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Pour la fosse et le plateau

Geneva
Grand Théâtre
05/02/2008 -  Et les 5, 11, 14, 17 & 20 mai.
Richard Wagner : Lohengrin
Georg Zeppenfeld (le Roi), Christopher Ventris (Lohengrin), Soile Isokoski (Elsa), Jukka Rislainen (Frédéric), Petra Lang (Ortrud), Detlef Roth (le Héraut), Bisser Terziyski, Wolfgang Barta, Phillip Casperd, Vladimir Iliev (Quatre nobles)
Orchestre de la Suisse Romande, Chœur du Grand Théâtre, Chœur Orpheus de Sofia, Leif Segerstam (direction)
Daniel Slater (mise en scène)


Il serait difficile, pour Lohengrin, de réunir plateau plus homogène. Christopher Ventris, plus à l’aise que dans Parsifal, a l’exacte voix du rôle – on passera sur le vibrato serré -, avec du velours et du métal. Une émission haute, toujours aisée, lui permet en particulier d’assumer sans gêne l’arrivée et le départ du héros, dangereusement situés dans le passage, et de chanter sa partie avec les nuances indiquées sur la partition. Le duo nuptial réserve ainsi de superbes moments où le chanteur a des phrasés de Liedersänger. Il trouve en Soile Isokoski une Elsa digne de lui : la chanteuse finlandaise joue admirablement des couleurs de sa voix, à la fois ronde et fruitée, selon les moments, ne chantant pas le rêve comme « Euch Lüften » ou la scène de la chambre. Sans mièvrerie, sans hystérie, elle aspire seulement à la lumière du bonheur. Face à elle, l’Ortrud de Petra Lang a la froide détermination de Lady Macbeth, ni mégère ni sorcière, subtilement venimeuse, d’autant plus terrible qu’elle contrôle parfaitement une voix qui ne crie jamais et des registres impeccablement soudés. Autre Finlandais, Jukka Rasilainen, s’il est moins raffiné que sa diabolique épouse et ne rend pas toujours la noblesse déchue du personnage, chante Frédéric là où beaucoup se contentent, pour paraître plus noirs, de vociférer un emploi à la tessiture meurtrière, constamment éclatée il est vrai – c’est l’un des rôles wagnériens les plus difficiles et les plus sacrifiés. Aux côtés du roi Henri de Georg Zeppenfeld, noble de voix et de style, le Héraut de Detlef Roth a belle allure, ne sacrifiant pas le chant à une déclamation péremptoire. La qualité de l’ensemble doit aussi beaucoup à la direction de Leif Segerstam, qui remplace Klaus Weise initialement prévu. Est-ce la présence de Marek Janowski à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande ? Le chef finlandais obtient une très belle pâte sonore, avec des timbres à la fois clairs et fondus – on a rarement trouvé du côté des cordes genevoises des sonorités aussi veloutées, qui font merveille dans le Prélude. Il préserve surtout l’équilibre entre les pupitres, les cuivres n’étouffant jamais le reste de l’orchestre – le Prélude du troisième acte, à cet égard, est exemplaire. Cela dit, cette direction s’avère parfois plus symphonique que théâtrale : la fin du premier acte, par exemple, semble un peu en deçà de l’explosion jubilatoire que l’on attend.


Daniel Slater, en revanche, a raté sa production. Bibliothèque mise à sac, procès truqué : on met de l’ordre dans un pays frère en proie à la guerre civile. Rien ne manque à cette dictature stalinienne – mais certains uniformes peuvent aussi bien rappeler l’Espagne franquiste que les régimes sud-américains d’hier. Le Héraut a des airs de chef de la police. Le frère d’Elsa ressuscité apparaît à la fin en uniforme, de quoi rassurer les militaires. On ne reprochera pas au metteur en scène d’avoir opté pour une lecture politique, même si celle-ci, au demeurant fort peu appréciée du public de la première, sent le déjà vu, mais de ne pas l’avoir inscrite dans une vision cohérente. Si Robert Carsen avait pris un parti voisin, il avait montré, fidèle à Wagner, l’incommensurable fossé séparant ce monde de celui de Lohengrin, ce qui expliquait aussi l’échec du couple. Ici, le réalisme contamine tout, quoique l’épée du Chevalier, lors du duel, ressemble à Excalibur : le duo nuptial se mue en un face-à-face bourgeoisement emprunté de deux malheureux un peu niais alors qu’on prétend nous montrer deux êtres qui, à cause de leur inexpérience, ne peuvent conduire à son terme « une expérience initiatique ». Du coup se posait également le problème du cygne : rien ne le remplace, l’anti-héros attend, au fond, assis à une table, vêtu d’un manteau de cuir bien peu reluisant. L’œuvre, elle, perd décidément de son mystère, de sa poésie et de son sens, victime d’une lecture éclatée et sans relief, pas indigne non plus, ainsi que d’une direction d’acteurs superficielle : les chanteurs se cantonnent dans des gestes très convenus, le chœur – vaillant mais parfois un peu dépassé - semble livré à lui-même.



Didier van Moere

 

 

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