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L'impossible deuil

Geneva
Grand Théâtre
04/14/2007 -  et les 17, 19, 22, 24 & 26 avril
Richard Strauss : Ariane à Naxos
Wolfgang Barta (le Majordome), Eike Wilm Schulte (le Maître de musique), Katarina Karnéus (le Compositeur), Jane Archibald (Zerbinette), Stefan Vinke*/Hubert Delamboye (24 & 26 avril) (Bacchus), Olivier Ringelhahn (le Maître à danser), Nina Stemme (Ariane), Henrike Jacob (Naïade), Isabelle Henriquez (Dryade), Klara Ek (Echo), Brett Polegato (Arlequin), Alexandre Kravets (Scaramouche), Marin Snell (Trouffaldino), Bernard Richter (Brighella), Nicolas Carré (le Perruquier), Lyonel Grélaz (l’Officier), Philip Casperd (Un laquais)
Orchestre de la Suisse Romande, Jeffrey Tate (direction)
Christof Loy (mise en scène)

Chef et metteur en scène s’accordent à faire d’Ariane à Naxos un opéra grave, sinon sombre. Dans le Prologue, qui se passe dans les sous-sols du commanditaire, il y a parfois des arrêts sur images, comme si les personnages, même les plus comiques, étaient fascinés par le phénomène de la création. Et le duo entre Zerbinette et le Compositeur révèle déjà que la coquette cherche l’amour plus qu’elle ne s’amuse. Le rythme est lent, avec un Majordome imperturbable qui prend, voire perd son temps pour transmettre les ordres du parvenu qu’il jouit de singer. Dans la fosse, Jeffrey Tate aggrave cette lenteur, lointain, attentif aux détails, mais très vite ennuyeux, privant le Prologue de toute vie, juxtaposant parties chantées et parties parlées sans trouver le fil qui les relie. Sa direction convient beaucoup mieux à l’opéra, qui prend une dimension onirique, à l’image de la nostalgie d’Ariane. Même les passages buffa semblent contaminés, ce qui surprend mais s’explique : Christof Loy veut visiblement nous rappeler qu’Ariane et Zerbinette sont des doubles, abandonnées à la fin par Bacchus et Arlequin. Cosi fan tutti, en quelque sorte. Ariane part seule, sanglée dans cette robe de veuve qui avait, quand la production avait été montée à Covent Garden, conduit à l’éviction de la trop plantureuse Deborah Voigt. L’île grecque est devenue la chambre où Ariane, avec ses trois domestiques, s’est enfermée dans son refus de vivre, figée devant sa coiffeuse. Rien, sinon les toiles peintes dans le style XVIIIe siècle, ne rappelle l’Antiquité et les Italiens semblent sortis de la zone. Tout cela n’est ni vraiment gai ni vraiment conforme à la partition mais a au moins le mérite d’une certaine cohérence. A Paris, Laurent Pelly lui aussi avait modifié la fin, tout en insistant davantage sur le côté buffa, avec un sens du mouvement éloigné de l’austérité un rien compassée d’un Christof Loy pensant les choses plus qu’il ne les sent, refuse d’opposer les deux registres, parfaitement accordé, encore une fois, avec la direction intimiste du chef, qui refuse de faire sonner son orchestre comme celui du Chevalier ou de La Femme sans ombre.
Nina Stemme, qu’on attendait beaucoup, n’a pas déçu en Ariane perdue dans son impossible deuil, gardant une souplesse d’émission, une pureté de ligne quasi mozartiennes, avec des aigus pianissimo, ne « wagnérisant » jamais le rôle, faisant d’Ariane une sœur de son Elisabeth genevoise. On perçoit cependant, depuis qu’elle aborde des emplois plus lourds, que le timbre a un perdu de sa lumière, la voix de sa rondeur : comment la voix, en s’élargissant, évoluera-t-elle ? Après un début aussi timide que peu audible, Jane Archibald, qui remplaçait Marlis Petersen, a pris de l’assurance, Zerbinette plus mélancolique qu’allumeuse, à la voix mince mais bien placée, très à l’aise dans les vocalises et les notes suraiguës, en deçà, malgré tout, de la pétulance du personnage. Katarina Karnéus doit, elle aussi, se chauffer, pour incarner un compositeur moins enthousiaste que concentré, plus mature que de coutume, en place vocalement malgré un médium parfois trop léger, la voix du rôle en tout cas avec ce mezzo clair et chaud. Stefan Vinke remplaçait Wolfgang Millgramm : ce familier des rôles wagnériens n’a pas la carrure d’un authentique Heldentenor, ni un timbre de velours, mais parvient à chanter Bacchus sans s’époumoner, tenant la route jusqu’au bout, capable de faire dans « Du schönes Wesen » les nuances indiquées. Comme toujours à Genève, les seconds rôles sont bien tenus, des trois Nymphes aux lurons de la commedia dell’arte, même si Brett Polegato manque un rien de relief et de projection en Arlequin et si le Maître de musique sonore d’Eike Wilm Schulte semble un peu trop résigné.



Didier van Moere

 

 

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