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On n’a pas envie de partir

Paris
Théâtre du Châtelet
01/28/2008 -  
Felix Mendelssohn : Variations sérieuses, opus 54
Ludwig van Beethoven : Sonate n° 31, opus 110
Robert Schumann : Kinderszenen, opus 15
Frédéric Chopin : Sonate n° 3, opus 58

Nelson Freire (piano)


A soixante-trois ans, Nelson Freire ne craint plus rien: invité par Piano****, il débute un programme d’une belle cohésion chronologique – un quart de siècle de musique romantique – par les redoutables Variations sérieuses (1841) de Mendelssohn. Non seulement sa technique ne le trahit que rarement, mais conformément à l’intention revendiquée jusque dans le titre de l’œuvre, la virtuosité ne passe jamais au premier plan: d’emblée, le thème semble venir tout droit de Bach, ce qu’une fugue ne vient ensuite nullement contredire, et avec lui, dans une continuité parfaitement travaillée, ces Variations regardent fièrement vers les Diabelli ou les Etudes symphoniques de Schumann.


Avec neuf autres compositeurs, dont Chopin, Czerny, Liszt, Moscheles et Thalberg, Mendelssohn participait ainsi à une souscription en vue de l’édification d’un monument bonnois dédié à Beethoven. Freire aborde sa Trente-et-unième sonate (1821) de façon rhapsodique, sans jamais surjouer ni s’appesantir, mais sans renoncer pour autant à aller au fond de l’expression du Recitativo ou de l’Arioso dolente. Le propos avance sans cesse avec une merveilleuse fluidité, pour culminer dans une formidable accélération finale.


Quelques années avant Mendelssohn, Schumann voulait également, dans sa Fantaisie contribuer au monument à Beethoven. Mais la seconde partie de la soirée s’ouvre sur ses Scènes d’enfants (1838): cinq jours après Stephen Kovacevich sur la même scène du Châtelet (voir ici), Freire en donne une lecture très différente, moins sophistiquée, d’une délicatesse et d’une sensibilité infinies. Entre fraîcheur et nostalgie, une enfance tour à tour turbulente et idéalisée, d’une insondable profondeur, aussi, au fur et à mesure que l’on progresse dans ces treize pièces. Le public ne s’y trompe pas, observant, une fois n’est pas coutume, un long silence après l’ultime Der Dichter spricht: «Le poète parle», voilà qui pourrait d’ailleurs qualifier tout l’art du pianiste brésilien.


Cheval de bataille de son amie Martha Argerich, la Troisième sonate (1844) de Chopin réussit tout aussi bien à Nelson Freire: élan, puissance, chant, tonalité épique, richesse des sonorités, tout y est, comme un hommage aux formes emblématiques du compositeur (Scherzo, Nocturne, Ballade), dans une conduite toujours aussi admirable du discours, jusqu’au tourbillon conclusif.


En début de saison, c’est un récital Brahms/Debussy qui était annoncé. Mais qu’importe: Freire ne fait pas partie de ces artistes prévisibles, qui présentent chaque soir, de ville en ville, le même programme. Et c’est donc en bis que l’on retrouve son cher Brahms, avec son non moins cher Deuxième des six Intermezzi de l’opus 118 (1892) – un Andante qui n’aura sans doute jamais aussi bien mérité son indication (teneramente) – puis Serenade for the doll extrait de Children’s corner (1908) de Debussy. Le retour au monde l’enfance se prolonge avec O Ginête do Pierrozinho (Le Cavalier du petit Pierrot), première pièce de Carnaval das crianças (Carnaval des enfants) (1920) de Villa-Lobos, et Jeunes filles au jardin, dernière des Scènes d’enfants (1918) de Mompou.


Après un supplément aussi généreux qu’idéalement interprété, c’est la violoniste Marina Chiche qui résume le mieux le sentiment qui dominant: «On n’a pas envie de partir.»



Simon Corley

 

 

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