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Le retour d'Ulysse… à Tourcoing!

Tourcoing
Théâtre municipal
03/13/2007 -  et les 16 et 18* mars 2007.
Claudio Monteverdi : Il ritorno d’Ulisse in patria

Kobie Van Rensburg (Ulysse), Nora Gubisch (Pénélope), François Piolino (Télémaque/Jupiter), Bernard Deletré (Neptune), Hjördis Thébault (Minerve), Delphine Gillot (Junon/la fortune), Vincent Bouchot (Pisandre/2ème phéacien), Renaud Delaigue (Antinoüs/le temps), Dominique Visse (Amphinome/1er phéacien/la fragilité humaine), Marie Planinsek (Amour), Anne-Sophie Zirnhelt (Euryclée), Pablo Lopez Martin (3ème phéacien), Estelle Kaïque (Mélante), Carl Ghazarossian (Eurymaque), Emiliano Gonzalez Toro (Irus), Jean Delescluse (Eumée)
Jacky Lautem (scénographie et lumières), Jasna Vinovrski (chorégraphie et danseuse), Christine Rabot-Pinson (costumes), Jean-Claude Malgoire (mise en scène)
La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire (direction)

Après avoir monté au début des années 2000 le cycle complet des opéras de Monteverdi, l’Atelier lyrique de Tourcoing et Jean-Claude Malgoire remettent sur le métier Il ritorno d’Ulisse in patria avec une distribution comportant des éléments qui frisent l’idéal. Le spectacle en soi est très agréable à regarder car la mise en scène a pour but d’illustrer l’œuvre et non de la détourner.



La mise en scène de Jean-Claude Malgoire, pour l’occasion, est très simple, très épurée. Les décors sont blancs et ce sont donc les lumières qui jouent un rôle essentiel pour mettre en valeur un personnage, un moment (ombres chinoises des protagonistes pendant un duo d’amour, etc…). Jean-Claude Malgoire reste fidèle à l’esprit d’Homère dans la mesure où il place l’intrigue dans un univers antique: Pénélope et ses femmes portent des robes typiquement grecques, Ulysse revêt un manteau de bête pour se déguiser en vieillard et se sert d’une canne en bois. Sur l’écran du fond de la scène sont projetées des reproductions de vases grecs qui racontent l’histoire de l’Odyssée ou bien des différents épisodes du retour d’Ulysse. L’effet est non seulement beau mais aussi instructif.


La distribution est dominée par Kobie Van Rensburg. Après avoir incarné un des meilleurs Néron actuels à Genève et à Caen à l’automne, il se frotte aujourd’hui au rôle d’Ulysse qu’il incarne avec vérité et conviction. Le personnage évolue pendant l’opéra puisqu’il apparaît sur scène d’abord comme un héros déchu mais qui reprend peu à peu confiance en lui et en l’avenir: le duo avec Minerve au premier acte en est un exemple parlant. Avec une facilité vocale confondante, le ténor ne fait qu’une bouchée de ce rôle, apportant la noblesse nécessaire à son chant dans les parties où le roi d’Ithaque se dévoile mais aussi la douceur et l’amour au duo final avec son épouse retrouvée. La grande stature du chanteur est également idéale pour camper un héros grec.
Nora Gubisch déçoit un peu en Pénélope. Elle brosse le portrait d’une femme dure, assez sèche qui ne se laisse pas aller entièrement à sa douleur. La chanteuse n’insiste pas assez sur le désespoir de la reine d’Ithaque car elle privilégie la colère et la rage qui l’habitent. Vocalement la prestation n’est pas non plus à la hauteur des attentes. En effet, la voix est devenue assez lourde, sombre et dépourvue de nuances en dehors d’une alternance entre piano et forte : les « torna » de sa première intervention manquent nettement de persuasion. Elle devient un peu plus humaine vers la fin de l’opéra quand elle retrouve Ulysse mais le duo final ne dégage pas suffisamment d’émotion de sa part.
François Piolino est, en général, un très bon chanteur et il ne connaît pas de rivaux dans certains rôles. Mais en abordant la partie plus lourde de Télémaque, il se fourvoie un peu car on voudrait y entendre une voix un peu plus corsée: son timbre est trop blanc, trop clair pour être vraiment convaincant. La mise en scène en fait un jeune homme plein de fougue et d’enthousiaste mais un peu ridicule : certains gestes se veulent comiques alors qu’ils n’ont pas leur place dans l’intrigue.
Les dieux sont bien représentés avec, notamment, le Neptune désopilant de Bernard Deletré. Le baryton n’hésite pas à rendre son personnage comique avec des rires ajoutés, des grossissements de voix, etc… Il faut dire qu’il est affublé d’un costume qui ne fait nul doute sur son emploi : il a un trident, il est coiffé d’un chapeau reproduisant un bateau, etc… et il descend dans la fosse d’orchestre comme il descendrait dans la mer. Jupiter, François Piolino, fait une entrée remarquée car il descend du ciel à la manière des anges baroques. La voix est plus adéquate pour Jupiter que pour Télémaque et l’on admirera donc la pureté de la ligne de chant, les notes aériennes. Minerve trouve en Hjördis Thébault une bonne chanteuse. La technique et le timbre de cette mezzo se sont fortement améliorés ces derniers temps et elle semble maintenant mieux contrôler son fort vibrato: la voix est charnue, profonde, sombre… Elle porte un costume tout en argent, avec un casque, une lance, tous les éléments indispensables pour jouer la déesse de la guerre. Parmi les dieux, on peut également relever la Junon de Delphine Gillot qui laissera un souvenir plus honnête qu’impérissable. Le trio des prétendants est irrésistible parce qu’il est chanté par trois membres de l’ensemble Clément Janequin, Dominique Visse, Vincent Bouchot et Renaud Delaigue. Ils jouent leurs rôles avec un certain détachement et semblent se moquer de la piètre figure des trois soupirants de Pénélope: ils feignent tous trois un amour démesuré à la reine. Ils laissent paraître une certaine camaraderie entre eux, n’hésitant pas à s’encourager mutuellement pendant l’épreuve de l’arc, etc…Vincent Bouchot, en Pisandre, en rajoute beaucoup au point d’être totalement ridicule: phrases langoureuses, phrasé précieux, etc… Renaud Delaigue mise plutôt sur le charme, l’élégance avec des notes tenues longuement. Quant à Dominique Visse, il est un Amphinome énervant à souhait, agile vocalement et scéniquement, que quelques notes éthérées et d’une douceur infinie rendent envoûtant.
L’opéra de Monteverdi comporte de nombreux personnages et chanteurs et il serait fastidieux de les recenscer tous, d’autant plus que certains comme Amour, Euryclée ou Mélante, ne laisseront pas une impression très favorable. En revanche, il convient de souligner la bonne prestation d’Eurymaque, Carl Ghazarossian, qui fait preuve d’une voix saine et qui s’amuse à jouer un jeune homme impétueux. Emiliano Gonzalez Toro est excellent en Irus, car il parvient bien à rendre l’ivresse du personnage et son apparente bêtise: la voix est puissante et agile. Jean Delescluse apporte une belle noblesse à Eumée et le duo entre lui et Ulysse est peut-être le plus beau moment de la représentation: les deux voix s’harmonisent très bien ensemble!
Parmi les allégories, on retiendra évidemment la magnifique apparition au début de l’opéra de Dominique Visse en fragilité humaine. Il débute sa partie sur un fil de voix et peu à peu les notes viennent se greffer sur un crescendo général. Il utilise toute la pureté de sa voix, contrôlant son vibrato qu’il ne laisse échapper qu’à la fin de la phrase. Le Temps est vaillamment chanté par Renaud Delaigue.


La direction de Jean-Claude Malgoire est également très convaincante et expressive. Il cherche, comme dans sa mise en scène, à raconter une histoire. Il donne une bonne dynamique à l’ensemble, même s’il reste toujours un peu sur la retenue.



Une fois de plus, l’Atelier Lyrique de Tourcoing produit un spectacle remarquable où les imperfections relevées ici ou là ne viennent pas gâcher le plaisir du spectateur. L’œuvre est défendue avec enthousiasme et on ne peut qu’adhérer à une telle qualité musicale et visuelle.



A noter :
- la saison de l’Atelier Lyrique de Tourcoing se poursuit avec une autre histoire mythologique, celle d’Orphée et Eurydice immortalisée par Gluck. Philippe Jaroussky, pour l’occasion, fera ses premiers pas dans le rôle-titre et il sera soutenu par Jean-Claude Malgoire.



Manon Ardouin

 

 

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