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Les femmes au pouvoir

Paris
Opéra-Comique
04/12/2007 -  
Jacques Ibert : Angélique
Francis Poulenc : Les Mamelles de Tirésias

Gaëlle Méchaly (Angélique/Thérèse), Marc Barrard (Boniface/Le directeur, le gendarme), Jean-Paul Fouchécourt (Le mari), Matthieu Lécroart (Charlot/Presto, le vieux monsieur), Mowgli Laps (L’Italien), Jean-Louis Meunier (L’Anglais/Lacouf, Le fils), Jean-Loup Pagésy (Le Nègre), Olivier Podestà (Le diable/Le journaliste), Marie-France Goudé-Ducloz (Première commère/La dame élégante, la grosse dame), Jeanne-Marie Lévy (Seconde commère/La marchande)
Chœurs Carpe diem, Alain Palma (chef de chœur), Orchestre-atelier OstinatO, Jean-Luc Tingaud (direction)


Après Le Carrosse du Saint Sacrement de Büsser en février dernier (voir ici), l’Opéra comique et l’Orchestre OstinatO poursuivaient leur exploration du répertoire léger français tout en prolongeant la thématique du spectacle Menotti (venu de Lausanne) qui vient d’y être présenté (voir ici): car c’est à nouveau du pouvoir des femmes qu’il est ici question, et à nouveau bien davantage sous l’œil de Sacha Guitry que du point de vue de Simone de Beauvoir.


Angélique (1927) d’Ibert, pour rimer avec Véronique, n’a en effet rien d’une charmante bluette sur le bonheur conjugal. Commentée par les chuchotements d’une sorte de dérisoire «chœur antique» de huit chanteurs pas vraiment rassuré par le tour que prennent les événements, cette farce en un acte est signée, comme Persée et Andromède quelques années plus tôt, du beau-frère d’Ibert, Michel Veber, alias Nino, qui écrivit par ailleurs les livrets de Rayon des soieries et de La Poule noire pour Manuel Rosenthal: Boniface, mari battu mais conseillé et aidé par son ami Charlot, va en effet tout mettre en œuvre pour vendre sa femme – comme dans la Société anonyme des messieurs prudents (1931) de Beydts et Guitry récemment donnée à l’Athénée (voir ici), le droit commercial semble pouvoir apporter une solution aussi commode qu’inattendue au problème posé – mais même le diable, quatrième acquéreur, capitule à son tour devant les mauvais traitements que lui inflige Angélique!


Ce canevas aussi simple qu’extravagant inspire à Ibert une musique vivante et nerveuse, vigoureuse et épicée, encore très «Groupe des Six», sachant se faire parodique (bel canto pour l’arrivée de l’Italien, «jazzy» pour celle du «Nègre», orientalisante pour évoquer quelque hypothétique houri), point trop interrompue par les dialogues parlés et finement instrumentée pour un orchestre de chambre (avec piano et percussion) dont bois (à l’exception d’une seconde flûte) et cuivres sont réduits à un représentant par pupitre. Bien davantage qu’un lever de rideau, ne serait-ce que par sa durée (trois quarts d’heure), une œuvre à part entière qui, le jour où elle pourra mériter mieux qu’une exécution de concert assortie de quelques accessoires (pancarte, corde, valise), pourrait former un heureux couplage avec L’Heure espagnole de Ravel, où l’épouse est également amenée à mettre en concurrence son mari avec différents prétendants.


Sans doute grâce à la notoriété dont bénéficie Poulenc, les Mamelles de Tirésias (1944) connaissent encore régulièrement de nos jours les honneurs de la scène (voir par exemple déjà précédemment à Favart ou à Toulon), mais n’en constituent pas moins une suite somme toute parfaitement logique à Angélique. Au début du premier acte, la scène de ménage fait rage et les objets les plus incongrus volent bas: c’est ici aussi l’heure de la révolte de la femme et, si le mari de Thérèse devenue Tirésias ne court pas les mêmes risques que celui d’Angélique, il n’a d’autre solution que de devenir femme puis, ayant donné naissance à 49 049 enfants en un seul jour, de profiter pleinement des joies de la maternité. Mais d’une guerre à l’autre, derrière les premières manifestations surréalistes et les provocations sociales de la pièce d’Apollinaire – adaptée par Poulenc lui-même sous forme d’opéra bouffe, créé Salle Favart voici quasiment soixante ans – perce le regard nostalgique du benjamin du Groupe des Six sur une époque révolue, qui fut aussi celle de ses débuts précoces.


Il est dommage que le remplacement de Magali Léger par Gaëlle Méchaly n’ait peut-être pas permis à cette dernière de donner toute la mesure nécessaire pour rendre pleinement justice à ce déferlement colorature d’ambition féminine, que ce soit en Angélique ou en Thérèse. Du coup, les deux maris n’en acquièrent que davantage de relief: Marc Barrard en Boniface – même si Les Mamelles lui réservent ensuite des emplois davantage de nature à le mettre en valeur (le directeur de théâtre puis le gendarme) – et, sans surprise, Jean-Paul Fouchécourt dans un rôle qu’il a fait sien de longue date. En Charlot et, surtout, en Presto, Matthieu Lécroart ajoute une nouvelle prestation d’excellence à son palmarès, tant par sa diction que par son style.


En fait, l’ensemble de cette distribution française serait à louer, à l’image de Jean-Louis Meunier en Lacouf et en Lord anglais répétant déjà, plus d’un demi-siècle avant Margaret Thatcher, «I want my money back». Il est vrai qu’elle est soutenue par l’Orchestre OstinatO qui, tour à tour dynamisé et assoupli par son directeur musical, Jean-Luc Tingaud, a retrouvé fière allure, même si – mais c’est évidemment le propre d’un «orchestre-atelier» – les couleurs et la précision laissent encore parfois à désirer.



Simon Corley

 

 

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