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De Paris à Hollywood

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
11/09/2007 -  
Henri Dutilleux : Métaboles
Erich Wolfgang Korngold : Concerto pour violon, opus 35
Maurice Ravel : Rapsodie espagnole – La Valse

Renaud Capuçon (violon)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marc Albrecht (direction)


L’Orchestre philharmonique de Strasbourg vient de partir pour une dense tournée allemande et autrichienne, itinéraire en zigzag qui l’amènera du 15 au 21 novembre successivement à Friedrichshafen, Vienne, Hanovre, Munich, Stuttgart, Wuppertal et enfin Hambourg. Sous la direction de Marc Albrecht, deux solistes français sont du voyage : Renaud Capuçon dans le Concerto pour violon de Korngold et Hélène Grimaud dans le Cinquième Concerto «L’Empereur» de Beethoven.


L’intendance d’une tournée inclut en principe quelques soirées préalables de rodage en public. Ce concert en fait partie, s’ouvrant avec les Métaboles d’Henri Dutilleux que l’orchestre jouera tous les soirs au cours de son déplacement. Pour l’auditeur moyen, l’accès à ce grand classique du répertoire du siècle dernier ne pose plus guère de problème. En revanche, il semble que la mise au point technique n’en soit toujours pas évidente, du moins si l’on en juge par les nombreux petits incidents qui émaillent cette exécution. En particulier dans la quatrième partie («Torpide»), les attaques à découvert semblent encore perfectibles, et l’implacable construction finale intitulée « Flamboyant » souffre de quelques imprécisions résiduelles, y compris du côté des percussions. Cela dit, sous la direction précise de Marc Albrecht, l’essentiel de l’impact de cette « symphonie » très démonstrative est préservé, et on ne peut que se réjouir qu’une œuvre aussi accomplie soit présentée régulièrement ce mois-ci à des publics étrangers.


L’orchestre devrait en principe s’imposer plus facilement dans la Rapsodie espagnole et La Valse, son brillant habituel le prédisposant à une restitution efficace des sortilèges de l’orchestration ravélienne. Ce soir-là pourtant un certain naturel semble manquer, comme si Marc Albrecht cherchait à imposer trop d’idées, trop de contrastes, trop de phrasés divergents. La spontanéité de cette musique n’est certes qu’apparence, mais on ne gagne probablement pas grand-chose à y souligner trop de détails, si ce n’est une certaine raideur. Les quatre volets de la Rapsodie espagnole s’étirent sans convaincre, à la limite de l’ennui. La Valse a davantage d’allure, exécution ni trop lente ni très rapide, qui boucle en 14 minutes un tourbillon parfois un rien trop alangui, pour faire plus viennois et morbide certes, mais sans que la progression y gagne forcément en intensité. Dernières mesures fracassantes mais creuses, plus ronflantes que fatales. L’inspiration ravélienne de Marc Albrecht semble devoir encore se nourrir de davantage d’expérience, dans un répertoire au demeurant tout à fait apte à faire valoir les qualités instrumentales d’un orchestre français en tournée.


Dans ce programme, le chaleureux Concerto pour violon de Korngold fait un peu figure de pièce rapportée échappée d’un autre univers, mais à un niveau d’inspiration qui finalement n’est pas moindre. Judicieusement écrit pour l’instrument soliste, taillé sur mesure pour les possibilités techniques infinies de Jascha Heifetz , il séduit par un lyrisme débordant que la plupart des archets généreux issus de la Juilliard School se sont employés à populariser. Inutile de préciser que l’interprétation de Renaud Capuçon se démarque d’emblée de cet héritage américain, lecture beaucoup plus fine et discrète, jouant sur une palette de couleurs que l’on peut trouver restreinte mais aussi plus subtile. Si certains passages de pure virtuosité semblent manquer d’un rien d’appui qui les rendrait plus lisibles, la beauté soyeuse et lumineuse d’élans mélodiques aussi finement joués confère à cette musique d’un lyrisme parfois trop plantureux une évidente distinction. Un véritable plaisir sensuel, auquel on peut s’abandonner sans trop s’exposer à un mauvais goût évidemment latent mais soigneusement éludé, tant par le soliste que par la direction attentive de Marc Albrecht.


Curieux bis, long ruban sinueux qui épouse parfois la ligne mélodique de la Scène des ombres heureuses de l’Orphée de Gluck, sans y ressembler complètement. Renseignements pris, il s’agit bien d’une Mélodie d’après Gluck signée par Fritz Kreisler, mais jouée inhabituellement sans la partie de piano. Renaud Capuçon fait valoir dans cette pièce dès lors d’une étrangeté quasi post-moderne la perfection d’une technique d’archet qui semble dérouler une seule interminable phrase sans la plus infime césure. Splendide tour de force, qui laisse le public ébahi.



Laurent Barthel

 

 

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