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Jeu de massacre à la fonderie Salzburg Grosses Festspielhaus 08/10/2007 - & les 15*, 18, 21, 26 & 30 août Hector Berlioz : Benvenuto Cellini Burkhard Fritz (Benvenuto Cellini), Laurent Naouri (Fieramosca), Brindley Sherratt (Balducci), Mikhail Petrenko (le Pape), Maija Kovalevska (Teresa), Kate Aldrich (Ascanio), Xavier Mas (Francesco), Roberto Tagliavini (Bernardino), Sung-Keun Park (l’Aubergiste), Adam Plachetka (Pompeo)
Chœur de l’Opéra de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Valery Guerguiev (direction)
Philip Stölz (mise en scène)
Benvenuto Cellini à Salzbourg : quelle reconnaissance pour cet opéra si rarement donné et pour Berlioz lui-même ! En réalité, on a bien vite déchanté devant le naufrage. Une honte, même, pour un tel festival. Le nouvel intendant avait annoncé, dans un entretien avec notre collaborateur Laurent Barthel publié par Opéra Magazine, un décor énorme, quelque chose entre Blade Runner et le grand opéra. On n’en tremblait pas moins de voir le spectacle confié à Philip Stölzl, spécialiste renommé de vidéoclips, qui a travaillé pour Madonna et Mick Jagger, mais n’a à son actif, dans le domaine lyrique, qu’une production du Freischütz à Meiningen. A-t-il cru qu’un mélange confus d’effets venus du cinéma futuriste ou muet, du grand spectacle et de la revue suffisait pour faire une mise en scène de Benvenuto Cellini ? Ce n’est pas parce qu’on transforme le sculpteur en loubard arrivant en hélicoptère - le metteur en scène parle lui-même, sans revendiquer vraiment la référence, de Gotham City - sur le toit de sa belle, que cette dernière change trois fois de robe pendant son air du premier acte, qu’on fait d’Ascanio un robot, qu’on montre le pape comme un sorte de popstar flanquée de deux blondinets distribuant des hosties, et que l’atelier de fonderie ressemble à un Nibelheim de science-fiction, qu’on a mis en scène un grand opéra. L’opéra de Berlioz n’est pas seulement, comme tout grand opéra, un grand spectacle, il nous parle aussi d’art, de la condition de l’artiste. Le metteur en scène, lui, ne nous parle de rien. Ce n’est pas que les idées soient mauvaises : il n’y en a pas. Il se montre, de plus, incapable de diriger le chœur, qui se trémousse dans les tous les sens, et se contente, pour les chanteurs, d’un travail fort sommaire. Quand il explique qu’on peut concevoir autrement la mise en scène aujourd’hui en évoquant le Don Giovanni - aussi contestable soit-il - de Michael Haneke, on croit rêver.
A ce capharnaüm qu’on voudrait faire passer pour un carnaval où on retrouve même le poisson Nemo répond, dans la fosse, un incroyable tohu-bohu. Valéry Guerguiev succombe à ses pires défauts, comme dans Turandot il y a cinq ans : direction peu aboutie, bruyante, confondant fougue et désordre, ne maîtrisant pas ses tempi et souvent décalée par rapport au chœur. On croirait que les pupitres de la Philharmonie de Vienne jouent chacun pour soi. Quand on a entendu, le même jour, Riccardo Muti diriger la Fantastique (lire ici), on tombe de haut. De ce désastre, la distribution émerge en partie, même si l’on se demande la plupart du temps en quelle langue est chanté l’opéra. Jusqu’à Laurent Naouri, Fieramosca aux airs de Charlie Chaplin, bondissant partout comme un forcené, qu’on connaît en général bien plus rigoureux sur ce chapitre, mais qui au moins sait quoi faire chez Berlioz. Cela dit, Maija Kovalevska se signale en Teresa par une voix brillante et souple, par une composition stylée… et par un physique de mannequin. Kate Aldrich met beaucoup de conviction et de musicalité dans la partie d’Ascanio, seulement un peu courte d’aigu. Burkhard Fritz, sans avoir l’émission adéquate pour les aigus de Benvenuto, ce qui le gêne dans son air « Sur les monts les plus sauvages », se tire plutôt bien d’affaire, avec parfois une certaine élégance dans la ligne de chant. Brindley Sherratt, en revanche, peine à se faire entendre en Balducci et Mikhail Petrenko cherche en vain les graves de Clément VII.
Rappelons que le prix des places va de 50 à 360 euros.
Didier van Moere
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