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Après Brahms Paris Palais Garnier 02/03/2008 - Anton Webern : Langsamer Satz, M. 78 (*)
Paul Hindemith : Melancholie, opus 13 (*) – Die Serenaden, opus 35
Johannes Brahms : Sextuor n° 1, opus 18
Marie-Adeline Henry (soprano), Olivier Rousset (hautbois), Karin Ato, Stéphane Causse (violon), Jonathan Nazet (*), Michel Nguyen (alto), Katarzyna Alemany-Ewald, Clara Strauss (*) (violoncelle)
Le quatrième des huit «Dimanches musicaux au Palais Garnier» a été fidèle à la double mission assignée à cette série de concerts de musique de chambre donnés par les membres de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris, consistant à valoriser un répertoire original tout en faisant écho aux productions de la saison. En parallèle à la reprise de Cardillac à Bastille (voir ici), c’est donc bien sûr Hindemith qui est à l’honneur, même si, comme le fait apparaître Hélène Pierrakos dans sa présentation liminaire (remède bienvenu à la pauvreté de la notice distribuée aux spectateurs), il est autant question, dans ce programme, de Brahms et de la manière dont les compositeurs allemands ont réagi à son emprise.
Le Langsamer Satz (1905) de Webern se situe ainsi dans la lignée de Brahms, via La Nuit transfigurée: pas de quoi inquiéter le public habituel de ces soirées dominicales, d’autant que les musiciens en donnent une interprétation toute de délicatesse, qui ne laisse pas supposer l’évolution rapide et radicale que l’élève de Schönberg va connaître au cours des années suivantes.
Au sein d’un important corpus de mélodies qui demeure largement méconnu, les deux recueils présentés au cours de cette soirée, qui ne sont pas même mentionnés dans l’excellent Guide de la mélodie et du lied (Fayard), font figure de véritables raretés. Sur des poèmes de Christian Morgenstern, qui a notamment inspiré par ailleurs Zemlinsky, son exact contemporain, ainsi que Reger, Mélancolie (1919) reprend la formule voix/quatuor inaugurée en 1908 par Schönberg avec son Deuxième quatuor et employée ensuite par Respighi et Milhaud. Dédiées à «mon ami Karl Köhler mort en 1918 sur le front occidental» où Hindemith était lui-même affecté à une fanfare, créées par le Quatuor Rebner dont il fut le second violon puis l’altiste, ces quatre mélodies montrent un jeune compositeur encore sous influence postromantique, comme dans ses trois somptueux Gesänge avec orchestre de l’opus 9: pas encore iconoclaste, mais ayant parfaitement assimilé l’ironie tragique d’un Mahler, dans la poignante marche funèbre de la troisième pièce (Dunkler Tropfe).
Cinq ans plus tard seulement, le trublion des années 1920, celui des scandaleux opéras en un acte et des Kammermusiken, est déjà à l’œuvre, destinant Les Sérénades (1924) en cadeau de noces à son épouse. Déjà privilégié dans Mélancolie, l’alto – dont le compositeur fut un virtuose – est ici entouré d’un hautbois et d’un violoncelle (son frère Rudolf lors de la création). Trois parties, comprenant six poèmes romantiques (Eichendorff, Tieck, …) et des pages purement instrumentales permettent de tester toutes les combinaisons possibles, du solo à la totalité de l’effectif. Le retour au XVIIIe est alors à l’ordre du jour: Stravinski, bien sûr, mais aussi Schönberg, qui vient lui-même d’écrire une Sérénade pour voix et petit ensemble, l’une de ses toutes premières expériences dodécaphoniques. Moins ambitieuse, la «cantate» de Hindemith séduit néanmoins par son caractère ludique et distancié. Attentive à la diction, Marie-Adeline Henry, issue de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris, se tire remarquablement d’affaire dans ces deux recueils périlleux, tant le chant y évolue le plus souvent à découvert.
Avec son Premier sextuor (1860), Brahms, qui venait d’achever ses deux Sérénades, ne prolonge-t-il pas lui-même cet esprit, notamment dans le Scherzo? Même si cette musique peut toujours supporter un supplément d’engagement et de chaleur, notamment dans les mouvements extrêmes, la belle qualité instrumentale de la prestation des musiciens doit être soulignée.
Simon Corley
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