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Le poids de l'expérience

Baden-Baden
Festspielhaus
11/13/2007 -  
Giuseppe Verdi : Les Vêpres siciliennes (ouverture)
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie concertante, K.297b
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie N°6 «Pathétique», opus 74

Marco Salvatori (hautbois), Riccardo Crocilla (clarinette), Stefano Vicentini (basson), Gianfranco Dini (cor)
Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino, Zubin Mehta (direction)

Le répertoire dirigé par Zubin Mehta serait-il anormalement réduit, ou en tout cas quantitativement inférieur à celui d’autres chefs internationaux de même envergure ? Une illusion d’optique peut-être, conséquence d’une véritable persévération dans le choix de certains titres, dont en particulier la Deuxième Symphonie de Mahler et la Symphonie Pathétique de Tchaïkovski , des œuvres qui ne sont jamais bien loin quand Mehta lève la baguette quelque part.


Par le passé on aurait volontiers souhaité qu’un chef aussi doué se diversifie davantage, tant il est susceptible de magnifier tout ce qu’il aborde, y compris des partitions difficiles (on ignore souvent par exemple que Mehta est un excellent interprète des musiques du XXe siècle, de Varèse à Reimann…). Aujourd’hui, alors que sa carrière en arrive au stade de la grande maturité, on ne peut en revanche que se réjouir d’une expérience aussi approfondie acquise par Mehta dans certains domaines archi-parcourus. Il en va ainsi pour cette Sixième Symphonie « Pathétique » de Tchaïkovski , que l’on imagine mal mieux dirigée aujourd’hui par quiconque d’autre, tant chaque recoin de la partition semble maîtrisé et fouillé par un chef qui ne laisse rien au hasard.


Difficile de reconnaître le Tchaïkovski hyperémotif et sensible, voire larmoyant, que l’on nous sert parfois. Mehta ne nous donne que la partition, sans raideur ni sollicitation excessive, en veillant simplement aux justes équilibres, à la précision des entrées et à l’individualisation des timbres (une multitude d’irruptions solistes que l’orchestre, très précis, manifestement adepte d’une virtuosité sans flou, autorise avec un maximum de projection). L’Adagio initial donne d’emblée le ton : sombre mais sans gras, dessiné d’une grande fermeté de trait. Quelques rares attaques des cuivres pourraient être moins brutales, mais là ce sont peut-être de simples aléas d’orchestre en tournée. Les deuxième et troisième mouvement sont dirigés avec une autorité et une absence d’alanguissement dignes d’un chef de ballet, davantage soucieux de coller au plus près au déroulement d’une action que d’épater la galerie. A l’écoute de l'Allegro molto vivace, animé d’une poigne ferme, progression implacable qui ne tourne jamais à la cavalcade, on se prend même à espérer l’absence d’applaudissements frénétiques à l’issue d’un mouvement aussi tendu. Mais c’est peine perdue : le réflexe habituel fonctionne…


Quatrième mouvement isolé, donc, mais non moins fermement canalisé, où l’orchestre fait valoir des sonorités de cordes drues et sombres d’une ampleur quasi brahmsienne. Le glissement paraît incongru, tant le fossé artistique entre ces deux compositeurs-là paraît large, et pourtant c’est bien au romantisme plus cérébral de Brahms qu’une telle interprétation fait penser. Ultimes notes râpeuses et désespérées aux cordes graves, dont l’acoustique laisse percevoir chaque grain...

En première partie la Symphonie concertante K. 297b, longtemps jugée négligeable par les mozartiens, bénéficie peut-être en ce moment d’un effet de mode. Même si la substance en est légère il s’agit d’une œuvre agréable, et tant pis si Mozart n’y dit rien d’essentiel. Le quatuor de vents issu de l’orchestre n’est pas d’un niveau égal, basson, clarinette et cor semblant éclipsés dès que le savoureux hautbois de Marco Salvatori monopolise l’attention. Mais toutes ces répliques qui fusent comme dans une ensemble d’opéra parfaitement construit se laissent suivre sans ennui, Mehta n’ayant plus qu’à les accompagner sans brutalité. Une «interprétation pour voitures-couchettes», comme le fait malicieusement remarquer un collègue allemand, sans doute adepte des lectures plus décapantes d’un Harnoncourt… Peut-être, mais à ce niveau d’agrément, on veut bien dormir plus souvent au concert.


Deux ouvertures de Verdi, celle des Vêpres siciliennes et celle de La Force du destin donnée en bis, encadrent la soirée. L’Orchestre du Mai Musical Florentin s’y révèle pleinement à son affaire, Mehta n’ayant plus qu’à peaufiner certaines ambiances et limiter sagement les débordements percussifs d’usage. Un concert sans faute, et sans doute l’affirmation de la grande valeur d’un orchestre peut-être sous-estimé.



Laurent Barthel

 

 

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