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Audace et retenue Paris Cité de la musique 01/27/2008 - Joseph Haydn : Quatuor n° 40, opus 50 n° 5 «Le Rêve»
Elliott Carter : Quatuor n° 5
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 14, opus 131
Quatuor Amati : Sebastian Hamann, Katarzyna Nawrotek (violon), Nicolas Corti (alto), Claudius Herrmann (violoncelle)
L’avant-dernier concert de la troisième biennale de quatuors à cordes de la Cité de la musique de Paris était confié au Quatuor Amati, constitué en 1981 et lancé dès son premier prix au concours d’Evian l’année suivante. Le programme était articulé autour des deux figures imposées de la biennale de cette année, Haydn et Carter, chaque quatuor présent à Paris retenant l’une ou l’autre ou même les deux, comme le Quatuor Amati, qui y joignait la figure tutélaire de Beethoven, également choisi par cinq des quinze quatuors de passage à la Cité.
Dans le Quarantième quatuor de Haydn (1787), affublé d’un surnom comme tant d’autres, cette fois lié au deuxième mouvement, Poco adagio, dont le lyrisme et la poésie ont pu faire penser à un rêve, les Amati, après un début bien rapide dans l’Allegro moderato initial, marquèrent une certaine distance, les archets, notamment celui du premier violon, se révélant bien lourds et parfois d’une justesse approximative. Après le Menuetto et l’Allegretto, très ornés, la joie simple du Finale fut pourtant bien enlevée.
Le Cinquième quatuor de Carter (1995), œuvre d’un compositeur de quatre-vingt-sept ans, était assurément la plus originale et la moins connue du programme. Passionnante de bout en bout, confondante d’inventivité et de maîtrise, avec ses alternances de voix isolées et de regroupements, d’interludes et de mouvements caractérisés, ses lents aplats orchestraux ou ses flux rapides, ses jeux de pizzicati (Capriccioso final), elle fut fort bien défendue par les Amati, après un début interrompu par un incident technique malheureux – une corde de l’alto céda alors qu’il semblait que celles du second violon étaient beaucoup plus menacées par les pizzicati que lui infligeait l’excellente Katarzyna Nawrotek –, les obligeant à reprendre da capo.
L’ensemble fut beaucoup moins convaincant dans le monument de quarante minutes que constitue le Quatorzième quatuor de Beethoven (1826), objet à lui seul de la seconde partie du concert. L’Adagio initial, qui annonce l’édifice entier comme l’art du quatuor du XXe siècle, notamment ceux de Chostakovitch, parut trop retenu, les Amati semblant craindre tout engagement véritable et passant à côté de son urgence surnaturelle. Des coups d’archets trop marqués cachèrent la densité du chant beethovénien et si la danse du Presto fut rendue avec simplicité par les Amati, l’impressionnant Allegro final, au rythme implacable, sembla plus débridé que profond, l’engagement des musiciens paraissant alors trop tardif pour emporter l’adhésion et la justesse du premier violon se révélant de surcroît à nouveau prise en défaut.
Le public obtint néanmoins sans peine un bis: un arrangement d’un extrait de l’Art de la fugue. Il fallait ce moment de sérénité et de dépouillement après les tempêtes beethovéniennes.
Le site du Quatuor Amati
Stéphane Guy
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