Back
Dans la descendance de Haydn Paris Sorbonne (Amphithéâtre Richelieu) 04/04/2008 - Joseph Haydn : Sonates pour clavier n° 54, Hob.XVI.40, n° 55, Hob.XVI.41, et n° 56, Hob.XVI.42 (arrangements pour trio à cordes)
Alexandre Pierre François Boëly : Trio à cordes en ré majeur, opus 5 n° 1
Charlotte Juillard (violon), Sylvain Durantel (alto), Tatjana Uhde (violoncelle)
Du 4 au 6 avril, les étudiants qui suivent le cycle de perfectionnement du Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSMDP) se produisent à l’Amphithéâtre de la Cité de la musique, mais juste avant que ce week-end ne commence, trois d’entre eux se sont associés dans le cadre des «Concerts de midi» à la Sorbonne. S’inscrivant dans la thématique qui préside à l’ensemble de la saison («D’une génération l’autre»), leur programme comportait une double originalité: des pages rares de Haydn, d’une part, un musicien à découvrir, d’autre part.
Les trois Trios à cordes de Haydn publiés en 1788 par Hoffmeister sont en réalité l’arrangement d’un recueil de trois Sonates pour clavier antérieures de quatre ans («opus 53»). Si Haydn a dédié une vingtaine d’oeuvres à cette formation, celles-ci, toutes antérieures à 1768, ne sont donc pas représentatives de sa maturité: même s’il est loin d’être certain que ces adaptations puissent lui être attribuées, aucune des trois voix n’est réduite à un rôle subalterne et la richesse de l’écriture pianistique trouve une traduction étonnamment convaincante, alors que le trio à cordes est pourtant réputé comme un exercice périlleux, tant pour les compositeurs que pour les interprètes. De ce point de vue, quelques soucis de mise en place ou de précision ne mettent pas en cause la tenue et le style de la prestation de Charlotte Juillard, Sylvain Durantel et Tatjana Uhde.
Toutes construites sur le même schéma (deux mouvements seulement), ces trois Sonates se caractérisent également, ainsi que le fait observer Jean-Pierre Bartoli dans sa présentation liminaire, par leur recours à la variation ainsi qu’aux oppositions entre modes majeur et mineur: la première, en sol, est sans doute la plus connue, avec son espiègle Allegretto innocente et son spirituel Presto, mais la troisième, en ré, se révèle encore plus inventive, avec un Andante con espressione riche en surprises.
Pianiste formé par Ladurner et Montgeroult, pédagogue lui-même, organiste de Saint-Germain-l’Auxerrois, Alexandre Pierre François Boëly (1785-1858) a fait carrière dans des domaines qui n’étaient alors guère prisés du public (musique instrumentale, orgue). Le cent cinquantième anniversaire de sa mort est marqué par divers événements, parmi lesquels la parution chez bleu nuit d’un ouvrage de Brigitte-François Sappey, déjà auteur d’une monographie de référence publiée voici près de vingt ans Aux amateurs de livres, et d’Eric Lebrun. Un colloque sera par ailleurs organisé à la Sorbonne les 4 et 5 décembre prochain en collaboration avec le Conservatoire national de région (CNR) de Paris.
La chronologie en fait un «petit frère» de Beethoven, mais le premier de ses trois Trios à cordes de l’opus 5 (1808) le situe davantage comme un descendant de Haydn. D’assez vastes proportions (vingt-quatre minutes), il respecte la structure traditionnelle en quatre mouvements, avec une importante introduction lente en mineur suivie d’un Allegro de forme sonate au développement harmoniquement aventureux. L’Allegretto grazioso possède une saveur populaire que ne dément pas le Scherzo, tandis que l’Allegro assai retrouve la vivacité, l’humour et les surprises du modèle haydnien. Alors que le culte de la virtuosité et de la vocalité s’imposait en France à l’époque, les trois instruments sont ici placés sur un pied d’égalité, avec notamment un violoncelle qui vient souvent concurrencer et même parfois dépasser l’alto dans l’aigu.
Simon Corley
|