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La victoire de M. Beuh…

Paris
Salle Pleyel
02/16/2008 -  
Sofia Goubaïdoulina : In tempus præsens (création française)
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 «Romantique»

Anne-Sophie Mutter (violon)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


L’Orchestre national et son directeur musical, Kurt Masur, présentaient – à Pleyel, une fois n’est pas coutume – la première française d’In tempus præsens (2007) de Sofia Goubaïdoulina: vingt-sept ans après l’Offertorium (autre titre latin) destiné à Gidon Kremer, c’est pour Anne-Sophie Mutter qu’elle a écrit ce second concerto pour violon. La violoniste allemande, qui avait déjà suscité le Second concerto de Penderecki (1995), a créé cette commande de la Fondation Paul Sacher le 30 août dernier à Lucerne avec l’Orchestre philharmonique de Berlin dirigé par Simon Rattle et l’enregistrera prochainement avec l’Orchestre symphonique de Londres et Valery Gergiev. La postérité mettra-t-elle In tempus præsens au même niveau que le splendide Offertorium? Toujours est-il qu’à soixante-dix-sept ans le 24 octobre prochain, Sofia Goubaïdoulina ne se repose pas sur sa notoriété et continue de chercher à se renouveler.


Davantage que l’effectif orchestral proprement dit, c’est sa disposition qui se veut originale: en l’absence de violons, quinze altos et douze violoncelles se partagent l’avant-scène de part et d’autre du chef, chacun de ces groupes étant placé devant quatre percussionnistes; au centre, deux harpes et un clavecin entourent piano et célesta; enfin, les bois (par quatre, à l’exception des trois hautbois), les cuivres (six cors dont trois tuben wagnériens, trois trompettes, quatre trombones, tuba basse) et les neuf contrebasses sont alignés sur deux rangs seulement en fond de plateau.


De son précédent concerto, elle ne reprend guère que des éléments de forme: un continuum de trente-trois minutes, succession d’épisodes contrastés, encore que deux volets, séparés par une cadence que Mutter bissera, se détachent assez nettement, le premier d’esprit rhapsodique, s’achevant sur une puissante confrontation entre le soliste et les accords répétés de l’orchestre, le second plus vif et brillant, se concluant sur les aigus du violon et les tintements de la percussion. A une première audition, l’ensemble donne une impression décousue, les différentes sections, de caractère tour à tour sombre, rêveur ou orageux, s’enchaînant sans logique évidente.


Mais la trame sonore force constamment l’admiration, dans la puissance comme dans la subtilité: s’adaptant au jeu légendairement séduisant et virtuose d’Anne-Sophie Mutter, qui avait pu agacer dans le Concerto de Beethoven voici trois semaines en ce même lieu (voir ici), la partition révèle une sensualité que l’on n’attendait pas nécessairement chez Goubaïdoulina mais demeure d’une complexité suffisante pour que les interprètes soient contraints de s’interrompre au beau milieu de la première partie pour retrouver leurs marques. Une péripétie que l’on voudra bien attribuer au mouvement de grève observé trois jours plus tôt par les musiciens, afin, selon les termes d’un feuillet joint aux notes de programme, d’obtenir pour Radio France «les compensations financières liées à la disparition des recettes publicitaires prévue dans le projet de réforme de l’audiovisuel public».


Avec la Quatrième symphonie «Romantique» (1874) de Bruckner, la seconde partie du concert demeurait chez les grands mystiques. Plus familier, dans le romantisme germanique, de la période allant de Beethoven à Brahms en passant par Mendelssohn et Schumann, Masur s’est peu intéressé aux symphonies du «ménestrel de Dieu» (pas plus d’ailleurs qu’à celles de Mahler) durant son mandat au National, se contentant des quatre plus célèbres: la Troisième en septembre 2003, la Quatrième en janvier 2005, la Septième en mai 2005 et la Neuvième en juin 2005. Il n’en a pas moins tenu à en reprendre deux au cours de cette dernière saison parisienne dont la programmation semble consacrée aux œuvres qui lui sont les plus chères: après la Septième en novembre dernier, c’est ainsi la Quatrième qu’il a à nouveau choisie.


Malheureusement, la lecture du chef allemand déçoit par son incapacité à tenir la distance tout au long de ces soixante-dix minutes: la gestion des tempi, globalement retenus, laisse à désirer tandis que la direction cultive l’étrange et le détail au détriment des grandes courbes, alternant objectivité et solennité, transparence et effets de masse – l’appel des cors est presque inaudible dans la coda du premier mouvement. Entre indolence et enlisement, le propos ne prend que rarement son envol, jusqu’à un dernier accord comme essoufflé. De quoi donner raison à ceux qui demeureraient encore rétifs à cette musique, autrement dit à «M. Beuh…» contre «M. Ah!», sous les yeux de la comtesse de Cée, dans le plaisant échange de vues imaginé par Christophe Deshoulières pour les notes de programme.


Le site d’Anne-Sophie Mutter



Simon Corley

 

 

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