About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le fantôme de Biedermeier

Paris
Auditorium du Louvre
12/05/2007 -  
Franz Schubert : Sonate pour piano n° 19, D. 850
Johannes Brahms : Klavierstücke, opus 119 – Sonate pour piano n° 1, opus 1

Jean-Frédéric Neuburger (piano)


La série «Piano Solo» de l’Auditorium du Louvre a accueilli Jean-Frédéric Neuburger – déjà un habitué du lieu, malgré son jeune âge, et que l’on pourra y retrouver les 26 et 27 mars prochain avec le violoniste Giora Schmidt – pour un récital s’inscrivant dans le cadre de l’exposition «Biedermeier, de l’artisanat au design» qui se tient jusqu’au 14 janvier. Si cet instituteur souabe, poète à ses heures, a donné son nom à une esthétique qui a marqué l’Europe centrale entre 1815 et 1848, Biedermeier n’en est pas moins un personnage fictif et demeure davantage associé aux arts plastiques et à la littérature, voire à l’histoire, qu’à la musique. Cela étant, s’il fallait citer un compositeur représentatif de cette période, c’est sans doute vers Schubert qu’il faudrait se tourner – même si d’autres, beaucoup moins connus, seraient sans doute plus pertinents.


Sa Dix-neuvième sonate (1825) n’a effectivement que peu à voir avec la candeur confortable, voire la fadeur et la niaiserie, que l’on prête au «style Biedermeier», sinon peut-être dans le refrain faussement naïf et simpliste du Rondo final – immédiatement contredit, au demeurant, par des couplets plus conflictuels et contrapuntiques – ou lorsque le Scherzo esquisse un bref mouvement de valse. Car pour le reste, Neuburger met en valeur l’élan beethovénien, comme hérité de la Hammerklavier, avec ses accords répétés, ses solides carrures, ses rythmes pointés et son badinage tout sauf futile. Peu porté au compromis, mais sans dureté ni sécheresse, il s’impose en même temps par sa vélocité mordante et la fluidité de ses traits.


Le mouvement lent (marqué Con moto), par son caractère rhapsodique, entre le fantastique et l’épopée, possède déjà des traits brahmsiens. Chronologiquement, mais surtout stylistiquement, Brahms ne peut certes être rattaché à la période Biedermeier, ce que confirme l’essentiel de la seconde partie du récital, débutant par ses ultimes Klavierstücke de l’opus 119 (1893): bien au contraire, le premier des trois Intermezzi se fait résolument métaphysique et prophétique sous les doigts de Neuburger. Mais la partie centrale du deuxième et, si l’on veut, le troisième de ces Intermezzi pourraient être perçus comme un lointain écho de l’atmosphère des Liebesliederwalzer, juste hommage d’un admirateur de Schubert. Souvent de tempérament résigné, le Brahms des derniers recueils pianistiques conclut néanmoins sur une Rhapsodie qui semble renouer non seulement avec celles de l’opus 79 mais avec les Ballades de l’opus 10, parenté qu’une interprétation vive et enflammée fait tout particulièrement ressortir.


Car après l’oméga de l’opus 119, vient l’alpha, avec l’opus 1, c’est-à-dire la Première sonate (1853) – même si la Deuxième est, en réalité, quelque peu antérieure: si le fantôme de Biedermeier avait pu planer sur certains Klavierstücke, rien de tel dans cette partition qui évoque bien sûr Schumann et Chopin, mais aussi le volontarisme de la Sonate de Schubert entendue en première partie. Neuburger, qui fêtera ses vingt et un ans le 29 décembre prochain, a ainsi exactement l’âge de Brahms lorsqu’il écrivit cette œuvre: il en fait une vaste rhapsodie dont il enchaîne les quatre mouvements quasiment sans interruption, déployant un remarquable éventail de moyens techniques et expressifs.


Biedermeier aimait-il Bach? En tout cas, il était contemporain de la «redécouverte» du Cantor par Mendelssohn et c’est le choix un peu déroutant que Neuburger effectue pour ses bis: une réduction du chœur introductif du Kyrie de la Messe en si, abordé de manière étrangement raide et précipitée, quoique d’une parfaite lisibilité, puis le prélude de choral Ich ruf’ zu Dir arrangé par Busoni, magnifique étude sur le registre grave de l’instrument.


La page de l’exposition Biedermeier sur le site du Musée du Louvre



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com