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Une Veuve tristounette + interview de Marc Laho

Toulouse
Théâtre du Capitole
12/19/1998 -  et 22, 23, 24, 29, 30, 31 décembre 1998
Franz Lehár : La Veuve joyeuse
Danielle Borst (Missia Palmieri); Jean-François Lapointe (Prince Danilo); André Jobin (Popoff); Xenia Konsek (Nadia); Marc Laho (Camille de Coutançon); Christian Asse (Figg)…
Orchestre et chœurs du Capitole, Claude Schnitzler (direction)
Jacques Doucet (mise en scène)



L’opérette est décidément un genre extrêmement difficile à réussir et demande une balance d’une extrême finesse entre comédie et musique pour ne pas sombrer dans la vulgarité ou dans l’ennui. Cette mise en scène de la Veuve joyeuse le prouve en n’offrant en guise du champagne attendu qu’un mousseux sympathique mais un peu fade.
La partie musicale surtout apparaît passablement sacrifiée avec, surtout, une distribution féminine en-dessous du médiocre. Danielle Borst à beau afficher un maintien noble et une allure certaine, malgré un âge un peu avancé pour le rôle, sa voix sans homogénéité franchit rarement les deux premiers rangs d’orchestre et son français est incompréhensible. Xenia Konsek n’est pas en reste, le vibrato de sa voix stridente n’apportant qu’une satisfaction auditive limitée. Enfin, il vaut mieux jeter un voile pudique sur la prestation de Manon, la première grisette, qui nous a offert un grand numéro de mime.
Les deux premiers rôles masculins sont nettement mieux tenus. Le Prince Danilo de Jean-François Lapointe a très fière allure et son chant soigné autant qu’agréable domine le plateau. À ses côtés, Marc Laho est un fort bon Camille, même si son personnage apparaît un peu en retrait dramatiquement. Le reste de la distribution est en tout point oubliable.
La direction de Claude Schnitzler, souvent bruyante, n’aide guère les chanteurs à se faire entendre et transforme la musique si raffinée de Lehár en flonflons patauds.
On ne peut que se souvenir avec regret du spectacle, pourtant point parfait, offert en février dernier par un Michel Plasson très inspiré autour de la Missia d’une toute autre classe de Felicity Lott!
Les spectateurs toulousains ont heureusement plus de satisfactions sur le plan dramatique. Il faut saluer surtout les excellentes performances théâtrales d’André Jobin et Christian Asse, irrésistibles dans les rôles parlés de Popoff et Figg, et qui font à eux-seuls tout le sel de la pièce. Certes tout cela relève de la tradition d’un théâtre de boulevard un peu désuet à l’humour très “Almanach Vermot 1900” mais servi avec beaucoup de chic et de naturel dans la loufoquerie. On peut regretter toutefois quelques longueurs dues à une mise en scène parfois un peu lente et à un manque de coordination entre parties chantées et parlées.
Les ballets sont assez plaisants même s’ils n’échappent pas toujours à une pointe de vulgarité, comme l’apparition de grisettes coco-girls ou déguisées en prostituées de bas-étage revues par La Redoute.
Au total, un spectacle pas désagréable mais en rien enthousiasmant, manquant de la légèreté et de la vivacité viennoise, et qui a d’ailleurs été accueilli poliment mais plutôt froidement par le public toulousain.

Laurent Marty


QUESTIONS À MARC LAHO




Après un premier prix de chant au Conservatoire de Liège, ce ténor belge de 33 ans mène une brillante carrière qui l’a amené sur les principales scènes européennes.
Toulouse l’a découvert cette année en Arturo dans Lucia di Lamermoor puis dans un récital d’airs d’opéras français qui a remporté un très vif succès. Il est à nouveau à l’affiche dans La Veuve joyeuse et nous le reverrons dès la saison prochaine dans Louise.
Rencontre/portrait avec un jeune chanteur qui ne mâche pas ses mots!

ConcertoNet : Pour commencer, une question d’usage : Comment vous est venu le goût pour le chant ?

Marc Laho : Cela ne m’est pas venu! Je suis né avec la musique, j’ai d’ailleurs suivi une formation de trompettiste au Conservatoire après des études de menuisier-ébéniste. C’était une passion, un plaisir, mais c’était resté un hobby jusqu’au jour où j’ai dû trouver du travail. Mon père, qui était choriste, m’a proposé d’entrer dans les chœurs. Je chantais de la variété dans des cabarets, mais je n’aurais jamais cru pouvoir faire de l’opéra. Mes seules références vocales étaient Mario Lanza et Luis Mariano! Comme il me fallait bien travailler, j’ai passé une audition pour rentrer dans les chœurs de l’opéra de Liège où l’on a découvert que j’avais une véritable voix d’opéra. De fil en aiguille, je me suis intéressé à l’opéra, que je n’aimais pas du tout et j’ai pris des cours de chant.

ConcertoNet : Vous avez étudié avec Luigi Alva, Alain Vanzo et Gabriel Bacquier. Comment avez-vous eu l’opportunité de travailler avec eux et que vous ont-ils apporté ?

Marc Laho : Pour Alain Vanzo, l’opportunité m’a été offerte après avoir remporté un prix au concours de Vierviers. J’avais gagné une somme d’argent qui me permettait d’étudier avec un professeur et j’ai choisi Alain Vanzo. Je l’avais toujours beaucoup apprécié, surtout parce qu’il défendait l’opéra français. Je n’ai pas beaucoup travaillé avec lui car s’il est un très bon chanteur, ce n’est pas un très bon professeur. Du moins, sa voix étant naturelle, il ne sait pas toujours expliquer comment il chante. Je lui dois néanmoins beaucoup pour la technique de la voix mixte.
J’ai fait ensuite un stage de chant avec Gabriel Bacquier, grâce à qui j’ai pu entrer à l’opéra de Monte-Carlo. Il a “libéré” ma voix et m’a appris comment élargir mes sons.
Enfin, j’ai été engagé pour chanter un petit rôle à Orlando, aux Etats-Unis, dans une mise en scène de Luigi Alva. Il m’a entendu et m’a proposé de travailler avec lui pendant environ un mois. Nous avons surtout travaillé le style et l’interprétation, notamment autour du Barbier de Séville.
J’ai également travaillé avec Pierre Fleta, le fils de Miguel, au Conservatoire de Liège.
En tout, je n’ai suivi des cours de chants au Conservatoire que pendant deux ans, le reste s’est fait par des rencontres ponctuelles, mais aussi par un travail personnel. Il est important de s’écouter et de se faire corriger par d’autres chanteurs.

ConcertoNet : Votre formation ainsi que le programme du récital que vous avez donné à Toulouse en début de saison semblent témoigner de votre volonté de vous inscrire dans la tradition du chant français. Est-ce un choix de carrière?

Marc Laho : Je trouve qu’il y a de moins en moins de chanteurs français pour défendre l’opéra français. Il y a pourtant des chanteurs en France, mais beaucoup de directeurs de théâtres ne veulent pas engager de français et préfèrent faire appel à des étrangers. Question peut-être de notoriété, voire tout simplement de nom? Un nom inconnu mais étranger sur une affiche intéressera certainement plus de monde qu’un nom français. D’ailleurs, les chanteurs français connus ont acquis leur renommée à l’étranger. Il est vrai que le répertoire français est difficile à chanter, mais je souhaite vraiment le défendre et défendre aussi la tradition française de chant.
Cela ne veut pas dire que je ne chante pas d’opéra italien, mais il n’y a pas pénurie d’interprètes pour ce répertoire. J’ai chanté L’élixir d’amour, Le Barbier de Séville, pas mal de Bellini et de Donizetti et un seul Verdi jusqu’ici, La Traviata. Je veux limiter mon répertoire au bel canto italien et à l’opéra français. Il y a actuellement peu d’interprètes pour des œuvres comme Le Postillon de Lonjumeau, La Dame blanche, La Fille du régiment et l’on fait presque toujours appel à des étrangers. Il est très difficile pour un chanteur français de se faire connaître, alors qu’il y a en pourtant d’excellents! On l’a bien vu avec Ludovic Tézier. C’est un baryton français et quelle belle voix!

ConcertoNet : Vous êtes un ami de Ludovic Tézier, que le public toulousain vient de découvrir en Zurga des Pêcheurs de perles. Auriez-vous aimé chanter Nadir à ses côtés ?

Marc Laho : Bien sûr! J’ai même été étonné, et un peu déçu, qu’on n’ait pas fait appel à moi lorsque le ténor prévu a déclaré forfait, alors que je connais bien l’œuvre et que j’étais en repos à ce moment-là. Ils ont engagé au dernier moment Gregory Kunde, que j’apprécie beaucoup mais qui revenait d’une série de représentations de Sémiramide et qui n’a peut-être pas pu se montrer à son meilleur niveau vocal. Ils ont certainement pensé qu’il valait mieux remplacer un nom connu, Bruce Ford à l’origine, par un autre. Je comprends parfaitement que réunir sur une même affiche Marc Laho et Ludovic Tézier aurait été moins vendeur.
Nous avons fait nos débuts à Marseille dans le même opéra, Lucrezia Borgia , où nous chantions de petits rôles et j’ai été très impressionné par sa voix. Depuis, nous avons chanté ensemble dans Le Comte Ory à Glyndebourne, un autre excellent souvenir.

ConcertoNet : Comment ont été vos relations avec Marcelo Alvarez, jeune ténor montant, avec qui vous avez partagé l’affiche de Lucia ?

Marc Laho : Extraordinaires! Pour moi une véritable star doit être humble, naturelle… Marcelo Alvarez réunit toutes ces qualités. Et lorsqu’on entend sa voix, on comprend que sa carrière ait débuté en flèche. On ne peut qu’espérer qu’il ne la gâchera pas comme tant d’autres chanteurs qui ont été trop vite propulsés dans le star-system.
J’ai été très sensible à l’ambiance chaleureuse qui a régné tout le long des représentations de Lucia. Tous les chanteurs sont venus assister à mon récital et nous avons mangé ensemble ensuite. Marcelo a eu l’air enthousiasmé et m’a demandé les partitions des airs qu’il ne connaissait pas; cela m’a fait très plaisir. C’est quelqu’un de vraiment très sympathique. C’est assez rare de le dire entre ténors mais j’espère pour lui qu’il ira le plus loin possible. Il faut bien reconnaître qu’il a une voix exceptionnelle, époustouflante.

ConcertoNet : Vous venez chanter La Veuve joyeuse à Toulouse. Avez-vous un intérêt particulier pour l’opérette?

Marc Laho : C’est un répertoire qui m’attire énormément, mais l’opérette est considérée en France comme un art mineur et j’ai peu l’occasion d’en chanter. On n’imagine pas qu’un chanteur d’opéra puisse chanter de l’opérette. C’est un peu différent ici, à Toulouse, car Nicolas Joël sait qu’on peut très bien chanter les deux.
Il m’avait proposé d’auditionner pour chanter le premier rôle dans Lucia en alternance avec Marcelo Alvarez, ce qui était très flatteur pour un chanteur français. J’ai cependant refusé car il est trop tôt pour moi pour chanter Edgardo. Il a tout de même voulu m’entendre et m’a proposé de faire Arturo dans Lucia et Camille dans laVeuve Joyeuse.
La Veuve Joyeuse est plus qu’une opérette par son écriture très vocale. J’ai débuté dans l’opérette avec les ouvrages de Lopez, Mexico, Andalousie… et également des œuvres plus classiques. Beaucoup de directeurs ont tendance à confiner les chanteurs dans un seul genre, opérette ou opéra. Les viennois n’hésitent pourtant pas à faire chanter La Chauve-Souris par les plus grands chanteurs d’opéras. Mais le genre a périclité en France, surtout à cause du mépris dont il est l’objet.

ConcertoNet : Pensez-vous que ce répertoire puisse connaître un renouveau?

Marc Laho : Bien sûr, d’ailleurs l’opéra-comique semble revenir à la mode. Il y aura l’année prochaine à Toulouse la création d’un opéra comique/comédie musicale,Le Chapeau de paille d’Italie, qui est donné cette saison à Lyon. Mais il faut des chanteurs d’opéras qui soient aussi des comédiens pour que cela réussisse.

ConcertoNet : Vous avez chanté avec Nikolaus Harnoncourt à Zurich, quels souvenirs gardez-vous de cette collaboration prestigieuse ?

Marc Laho : Cette Belle Hélène a été une expérience inoubliable! Avec seulement vingt-cinq musiciens, comme à la création, Harnoncourt a obtenu quelque chose d’exceptionnel. C’était formidable de voir un chef aussi connu diriger cette œuvre avec autant de passion que s’il s’était agi d’un opéra de Wagner. Les musiciens s’amusaient dans la fosse et c’est ce qu’il faut pour obtenir un spectacle réussi. Les orchestres français ne s’impliquent pas autant dans la fosse et leur niveau général semble avoir beaucoup baissé. Pourtant une représentation d’opéra est un tout où chacun à son rôle à jouer, jusqu’au balayeur de scène! Les orchestres étrangers y mettent plus de cœur.
Grâce à Harnoncourt j’ai compris qu’un chef d’orchestre ne servait pas qu’à battre la mesure et à donner les entrées, mais pouvait aussi vous faire ressentir la musique. Un simple geste lui suffit pour vous faire comprendre exactement la manière dont vous devez chanter. Nous avons travaillé le rôle pendant une seule heure, mais cela a suffi pour que j’ai l’impression de redécouvrir l’œuvre. Cela a été pour moi la consécration d’être dirigé par un tel chef, et dans une opérette ! Aucun autre depuis ne m’a apporté les mêmes sensations.

ConcertoNet : Quels sont vos rôles favoris ?

Marc Laho : Surtout des rôles d’opéras-comiques, Le Comte Ory, Tonio de la Fille du régiment, Nemorino dans L’Elixir d’amour… La musique est merveilleuse et j’adore jouer la comédie.

ConcertoNet :Songez-vous parfois à des rôles qui vous font envie mais que vous ne pensez pas aborder ou plus tard ?

Marc Laho : Otello ! Je ne pourrai jamais le chanter mais ce personnage est un sommet, dramatiquement et musicalement.Calaf, également.
Sinon, dans l’avenir il y a Rodolphe dans La Bohème et Les Puritains. Le rôle m’attire même s’il n’est pas exactement pour ma voix. J’aimerais bien pouvoir chanter Les Contes d’Hoffmann, mais il faudra voir quelle sera l’évolution de ma voix, ou Edgardo dans Lucia. Lorsque j’aurai la cinquantaine, j’aimerai bien chanter Werther. Je crois qu’il faut une certaine expérience de la vie pour aborder un tel rôle.
J’ai pu chanter jusqu’à présent à peu près tout ce que je souhaitais et je veux maintenant approfondir mes rôles.

ConcertoNet : Comment voyez-vous l’évolution de votre voix?

Marc Laho : Elle va devenir un peu plus lyrique et me permettra peut-être d’aborder quelques Verdi et des œuvres comme La Bohème ou Carmen, pourquoi pas?

ConcertoNet : Quels sont vos projets? Avez-vous des enregistrements en vue?

Marc Laho : Après la Veuve joyeuse, je chanterai Les Puritains puis Lucia à Genève, La Favorite à San Francisco… Il y a également quelques projets d’enregistrements mais rien de sûr encore. Peut-être un récital d’airs d’opéras français.



Laurent Marty

 

 

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