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Nanterre est au bord de la mer

Paris
Nanterre, Maison de la Musique
01/14/1999 -  
Peter Maxwell Davies : Le Phare
Stuart Patterson (Officier 1, Sandy), Paul-Alexandre Dubois (Officier 2, Blazes), Kelvin Thomas (Officier 3, Arthur)
Ensemble Erwartung, Bernard Desgraupes (direction)
Max Charruyer (mise en scène)

Compositeur britannique né en 1934, Peter Maxwell Davies est peu joué en France. Son opéra Le Phare, composé en 1979, y est ici créé. L’écriture de Davies, portée par une superbe orchestration, séduit immédiatement. L’opéra est tiré d’un fait divers : en 1900, un navire de ravitaillement trouva le phare des îles Flannan vide – les gardiens avaient disparu. L’oeuvre propose ainsi différents témoignages sur cette disparition, sans nous imposer d’explication – événement surnaturel ou vent de folie ? Le livret du Phare s’inscrit dans une tradition de l’étrange propre aux anglo-saxons. Curlew River de Britten vient immédiatement à l’esprit : même économie dans l’action, même absence de voix féminines, même huis clos fantastique sur fond d’eau – le bac comme le phare sont des voies de passage.

L’oeuvre s’appuie, par ailleurs, sur les conventions de l’opéra, auxquelles elle confère une portée dramaturgique. D’une scène où les trois gardiens chantent tour à tour un air caractéristique aux moments où la musique tend à la figuration (le cor mime la voix de l’enquêteur dans le prologue, la partition simule les états de la mer, tempête ou calme), dramaturgie musicale et livret s’entrelacent. La fantasmagorie du livret trouve un écho dans certaines images musicales, d’apparence trop réelles pour n’être pas des chimères. La musique joue ainsi aux fantômes, entre expressionnisme et impressionnisme, chanté et parlé, représentation et faux-semblants. La convention, qui devait servir la représentation, tend à la démasquer en se faisant moment de la dramaturgie.

Dans cette salle de petite dimension, qui se prête à merveille à son air confiné, l’oeuvre est remarquablement servie. La mise en scène de Max Charruyer est sobre – l’optique du phare est le centre d’une scène dépouillée et sombre. Elle en réfère à l’unité du mythe (les chanteurs, qui jouent différents personnages, se changent sur scène tandis que se fait l’obscurité). La distribution est homogène. Les chanteurs sont, une fois n’est pas coutume, aussi acteurs, caractérisant chacun des personnages. Certains passages de l’oeuvre – notamment la scène où les gardiens chantent successivement leur air – paraissaient artificiels. Cette artificialité du jeu souligne pourtant le recours dramaturgique à la convention, brisant l’unité de ton de l’oeuvre : ils créent un moment de distance dans le jeu, rappelant que ces air sont pour les gardiens une bouée de sauvetage, un moment de joie forcée, une tentative d’oubli. L’artifice rattache ici le récit au mythe.

Dans cette oeuvre écrite pour petit effectif, les instrumentistes de l’Ensemble Erwartung nous ont montré leurs belles qualités musicales, dans les nappes de brume comme dans les orages de la partition.

L’oeuvre sera reprise les 3 et 4 juin à l’Atelier Lyrique de Tourcoing. A peine créé en France, espérons que cet opéra passionnant y connaîtra une longue vie.



Gaëlle Plasseraud

 

 

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