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Ciccolini par trois

Paris
Salle Pleyel
04/05/2008 -  
Francis Poulenc : Concerto pour deux pianos
Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano n°4
Robert Schumann : Concerto pour piano.

Aldo Ciccolini (piano), Gabriele Carcano (piano)
Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon, Lawrence Foster (direction)


A plus de quatre-vingt-deux ans, Aldo Ciccolini conserve une santé digitale impressionnante, au point de pouvoir donner, comme il le fit à Montpellier cet été, trois Concertos d’affilée. Mais là n’est pas l’essentiel : la technique, chez lui, reste toujours au service de l’expression. En un mot, c’est un musicien.


Le Concerto pour deux pianos de Poulenc, qu’il joue – comme à Montpellier – en compagnie de son disciple le très prometteur Gabriele Carcano, est fringant et gouailleur dans l’Allegro ma non troppo initial, d’une parfaite clarté, avec des clins d’œil à l’exotisme colonial aussi bien qu’à Mozart. On aime moins le Larghetto, un peu trop belcantiste à notre gré, pas assez français de ton : si Mozart resurgit ici, c’est revu par Poulenc. Mais on retrouve ce dernier dans le Finale, d’une vigueur rythmique inouïe, percussif sans la moindre dureté, les solistes ne se laissant pas prendre au piège du faux sentimentalisme si caractéristique du compositeur facétieux des Mamelles de Tirésias. Il faut saluer leur entente, comme si l’on ne percevait qu’un piano, entente confirmée par le Satie donné en bis. A la tête d’un orchestre diligent, Lawrence Foster perçoit parfaitement l’esprit du Concerto, sa verdeur stravinskienne, ses libertés déboutonnées, ses réminiscences mozartiennes aussi.


Ils ont du mal, en revanche, à maîtriser le Quatrième Concerto de Saint-Saëns : la partition n’est pas au répertoire de l’orchestre ou les répétitions ont manqué. On n’écoute plus guère que le pianiste, qui s’y montre souverain, d’une grandeur contenue, semblant improviser à tout instant alors qu’il pense chaque note, se situant – exactement comme Saint-Saëns – entre Liszt et Beethoven. Par rapport au fameux enregistrement de l’intégrale avec l’Orchestre de Paris dirigé par Serge Baudo, l’interprétation s’est intériorisée, s’attachant particulièrement à la beauté et à la richesse des couleurs : on trouve peu de pianistes qui timbrent ainsi leur sonorité dans tous les registres et dans toutes les nuances. La fin de l’Andante, par exemple, est féerique.


Le Concerto de Schumann, dont l’orchestre semble plus familier, termine ce marathon pianistique en beauté, sous la direction d’un Lawrence Foster passionné, beaucoup plus à l’aise également. On n’avait pas entendu depuis longtemps un pianiste jouer cet opus 54 avec un romantisme aussi généreux et aussi solaire, avec des sonorités d’une profondeur aussi lumineuse. Ciccolini, surtout, ne cesse de chanter, même quand le piano accompagne. Là réside son secret : tout, chez lui, est chant, de l’exposition du thème au début jusqu’aux rythmes dansants du Finale. Mais ce belcantiste du clavier est aussi un architecte, qui ne sacrifie jamais à l’hédonisme sonore : le Concerto est tenu, construit, de la première à la dernière note ; on croirait, pour un peu, que c’est lui qui dirige.


En bis, « Adieu » et « L’Oiseau prophète » des Scènes de la forêt : deux moments de grâce, de pure poésie, dont aucun commentaire ne peut donner l’idée.



Didier van Moere

 

 

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