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Brahms en pleine lumière

Baden-Baden
Festspielhaus
09/29/2007 -  et 30 septembre (Basel), 1er (Bruxelles), 3 (München) octobre 2007
Ludwig van Beethoven : Ouvertüre zum Trauerspiel «Coriolan» op. 62
Alban Berg : Drei Orchesterstücke op. 6
Johannes Brahms : Symphonie N° 1 op. 68

Wiener Philharmoniker, Daniele Gatti (direction)

Le compliment n’est pas mince, mais après mûre réflexion et d’assez nombreuses comparaisons il semble bien que ce soit sous la baguette de Daniele Gatti que l’Orchestre Philharmonique de Vienne joue actuellement le mieux. La densité et la rondeur des cordes atteignent avec lui seul des moments aussi exceptionnels, à l’image de ce vibrant retour fortissimo du thème introductif de la Première Symphonie de Brahms (mes. 25 à 30) qui aura vraiment soulevé tout le Festspielhaus de Baden-Baden dans un mouvement ascensionnel défiant les lois de la pesanteur. Une plénitude retrouvée à tous les moments clés, aussi bien dans l’homogénéité du quatuor que dans la rondeur des cuivres, la douceur des arpèges de la clarinette (favorisée par la suavité des cordes : les mesures 19 à 23 du troisième mouvement, miraculeux instant chambriste), voire une flûte d’une ampleur radieuse au moment le plus extraordinairement solaire (quatrième mouvement, Piu andante, mes. 38) d’une symphonie qui, indéniablement, sous une direction aussi avide de couleurs et de respirations frémissantes, perd un peu de son caractère nordique et embrumé.


Même à la tête de l’une des toutes premières phalanges mondiales un tel résultat ne va pas de soi, et Daniele Gatti paie de sa personne, au prix d’ailleurs de nombreux mugissement et grognements que l’on souhaiterait parfois plus discrets. En tout cas on apprécie la pertinence d’un interventionnisme qui ne se déploie qu’aux moments exacts où c’est nécessaire, en laissant par ailleurs une certaine marge de manœuvre dans les moments plus amples, d’où peut-être cette sonorité de cordes assez unique. Il y a chez Gatti un art dans l’approfondissement maniaque du détail qui s’avère infiniment gratifiant quand il porte précisément sur les points stratégiques qui permettront à l’orchestre de se dépasser en s’appuyant dessus, par de puissants mécanismes de levier. Rien à voir avec des gadgets sonores destinés à épater la galerie (ces sortes de superficiels «gimmicks» chers à Simon Rattle par exemple), mais au contraire un vrai travail d’analyse qui semble porter non seulement sur le texte musical mais sur la dynamique même de l’orchestre en tant que groupe humain. En ce sens une telle interprétation d’une symphonie de Brahms relève de l’expérience unique, pas forcément reproductible d’un soir sur l’autre, et qui a aussi ses petits défauts. En particulier un rien de coquetterie dans les tempi, qui ont tendance à s’accélérer dès qu’il s’agit de se montrer plus expressif, élasticité qui distend un peu trop la pulsation naturelle du discours brahmsien. Il arrive que la tension se relâche, l’orchestre semblant alors hésiter à rassembler son énergie pour mieux s’engouffrer dans le climax suivant. Ces petits vides entre les phrases peuvent laisser l’auditeur perplexe, abandonné pendant une fraction de seconde au milieu de nulle part. Impressions fugitives mais dont la répétitivité finit par créer un rien de malaise. C’est là sans doute le principal défaut dont Daniele Gatti doit encore se méfier dans le grand répertoire romantique : une certaine tendance à l’éparpillement.


Prodigieux travail d’analyse aussi dans les Drei Orchesterstücke d’Alban Berg que l’on a jamais entendu aussi minutieusement fouillées, même au disque par Abbado ou Boulez. Une véritable musique de timbres, et en même temps un élan préservé de grande symphonie d’ambiance diffusément post-romantique. Là encore on s’y perd un peu à certains moments, l’extraordinaire complexité de l’écriture de Berg n’aidant pas toujours à s’orienter, mais la splendeur sombre de ces grands moments d’expressionnisme musical semble captiver un auditoire remarquablement attentif, même si l’on pressent que ce n’est pas en premier lieu pour ces pièces-là que l’essentiel de la salle s’est déplacé, parfois de très loin.


En tout début de soirée, l’Ouverture « Coriolan» de Beethoven permet à l’orchestre de prendre la mesure de la fine acoustique du Festspielhaus, en ne trouvant pas d’ailleurs pas d’emblée l’exact volume nécessaire. La déflagration des accords de cordes qui rend cette ouverture parfois si impressionnante ne trouve l’impact adéquat qu’à son troisième et dernier passage mais la construction est par ailleurs solide, à défaut du grand choc attendu.


Une Cinquième danse hongroise de Brahms enlevée sans faute de goût conclut en beauté ce concert très dense : Daniele Gatti et la Philharmonie de Vienne… assurément un ticket gagnant !



Laurent Barthel

 

 

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