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Détournement de Freischütz

Salzburg
Haus für Mozart
08/03/2007 -  & les 5, 13*, 16, 20, 23 & 27 août.
Carl Maria von Weber : Der Freischütz
Markus Butter (Ottokar), Roland Bracht (Kuno), Petra Maria Schnitzer (Agathe), Aleksandra Kurzak (Ännchen), Peter Seiffert (Max), John Relyea (Kaspar), Günther Groissböck (Un ermite), Alexander Kaimbacher (Kilian), Ignaz Kirchner (Samiel)
Chœur de l’Opéra de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Markus Stenz (direction)
Falk Richter (mise en scène)

Quand on s’aperçoit, dès le début de l’œuvre, que Falk Richter a remplacé le texte du Freischütz par une prose interminable aussi creuse que prétentieuse, on se demande si on va revivre les affres de La Flûte enchantée de la Ruhrtriennale (lire ici) ou ceux de L’Enlèvement salzbourgeois de Stefen Herheim (lire ici). On ne l’avait pas attendu pour savoir que le monde était « mené par l’argent, le sexe et le pouvoir ». Exit le romantisme allemand, exit le mystère de la forêt. Entrons dans une espèce de bunker en béton pour une messe noire avec Samiel en cardinal satanique, entouré de créatures de rêve fort dénudées, pendant laquelle Kaspar, vétéran de guerre, enrichit d’uranium les balles magiques. Le Freischütz est devenu une allégorie sur la guerre et la paix, l’initiation à l’âge adulte et aux codes sociaux. Kuno, les chasseurs appartiennent à des unités d’élite : si Max veut se marier, il doit apprendre à faire la guerre ; un bon mari est d’abord un bon soldat. On est entre le thriller – le metteur en scène avoue sa dette envers le David Lynch de Twin Peaks -, la science fiction et la satire sociale – touristes obèses, au lever de rideau, qu’on croit surprendre en pleine séance de gym au club Med. Agathe, avec ses faux airs de Lady Di, au milieu de ses cadeaux de mariée, incarne moins la pureté que le modèle conjugal auquel il faut se conformer. Omniprésent ici, Samiel, flanqué de deux compères rappelant les mauvais garçons d’Orange mécanique, n’est plus le mal absolu, seulement « la force qui nous pousse au succès » : l’accomplissement du bien passe par la part obscure, démoniaque de nous-mêmes. On retrouve bien ici « le côté nocturne de la raison », thème choisi par Jürgen Flimm, le nouvel intendant du festival, pour son entrée en fonctions. Non, ce n’est plus Le Freischütz. Mais c’est cohérent, bien réglé, les chanteurs sont bien dirigés. Falk Richter a-t-il voulu provoquer la bonne conscience catholique autrichienne, en faisant notamment ressembler l’Ermite à un gourou de secte – une icône pop presque fascisante, pour le critique de la Süddeutsche Zeitung - ? Secouer le public huppé du festival ? C’est oublier que ce dernier, avec Gérard Mortier, a déjà eu sa dose. Toute cette virtuosité, tous ces effets spéciaux – la scène semble prendre feu à la fin du deuxième acte – ne nous impressionnent pas vraiment. Mais on est loin du désastre de Benvenuto Cellini (lire ici) : Falk Richter, lui, a au moins des idées.

Musicalement, on assiste à une soirée de répertoire dans un théâtre allemand moyen. Petra Maria Schnitzer, qui est d’abord et avant tout Frau Seiffert, séduit d’abord par ses nuances dans « Leise, leise », puis inquiète par des aigus trop bas, voire faux, arrachés dans le finale. Aucune aura, du travail propret : de la petite bourgeoisie vocale. Avec son filet de voix, Aleksandra Kurzak, à Salzbourg, fait gentille troupière. Heureusement Peter Seiffert est exemplaire dans un rôle difficile qui exige une souplesse quasi mozartienne et des accents héroïques : il assume les deux, avec des phrasés élégants et des éclats maîtrisés. S’il n’a pas tout à fait la noirceur du timbre et la profondeur des graves qu’on attend de Kaspar, le jeune John Relyea convainc aussi, jamais outré dans la caractérisation, stylé vocalement. Roland Bracht, fidèle au poste, porte encore assez beau, mais on a aussi plaisir à entendre, côté clés de fa, Markus Butter, Ottokar rendu volontairement grotesque par le metteur en scène mais très assuré dans la conduite de sa belle voix, ou Günther Groissböck, Ermite imposant par la chaleur de son timbre. Quel que soit le goût de la sauce verbale qu’il débite, Ignaz Kirchner, en diable mi-magicien mi-dandy, fait une assez saisissante composition.

Dans la fosse, Markus Stenz dirige sèchement, voire mécaniquement, non sans montrer d’ailleurs quelque sens du théâtre. Mais comme l’orchestre de Weber est un orchestre de timbres, la Philharmonie de Vienne fait le reste, avec le chœur de l’Opéra. Dans le second air d’Agathe, c’est du violoncelle solo dont on se délecte.

Pour Salzbourg, c’est un peu juste.



Didier van Moere

 

 

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