en valeur, bien au-delà du seul tour de force de l’écriture, l’aspect novateur du propos mais aussi son intensité émotionnelle, véritable cri libérateur.


Il ne reste plus qu’à refermer la soirée comme un cercle parfait, avec, en bis, la reprise du Contrapunctus I de Bach.


La page de Georg Friedrich Haas chez Universal Edition



Simon Corley

 

 

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