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Plaies béantes

Paris
Nanterre (Maison de la musique)
01/11/2008 -  et 12* (Nanterre), 18, 19 (Reims), 25, 26 (Paris) janvier, 2 (Chevilly-Larue), 9 (Beynes), 14 (Massy) février, 11 (Sartrouville), 27 (Rouen) mars 2008
Thierry Pécou : Les Sacrifiées (création)

Sevan Manoukian (Raïssa jeune fille, Saïda), Sylvia Vadimova (Leïla), Jacqueline Mayeur (Raïssa), Maja Pavlovska (Meriem, Chœur), Benoît Arnould (L’aîné de la Djemâa, Le lieutenant, Chœur), Paul Gaugler (Charles, Selim, Chœur), Maja Pavloska (Meriem 1, Voisine 1, Chœur), Anne-Laure Tondu (Meriem 2, Voisine 2, Chœur), Mickaël Chouquet (Chœur), Guillaume Marquet (Chœur), Lionel Monier (Chœur)
Ensemble TM+: Gilles Burgos (flûte), Jean-Pierre Arnaud (hautbois), Francis Touchard (clarinette), André Feydy (trompette), Olivier Devaure (trombone), Marie Charvet (violon), Philippe Noharet (contrebasse), Stéphane Puc (accordéon), Florent Jodelet (percussion), Laurent Cuniot (direction musicale)
Christian Gangneron (mise en scène), Thierry Leproust (décors), Claude Masson (costumes), Marc Delamézière (lumières), Lionel Monier (images), Pierre Gufflet (conception et diffusion vidéo), Stéphanie Félix (chorégraphie)


Parmi les spectacles qui marquent ses vingt-cinq ans, l’ARCAL (Atelier de recherche et de création pour l’art lyrique) coproduit avec l’ensemble TM+ la création de l’opéra de Thierry Pécou Les Sacrifiées, en partenariat avec la Maison de la musique de Nanterre, résidence de l’Ensemble TM+, et l’Arcadi (Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Ile-de-France), qui contribuera à ce que la production tourne dans la région, y compris à Paris (Théâtre Silvia Monfort).


Laurent Gaudé, prix Goncourt 2004 pour Le Soleil des Scorta (Actes sud), en a écrit le livret, qu’il a tiré de sa propre pièce, dont Nanterre avait également accueilli la première, aux Théâtre des Amandiers au printemps 2004. Né en 1972, l’écrivain se définit comme «[faisant] partie de la génération des enfants de ceux qui eurent "vingt ans dans les Aurès"». Il a donc choisi de situer l’action dans trois moments de l’histoire de l’Algérie depuis près d’un demi-siècle, de la fin de la colonisation à la montée du fondamentalisme: début des années 1960, années 1980 et années 1990. Chacune de ces trois époques, clairement authentifiée par les costumes de Claude Masson, porte le prénom d’une femme, appartenant à trois générations successives «sacrifiées» sur l’autel d’une fatalité à laquelle il est impossible de se soustraire: se mutilant pour ne pas avoir l’enfant que lui promettait une malédiction qui s’attachait déjà à sa mère, Raïssa, et à sa grand-mère, Leïla n’en sera pas moins amenée à adopter la jeune Saïda, victime de l’intolérance religieuse.


C’est précisément à ce mariage entre la tragédie grecque et les drames de notre temps que Pécou se dit avoir été sensible, non sans similitudes avec l’Adriana Mater de Saariaho. Cette inspiration trouve sa traduction dans un respect méticuleux du texte, parfaitement intelligible dans sa crudité comme dans sa poésie: au risque de lasser, la déclamation domine en effet deux heures durant, hormis dans la lamentation qui conclut chaque partie. Cette impression tient sans doute aussi au rôle joué par le chœur, formé de trois chanteurs et sept comédiens, tantôt acteur, tantôt commentateur, mais toujours dans le registre de la scansion. Revendiquant le caractère «rituel» de son propos, le compositeur n’en rajoute pas dans le pathos: l’insoutenable est déjà dans les mots, mais aussi dans ce qui n’est pas épargné au spectateur – viol, automutilation, vitriolisation et meurtre, la barbarie semble ne jamais devoir s’arrêter.


Le voyage demeure à l’ordre du jour avec Pécou, mais après l’Amérique centrale (Symphonie du jaguar), l’Amazonie (Passeurs d’eau), la Martinique (L’Oiseau innumérable), l’Arctique (musique pour le film Nanouk, l’Esquimau) et la Chine (Vague de pierre), son Algérie n’est guère plus «folkorique», les allusions aux rythmes ou mélismes arabo-andalous demeurant fines et discrètes. Dirigé par Laurent Cuniot, TM+ adopte un effectif s’apparentant à celui de L’Histoire du soldat, duquel on aurait toutefois retranché le basson pour y intégrer flûte, hautbois et accordéon: petit ensemble (neuf musiciens), mais grande palette d’effets, au service d’un langage alternant monodies ou même unissons avec une écriture d’une plus grande complexité métrique ou harmonique.


La distribution vocale comprend des rôles secondaires masculins, solidement tenus deux chanteurs par ailleurs membres du «chœur», le ténor Paul Gaugler ainsi que le baryton Benoît Arnould, mais tous les emplois principaux sont dévolus aux femmes: à l’âge du personnage correspond une tessiture, colorature très tendu pour Raïssa jeune et Saïda (Sevan Manoukian, un peu verte), mezzo pour Leïla (Sylvia Vadimova, rayonnante), alto pour Raïssa âgée (Jacqueline Mayeur, plus inégale).


La mise en scène forte et sobre du fondateur de l’ARCAL, Christian Gangneron, assure la continuité entre les brefs tableaux, grâce aux blocs monocolores conçus par Thierry Leproust et déplacés au fur et à mesure sur le plateau par les «choristes»: tel pan de mur peut ainsi se faire escalier, puis dissimuler les protagonistes derrière un grand voile rouge ou bien tenir lieu d’écran, sur lequel jouent les lumières de Marc Delamézière et sont projetés images ou films.


Périlleuse entreprise esthétique (et économique) que celle du genre lyrique: comme bon nombre de compositeurs français d’une génération qui n’a plus à son programme la «destruction des maisons d’opéra», pour reprendre le fameux slogan de Boulez, Thierry Pécou s’est lancé à son tour dans l’aventure. Indépendamment des qualités des chanteurs, la réussite apparaît plus instrumentale ou même scénique que vocale, mais n’en a pas moins rencontré un véritable succès public.


Le site d’Arcal
Le site de TM+



Simon Corley

 

 

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