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Exhumation d’une rareté Zurich
Opernhaus
01/17/2008 - et les 19, 22, 26, 29* janvier, 1er, 3, 7 et 9 février 2008
Jules Massenet: Le Cid
Isabelle Kabatu (Chimène), Isabel Rey (L'infante), José Cura*/Jean-Pierre Furlan (Rodrigue), Andreas Hörl (Don Diègue), Massimo Cavalletti (Le Roi), Cheyne Davidson (Le Comte de Gormas), Tomasz Slawinski (St. Jacques), Kresimir Strazanac (Envoyé maure), Miroslav Christoff (Don Arias), Kresimir Strazanac (Don Alonzo)
Chœur de l'Opernhaus de Zurich (préparation: Jürg Hämmerli), Orchestre de l'Opernhaus, Michel Plasson (direction musicale)
Nicolas Joël (mise en scène), Andreas Reinhardt (décors et costumes), Jürgen Hoffmann (lumières)
Moins d’un mois après La Juive (lire ici), l’Opernhaus a mis à l’affiche un nouvel ouvrage français, le rarement monté Cid de Massenet, en attendant l’encore plus rare Clari de Halévy en mai. Zurich serait-il en passe de devenir un bastion du Grand Opéra? Malheureusement, cette nouvelle production était d’emblée placée sous une mauvaise étoile, puisque le concepteur des décors, Andreas Reinhardt, est subitement décédé la veille de Noël; et le matin même de la première, José Cura apprenait la mort de son père. Pour lui rendre hommage, il a néanmoins tenu à chanter cette œuvre où les pères jouent un rôle primordial, avant de s’envoler pour l’Argentine, déclarant forfait pour les 3 représentations suivantes. Il a été remplacé par Jean-Pierre Furlan, qui se tenait sur le côté de la scène avec sa partition, alors que le personnage était joué par un comédien. Mais la plus grande calamité du spectacle aura été la mise en scène: pas de direction d’acteurs digne de ce nom, des solistes plantés la plupart du temps sur le devant du plateau, bras en l’air, des costumes noirs semblant provenir d’époques différentes, le tout dans des décors abscons, représentant des lignes géométriques tendant vers l’infini, symboles des affres du dilemme. On espère, pour les Parisiens, qu’une fois installé dans son bureau de la Bastille, Nicolas Joël s’abstiendra de toute mise en scène…
Fort heureusement, il y a la musique. Une musique magnifique, poignante, ponctuée d’airs superbes, si bien qu’on se prend à se demander pourquoi l’œuvre n’est pas plus souvent à l’affiche des théâtres lyriques. Et pour des oreilles francophones, entendre les tirades les plus célèbres de la pièce de Corneille (Oh rage, oh désespoir! Rodrigue, as-tu du cœur? Pleurez, pleurez, mes yeux!...) est un plaisir supplémentaire, rappelant bien des souvenirs de potache! Tous les solistes de la distribution faisaient leurs débuts dans leur rôle respectif. Le Cid de José Cura laisse une impression mitigée: le ténor chante le plus souvent en force, le timbre est engorgé, les aigus sont problématiques et la voix est désormais affublée d’un large vibrato; il faut saluer néanmoins l’ardeur dans le chant et dans la composition du personnage. La Chimène d’Isabelle Kabatu est la révélation de la soirée, avec une voix se faisant acier ou velours pour incarner tantôt le devoir, tantôt l’amour. Une mention spéciale est à décerner un chœur, dont les magnifiques interventions sont rendues dans un français impeccable. Dans la fosse, Michel Plasson, en grand spécialiste du répertoire hexagonal, offre une lecture élégante de la partition, en en faisant ressortir toute la palette de couleurs. Dirigeant avec verve, il a cependant tendance à privilégier le fortissimo et les effets d’éclat, donnant le sentiment d’une certaine superficialité. Malgré tout, la soirée est à marquer d’une pierre blanche, ayant permis la découverte d’un ouvrage aujourd’hui injustement sous-estimé.
Tous ceux qui ne pourront pas assister à cette exhumation zurichoise se consoleront avec un enregistrement ayant pour principaux protagonistes Placido Domingo et Grace Bumbry (2 CD Sony).
Claudio Poloni
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