About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Telescopage

Paris
Opéra Comique
05/07/2008 -  et 4 mai 2008 (Tokyo)
Hans Zender : Schuberts «Winterreise». Eine komponierte Interpretation

Hans Jörg Mammel (ténor)
Les Siècles, François-Xavier Roth (direction)
Jeanne Roth (spatialisation et lumières)


Dernière des «Rumeurs», ces spectacles qui entourent les quatre représentations de Roméo et Juliette (1989) de Dusapin à l’Opéra Comique (voir ici): «une interprétation composée» du Voyage d’hiver (1827) de Schubert réalisée en 1993 par Hans Zender. Le rapprochement en vaut bien un autre, la démarche de chacun des deux compositeurs, à seulement quatre ans de distance, pouvant en effet se ranger sous la bannière accueillante du «postmodernisme».


«Interprétation composée»: il n’y a aucune tromperie sur la marchandise. Le spectateur excédé qui, parvenu à peu près à mi-parcours, s’exclame «Non, c’est pas possible, incroyable!» s’est simplement trompé d’adresse, préférant grommeler ensuite jusqu’à la fin du concert plutôt que de partir. De fait, Zender ne se contente évidemment pas d’orchestrer l’accompagnement pour une formation de vingt-cinq musiciens – et encore, quand bien même ce serait le cas, il faut se souvenir du traitement qu’il avait réservé, deux ans plus tôt, à cinq Préludes de Debussy (voir ici): les timbres inattendus (aigus du trombone dans «Saisissement»), les effets spéciaux (notamment dévolus à une riche percussion), le registre populaire (guitare, accordéon, saxophone soprano) et même le trivial ont également ici leur place.


Voilà qui, assurément, aurait déjà suffi à choquer le puriste – auquel on ne pourra hélas pas davantage recommander de se reporter à l’excellente «version de chambre» réalisée en 2005 par Normand Forget et récemment publiée chez Atma (voir ici) – mais Zender va beaucoup plus loin: préludes et postludes de son cru, en particulier dans le premier et le dernier lied, transpositions, compléments, retraits, répétitions, interpolations, déformation du tempo. Nullement iconoclaste pour autant, il explicite certains aspects de la partition de Schubert et des poèmes de Müller, tels ces décalages et superpositions qui offrent une traduction sonore des «Soleils parallèles» de l’avant-dernier lied: une approche animée par le plaisir plus que par l’austérité, entre la virtuosité jubilatoire de «Courage!» et les allusions descriptives (pas dans la neige, crissement d’une porte), au besoin avec l’aide de l’éoliphone (machine à vent) ou du bâton de pluie, tous deux actionnés par la harpiste. Et la façon dont Schubert semble engager un dialogue avec ses descendants, de Mahler à Rihm en passant par Berg, Webern, Weill, Zimmermann, Ligeti, Berio ou Piazzolla, ne laisse pas de fasciner.


Le concours de Zender n’ôte rien à la densité et la tension inhérentes à l’œuvre de Schubert, que viennent renforcer la spatialisation et les éclairages, tous deux réglés par Jeanne Roth. Certains musiciens se déplacent entre le plateau où ils ont pris place de façon traditionnelle, d’une part, et l’arrière-scène, les coulisses ou la salle, d’autre part: au-delà de quelques tentatives de multiplication des sources sonores, comme dans «Le Tilleul» ou «La Poste», s’agit-il d’illustrer ainsi l’errance du Wanderer ou même de suggérer, durant «Le Joueur de vielle» conclusif, une sorte de Symphonie des adieux? Mais ces mouvements, aussi discrets soient-ils, peuvent difficilement ne pas détourner l’attention. De même, l’apport des lumières n’est guère décisif, le plus sensible consistant sans doute en ces grands cercles figurant, peu avant la fin du cycle, les «soleils parallèles» qui abusent le voyageur.


Malgré le recours épisodique à un mégaphone et bien que le texte soit parfois récité et non chanté, c’est la partie de ténor qui subit le moins de modifications et qui demeure donc en toute circonstance un point de repère auquel l’auditeur familier du recueil peut se raccrocher. Hans Jörg Mammel a d’ailleurs enregistré la version originale avec Arthur Schoonderwoerd au piano(forte) (Alpha): après un démarrage un peu difficile dans les extrêmes de sa tessiture, il s’impose par une diction au-dessus de tout soupçon, un beau timbre et une justesse remarquable. Mais le ton demeure trop lisse pour dispenser aussi bien l’amertume que l’espoir, l’effroi ou la résignation. L’orchestre de chambre Les Siècles, partie prenante des courts-métrages «Presto» diffusés sur France 2, offre un contraste radical à la voix, la direction de François-Xavier Roth tendant à insister sur ce que Zender surligne déjà lui-même. Les interprètes n’en reçoivent pas moins un excellent accueil du public, auquel le chef, fort sagement, répond non par un improbable bis mais par un hommage à la nouvelle direction de l’Opéra Comique.


Le climat est certes en ce moment tout sauf hivernal à Paris, mais ce Winterreise reste décidément on ne peut plus actuel: pour les sans-abri installés aux abords de la salle Favart, c’est le même voyage sans issue qui se poursuit indépendamment des saisons, un télescopage entre Schubert et notre temps bien dans l’esprit du travail accompli par Zender.


Le site de Hans Jörg Mammel
Le site des Siècles



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com