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Perspectives baltes

Paris
Salle Pleyel
05/30/2007 -  et 31 mai 2007 (Caen)
Jean Sibelius : Concerto pour violon, opus 47
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 7 «Leningrad», opus 70

Lisa Batiashvili (violon)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)


Huit mois après leurs collègues masculins, les femmes de l’Orchestre de Paris ont désormais leurs nouvelles tenues, également créées par la maison Jean-Louis Scherrer dans le cadre d’un «mécénat de compétences»: pas de modèle unique, à la différence des hommes, mais plusieurs «silhouettes», «toutes exaltant leur féminité dans un souci actuel de l’exercice de leur art». Bigre!


Voici huit mois, la nouvelle tenue des musiciens avait coïncidé avec la réouverture de la Salle Pleyel; cette fois-ci, l’innovation a été quelque peu éclipsée par la confirmation d’une rumeur qui circulait depuis plusieurs semaines: c’est en effet Paavo Järvi qui prendra en 2010 la succession de Christoph Eschenbach au poste de directeur musical. S’il aura vraisemblablement à cœur de faire découvrir sa terre natale (Pärt, Tüür), il faut espérer en même temps qu’il permettra à la capitale d’aborder enfin, au début de la deuxième décennie du XXIe siècle, des pans entiers du grand répertoire symphonique du XXe qu’il a toujours défendus mais qui ont hélas été par trop négligés jusqu’à présent sous nos latitudes (Sibelius, Nielsen, Martinu et, bien entendu, l’Estonien Tubin).


D’ici là, le chef d’origine estonienne devra faire des choix, car il est par ailleurs depuis 2001 directeur musical de l’Orchestre symphonique de Cincinnati, avec lequel il vient de renouveler son contrat jusqu’en 2011, conseiller artistique de l’Orchestre symphonique national d’Estonie depuis 2002, directeur artistique de la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême depuis 2004 et chef principal de l’Orchestre symphonique de la Radio de Hesse (Francfort) depuis cette saison. Outre ses nombreuses apparitions à la tête des orchestres de Radio France, comme cet automne dans un superbe concert Strauss avec le Philharmonique (voir ici), de son Orchestre de Cincinnati et même de la Philharmonie de Vienne (voir ici), il a déjà travaillé avec l’Orchestre de Paris à deux reprises, en mars 2004 et en février 2006 (voir ici).


Sa nomination est intervenue le jour même où il dirigeait Salle Pleyel un généreux programme placé dans une perspective balte, avec en première partie Lisa Batiashvili dans le Concerto (1905) de Sibelius. La violoniste géorgienne fait valoir de grandes qualités techniques – puissance, plénitude de la sonorité, aigus et harmoniques impeccables – mais déçoit par une certaine réserve interprétative, à l’image d’un Allegro ma non tanto final plus ludique que diabolique ou sauvage. Si les qualificatifs de «scolaire», «tiède» ou même «lisse» paraissent sans doute trop sévères, tant son engagement est indéniable, et si son approche a le mérite d’éviter tout débordement sirupeux, elle manque cependant de mordant et de rugueux. Malgré l’insistance du public, la soliste ne consentira pas à offrir de bis.


Souvent décriée, comme en témoignent encore quelques réflexions de spectateurs saisies au vol ici ou là («musique de film», «pas une des meilleures de Chostakovitch»), la Septième symphonie «Leningrad» (1941) n’en a pas moins été remarquablement servie ces derniers temps à Paris. Après l’humanisme de Sado/Lamoureux (voir ici) et la lucidité de Masur/National (voir ici), Paavo Järvi prend le contre-pied de l’image lourde et ronflante qui s’attache à l’œuvre et en déjoue de la sorte les pièges, démontrant qu’il est possible d’en mettre en valeur les nuances et subtilités: ainsi de la légèreté rêveuse du deuxième mouvement, qui remplit dès lors parfaitement sa fonction d’intermezzo, ou de la sérénité du deuxième thème de l’Allegretto initial, servi par un merveilleux phrasé des cordes et de magnifiques couleurs des bois.


Cette démarche s’inscrit dans un respect de la partition jusqu’au moindre détail, quitte à surprendre par rapport à ce que l’on est habitué à entendre, comme ce sforzando des cors et des cordes après l’énoncé du thème de la «marche» par la trompette et les trombones dans le premier mouvement, ou ces pizzicati qui claquent, dans le dernier mouvement, comme le compositeur l’exige expressément. Dans le même esprit, Järvi s’efforce toujours d’éclaircir les textures et d’éviter la surcharge de décibels, le formidable crescendo qu’il obtient sur l’ultime accord démontrant sa parfaite maîtrise de l’échelle des dynamiques.


Sur une plus longue durée, il sait aussi ménager des progressions impressionnantes, comme dans la dernière partie du final, mais aussi, bien évidemment, dans la répétition du thème de l’Allegretto initial, dont il souligne la vulgarité en insistant bien sur les deux notes détachées qui en ponctuent le déroulement. Pour autant, sa vision ne manque ni d’intensité (Adagio), ni d’énergie, que ce soit dans la belle santé des premières mesures, joviales et carrées, plus enlevées qu’à l’habitude, ou dans le caractère cinglant de certains développements (section centrale du deuxième mouvement, début du final).


Au-delà de ces «débuts» convaincants de «directeur musical désigné», un autre signe important et encourageant pour l’avenir mérite enfin d’être relevé: bien que n’ayant été nullement consultés sur le choix de leur futur directeur musical, les musiciens réservent à Paavo Järvi, visiblement ému, un accueil particulièrement chaleureux.


Le site de Paavo Järvi
Le site de Lisa Batiashvili



Simon Corley

 

 

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