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Canaliser et décanter Paris Théâtre du Châtelet 01/27/2008 - Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour piano n° 9, K. 284c [311]
Frédéric Chopin : Préludes, opus 28
Rafal Blechacz (piano)
En créant voici trente ans les «Concerts du dimanche matin», Jeanine Roze a imposé le concept de brunch musical: une programmation exigeante mais aussi un public fidèle et familial, de sept à soixante-dix-sept ans, font le succès de ce rendez-vous dominical au Théâtre du Châtelet. S’il est moins célèbre que bon nombre de ceux qui lui succéderont dans les prochaines semaines (Isabelle Faust, Jean-Marc Luisada, Susan Graham, le Quatuor Mosaïques, Philippe Jaroussky, …), Rafal Blechacz (vingt-deux ans), deuxième prix au Concours de Hamamatsu (2003) – ex-æquo, en l’absence de premier prix, avec Alexander Kobrin –, s’est cependant fait connaître en remportant, trente ans après son compatriote Krystian Zimerman, le premier prix au Concours Chopin de Varsovie (2005).
Très fermement tenue, ne donnant jamais l’impression de s’abandonner, sa Neuvième sonate (1777) de Mozart intrigue davantage qu’elle ne séduit: volontarisme beethovénien de l’Allegro (rapide, mais pas très con spirito), chant faisant peu de concessions à la courbe dans l’Andante (guère plus con espressione), préciosité et maniérisme (Rondo final) – les climats se succèdent et se bousculent, comme s’il puisait avec gourmandise dans l’immense palette de ses moyens techniques et expressifs pour combattre l’attendu, le prévisible.
Cette démarche convient mieux à une succession de pièces brèves telle que les vingt-quatre Préludes de l’opus 28 (1839), qu’il vient d’enregistrer pour Deutsche Grammophon. Le tempo est souvent vif, ce qui évite un alanguissement déplacé dans les effusions lyriques (Quatrième, Quinzième, Dix-septième), même si, comme dans Mozart, le chant paraît trop souvent rectiligne, seulement assoupli en fin de phrase par une tendance au ralentissement qui nuit à la simplicité du propos (Septième). Très travaillée, presque cérébrale, l’interprétation s’ouvre néanmoins parfois à des élans plus spontanés, telle l’impulsion dramatique conférée au Dix-huitième.
Volubilité et clarté des pages rapides (Troisième, Huitième, Dixième, Seizième) mais aussi sens de la couleur (Deuxième) et belle profondeur du clavier (Neuvième, Vingtième), déferlements orageux évoquant déjà Rachmaninov (Douzième, Quatorzième, Vingt-deuxième) mais aussi toucher miraculeusement impalpable (Vingt-troisième): Rafal Blechacz sait faire beaucoup de choses, mais il a désormais toute une carrière devant lui pour canaliser et décanter les richesses de son jeu.
Toujours Chopin, bien entendu, en bis, avec la Deuxième des trois Valses de l’opus 64 (1847) et la Deuxième des quatre Mazurkas de l’opus 17 (1833).
Le site de Jeanine Roze production
Le site de Rafal Blechacz
Simon Corley
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