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Sous le signe d’Eros

Paris
Salle Pleyel
02/09/2008 -  
Richard Strauss : Don Juan – Concerto pour cor n°2
César Franck : Psyché

David Guerrier (cor), Marianne Pousseur (récitante)
Orchestre national de France, Chœur de Radio France, Kurt Masur (direction)


Un jour après la Sinfonia domestica par Eliahu Inbal (lire ici), Kurt Masur dirigeait Don Juan. Les deux œuvres n’affichent pas les mêmes ambitions et leur mise en place ne saurait se comparer. On ne pouvait s’empêcher cependant de trouver avec le National l’homogénéité, l’onctuosité que le Philhar’ nous avait refusées la veille. Le poème symphonique du jeune Strauss, sous la poussée d’un irrésistible élan, brille de mille feux, sans que les plans sonores soient brouillés, tant le chef tient son orchestre et construit son interprétation. A vrai dire, il conçoit plutôt la partition comme une œuvre de musique pure que comme un récit en musique, n’y mettant peut-être pas toute la folie dionysiaque que certains en attendent. Masur, on le sait, n’est pas vraiment un narratif. Cela dit, il fait chanter son orchestre, les cordes graves comme les vents – très beau hautbois Nora Sismondi, très belle clarinette de Patrick Messina dans l’épisode de donna Anna –, maintient un parfait équilibre entre les pupitres – ne cuivrant jamais à l’excès.


Dans le Second Concerto pour cor, composé par un Strauss de 78 ans, Kurt Masur offre à David Guerrier un accompagnement subtilement chambriste, tout en souplesse et en fluidité, faisant là aussi chanter l’orchestre, en particulier dans un très bel Andante. Le jeune corniste, auquel le choix d’un instrument viennois datant d’un siècle environ ne se facilitait pas la tâche, s’avère éblouissant de maîtrise dans la virtuosité ; il parvient surtout, au-delà de la brillance, à trouver une sonorité chaude et ronde, à varier les couleurs entre les mouvement rapides et le mouvement lent – condition essentielle chez Strauss, pour qui le cor est une voix.


Grâces soient rendues à Kurt Masur de nous avoir ensuite rendu l’intégrale de la Psyché de Franck, qu’il a reconstituée en remontant aux sources. Il tire plus la partition du côté de Wagner que du côté de Massenet, alors que Psyché est à Franck ce qu’Esclarmonde, non moins wagnérienne, est au compositeur de Manon. Mais, comme l’écrit Joël-Marie Fauquet dans sa monographie de référence, « Franck a écrit là son Parsifal ». Le chef, qui a pour cette œuvre une tendresse particulière, une des plus érotiques de toute la musique française, semble ici s’abandonner davantage que dans Don Juan. Il obtient des sonorités moelleuses, laissant frissonner son orchestre sous de voluptueux élans, sans tomber dans la fadeur. « Les jardins d’Eros » baignent dans une lumière vaporeuse, « Psyché enlevée par les zéphirs » ondule mollement, « Psyché et Eros » se laisse contaminer par la fièvre du duo de Tristan et d’Isolde, avant que l’Apothéose du « Pardon de Psyché » atteigne à une éclatante majesté, où le chef trouve des accents brucknériens bienvenus pour cet hymne final à l’amour tout-puissant. Fin connaisseur de la musique française, Kurt Masur n’oublie pas pour autant que ce Franck-là, rien moins que « Pater seraphicus », ouvre la voie au premier Debussy : la pâte est wagnérienne, les couleurs sont françaises.

Remarquablement préparé, le chœur de Radio France se montre à l’unisson de l’orchestre, Marianne Pousseur évitant de son côté toute emphase dans la déclamation d’un texte très daté.


Psyché, pourtant – ou parce que – si rare, n’a pas rempli la salle Pleyel, pas plus que le nom de David Guerrier. On ne le dira jamais assez : ne vaudrait-il pas mieux, avant de multiplier les salles, éduquer les publics ?



Didier van Moere

 

 

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