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Un opéra par saison à l’Orchestre Colonne

Paris
Salle Pleyel
02/19/2008 -  
Laurent Petitgirard : Joseph Merrick dit Elephant Man

David Walker (Joseph Merrick), Nicolas Rivenq (Le docteur Treves), Philippe Do (Tom Norman), Marie Devellereau (Mary), Elsa Maurus (Eva Lückes), Philippe Kahn (Carr-Gomm), Marion Baglan (La colorature), Christophe Crapez, Francis Dudziak (Deux garçons), Valérie Yeng Seng (La jeune fille), Louis-Alexander Désiré (Jimmy), Mari Laurila-Lili (Chef de chant, La mère, Une infirmière), Patrick Marco (Le père)
Chœur de l’Orchestre Colonne, Patrick Marco (chef de chœur), Orchestre Colonne, Laurent Petitgirard (direction)


Jamais à court d’initiatives, Laurent Petitgirard, reconduit en novembre dernier dans les fonctions de directeur musical de l’Orchestre Colonne, se propose de donner chaque année en version de concert un opéra contemporain: à tout seigneur, tout honneur, c’est son Joseph Merrick dit Elephant Man qui ouvre le ban. Composé entre 1995 et 1998, cet opéra en quatre actes a d’abord été enregistré à Monte-Carlo pour Naxos (1999) avant de connaître la scène à Prague et à Nice en 2002, puis à Minneapolis en 2006. Parmi les spectateurs de cette première parisienne: Michael Lonsdale, Philippe Hersant, dont Le Château des Carpathes sera donné par l’Orchestre Colonne le 11 mai 2009, et Daniel Mesguich, qui avait signé la production de 2002 (parue en DVD également chez Naxos) et qui mettra en scène, durant la saison 2009-2010 de l’Opéra de Nice, Guru, le deuxième opéra de Petitgirard, sur un livret coécrit avec Xavier Maurel.


L’histoire d’un monstrueux phénomène de foire aurait pu donner lieu à un spectacle truculent, baroque et haut en couleur, mais le livret d’Eric Nonn (né en 1947), qui, à la différence de The Elephant Man (1980) de David Lynch, se fonde sur les biographies de Joseph Carey Merrick (1862-1890) et non sur l’ouvrage publié plus de trente ans après les faits par le docteur Treves, évite tout manichéisme et suit une progression d’ordre plus psychologique que dramatique, révélant peu à peu la véritable personnalité du personnage principal. Dès lors, l’absence de direction d’acteurs, de décors et de costumes n’est pas rédhibitoire.


Mais l’entreprise n’en demeure pas moins ambitieuse, mobilisant pour une seule soirée l’orchestre au grand complet, le chœur dirigé par Patrick Marco et douze solistes (dont la plupart ont certes participé aux précédentes exécutions de l’œuvre), certains petits rôles étant tenus par des choristes voire par la chef de chant ou le chef de chœur. Malgré des tarifs éminemment raisonnables – de 10 à 30 euros pour plus de deux heures et demie de musique – Colonne n’en met pas moins les petits plats dans les grands, avec programme sur papier glacé distribué gratuitement et surtitrage.


Cette aide se révèle hélas nécessaire: indépendamment du volume des différentes voix, le parti pris consistant à placer les chanteurs le plus souvent non pas à l’avant-scène, comme de coutume, mais parmi les musiciens, entre cordes et bois, s’il leur permet d’être proches du chef et face à lui, restreint considérablement leur puissance. Mary Devellereau franchit brillamment l’obstacle, mais Philippe Do, dans une tessiture non moins tendue, ne peut pas mettre au mieux en valeur son excellente composition de Barnum ambigu.


Les deux principaux protagonistes sont en outre en retrait: reprenant un rôle créé par Nathalie Stutzmann, David Walker lui confère un supplément d’étrangeté avec sa voix de contre-ténor, mais, seul élément non francophone de la distribution, ne paraît véritablement assuré que dans les poèmes anglais chantés par Merrick, où il retrouve sa langue maternelle; Nicolas Rivenq campe un Docteur Treves guère plus charismatique, particulièrement desservi par son manque de projection. Les yeux rivés à la baguette de Petitgirard, Philippe Kahn est l’un des rares à assurer une prise de rôle (celui de Carr-Gomm): malgré des graves un peu pâteux, il s’en sort avec les honneurs. Le tout jeune Louis-Alexander Désiré (douze ans) et la colorature Marion Baglan s’illustrent en comprimari au fort tempérament.


Vaste tour d’horizon de l’histoire de la musique française, de Fauré à Messiaen en passant par Debussy, Poulenc ou Honegger, le langage peut bien évidemment prêter le flanc à la critique, d’autant le compositeur n’élude pas le pastiche (prière des malades au deuxième acte, air de la colorature au second acte). Mais personne ne pourra dénier la manière dont il parvient, en seulement quelques mesures, à planter un décor, à installer un climat. On reconnaît ici la patte de celui qui accompagne le commissaire Maigret à la télévision depuis de nombreuses années – le balancement sur deux accords emblématique du générique se retrouve même au premier acte. Mais Petitgirard est également un orchestrateur gourmand de timbres, depuis un simple solo de hautbois dans le prélude au deuxième acte jusqu’à ces tutti irisés par le célesta ou le vibraphone. Le traitement des voix respecte avant tout le texte: si la trame ne déroge pas à la grande tradition, elle ne réserve pas pour autant de grands airs, duos ou ensembles, ni même de grandes envolées lyriques, restant fidèle à une action qui laisse une grande place aux dialogues et à l’étude des caractères.


Le site de Laurent Petitgirard



Simon Corley

 

 

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