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Arènes innovantes

Verona
Arena
06/22/2007 -  et les 29 juin, 7 et 20 juillet, 3, 7*, 10, 16, 29 et 31 août
Giuseppe Verdi : Nabucco
Leo Nucci (Nabucco), Valter Borin (Ismaele), Silvano Carroli (Zaccaria), Susan Neves (Abigaille), Nino Surguladze (Fenena), Angelo Casertano (Abdallo), Patrizia Cigna (Anna), Orchestre et Chœurs des Arènes de Vérone, Daniel Oren (direction), Denis Krief (mise en scène, décors, costumes et éclairages)

Suite à la nomination du compositeur Giorgio Battistelli à la tête d’une manifestation lyrique et touristique bientôt centenaire, un certain vent de nouveauté semble souffler sur les arènes de Vérone. L’image de marque d’un festival spécialisé dans les déploiements de masse à regarder à la jumelle est enfin battue en brèche, et parfois énergiquement, si l’on en juge par les photographies de la Traviata de Graham Vick reprise cet été, dont les décors hideux laissent augurer de quelques prises de risque décapantes.

Pour cette nouvelle production de Nabucco, le choix de Denis Krief, metteur en scène moins provocant mais adepte d’un dépouillement décoratif parfois drastique, témoigne à nouveau d’une démarche de rupture, certes plus mesurée mais bien perçue par le public en tant que telle. « Encore une mise en scène moderne ! » s’exclament quelques solides voisines italiennes, visiblement habituées du lieu, mais sans que cela sonne véritablement comme une marque de désapprobation. Plus généralement l’attitude d’un auditoire numériquement considérable, réputé chahuteur et pas toujours très attentif, étonne par sa concentration et même par le silence quasi-religieux qui finit par s’installer. Quant à l’ambiance des arènes : multiples bougies et briquets allumés sur les gradins, longs entractes où l’on goûte la tiédeur du soir sans se soucier d’abréger les conciliabules car l’orage menace, elle reste inimitable. Seul signal inquiétant : les nombreuses rangées restées vides parmi les places les plus onéreuses (jusqu’à 180 Euros, quand même…), dont on espère qu’il ne s’agit que d’une conséquence de l’augmentation de l’offre (davantage de productions et un calendrier de spectacles plus étalé qu’auparavant).


On attendait de Denis Krief un spectacle sobre, et une austérité prévisible est effectivement au rendez-vous, mais sans que ce dépouillement paraisse ni frustrant ni vide. Un plan modérément incliné surélève l’arrière de la scène, délimitant clairement deux zones : plusieurs structures métalliques du côté gauche sont réservées aux hébreux, le pouvoir babylonien restant circonscrit essentiellement sur le côté droit, occupé par une très belle sculpture géante aux reflets dorés, sorte de décomposition géométrique cylindrique sans aucune connotation précise mais d’un bel effet monumental. Pas d’allusion archéologique, donc ni jardins suspendus, ni colosses ni frises guerrières, ni meubles improbables. À l’arrière-plan les gradins de l’arène sont laissés nus, dans leur magnifique austérité première. Les costumes drapés déclinent un subtil camaïeu de noirs, blancs, gris, ocres, bruns, verts sombres. Quelques effets plus marqués ici ou là : à la fin du premier acte les multiples livres qui garnissaient les structures métalliques s’effondrent d’un seul coup, marquant le fléchissement d’un univers de savoir ancestral sous les coups de l’impérialisme ennemi, Leo Nucci, bon cavalier, s'offre le luxe d'une entrée en scène à cheval, de brefs passages de figurants au pas cadencé s’inspirent des défilés chers aux anciens régimes de l’Europe de l’Est… un spectacle intelligent, continuellement beau, simple. Côté direction d’acteurs le lieu impose inévitablement une certaine schématisation, voire de laisser les chanteurs le regard rivé sur le chef, mais la chasse aux gestes parasites sans signification ni nécessité reste vigilante, et l’incarnation des personnages par quelques chanteurs de très grande pointure fascine de bout en bout, même quand on oublie de les regarder à la jumelle (un instrument au demeurant utile, y compris dans les rangées de sièges de bonne catégorie).


À propos de pointures… même si l’acoustique des arènes autorise effectivement un chant laissé à l’état naturel, sans système d’amplification, le tri s’effectue quand même très nettement entre les voix exceptionnelles, qui s’imposent sans difficulté, et les projections plus modestes, qui ne passent que difficilement. Le pauvre Ismaël de Valter Borin paraît ainsi continuellement insuffisant, bien que la voix semble intéressante et bien conduite. En revanche les moyens colossaux de l’Abigaille de Susan Neves trouvent ici un terrain favorable, presque davantage que dans une salle fermée où ils sont parfois assourdissants : la musicalité de cette interprète exceptionnelle n’en ressort que mieux, quasiment jamais perturbée par les exigences d’une rôle terrifiant dont même les aspects belcantistes sont admirablement servis. Quelques difficultés pour le Zaccaria de Silvano Carroli, voix ample mais perceptiblement vieillie, dont les phrasés encore bien maîtrisés font difficilement oublier des résonances caverneuses franchement laides. Un poids des années qui semble miraculeusement épargner Leo Nucci, Nabucco toujours considérable, admirable baryton Verdi à l’autorité sans faille. En vieil habitué des arènes Daniel Oren veille vigoureusement aux grands équilibres. Fatalement, en plein air, seules les principales lignes instrumentales restent audibles, l’écriture parfois encore un peu gauche de Nabucco s’en trouvant plutôt valorisée, grâce à la remarquable économie en flonflons imposée par le chef. Chœur des esclaves hébreux bissé, encore plus subtilement dirigé et chanté la seconde fois, en dépit des grondements de l’orage qui menace, et succès public délirant à l’issue tardive de la soirée. Longs saluts des chanteurs, courant tantôt à droite, tantôt au milieu, tantôt à gauche d’une scène démesurée, et à peine quelques rares gouttes d’eau : finalement l’orage aura eu le tact de passer un peu plus loin.



Laurent Barthel

 

 

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