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Les outsiders de Sao Paulo Paris Théâtre du Châtelet 03/29/2007 - et 23 mars 2007 (Köln) Mozart Camargo Guarnieri : Abertura concertante
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 4, opus 40
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 1 «Rêves d’hiver», opus 13
Nelson Freire (piano)
Orquestra sinfônica do Estado de São Paulo, John Neschling (direction)
Piano **** accueillait la seizième et dernière étape de la tournée européenne de l’Orchestre symphonique de l’Etat de Sao Paulo (OSESP), qui, commencée le 6 mars en Espagne, s’est poursuivie au Portugal, en Suisse, en Autriche, en Allemagne, en Hongrie et en Pologne: témoignage, aux côté d’un partenariat avec l’éditeur Bis, des ambitions internationales d’une formation – née en 1954 et ayant pris son essor avec l’excellent Eleazar de Carvalho (entre 1972 et 1996) – et de son actuel directeur musical, John Neschling, qui ont d’ores et déjà obtenu une reconnaissance nationale mesurable notamment à la restauration, achevée en 1999, de l’étonnante salle de concerts jouxtant la gare de la cité pauliste.
Cette perspective stimulante n’a pourtant mobilisé qu’une affluence un peu décevante au Théâtre du Châtelet, et ce malgré la présence d’un compatriote toujours apprécié des Parisiens, Nelson Freire. Cela étant, si l’efficace schéma traditionnel ouverture/concerto/symphonie était une fois de plus respecté, c’est peut-être l’originalité du programme proposé par l’OSESP qui aura suscité des craintes, avec deux œuvres négligées, pour ne pas dire mal-aimées, de compositeurs russes, et la rare occasion d’entendre à Paris une pièce de Mozart Camargo Guarnieri (1907-1993).
Resté dans l’ombre envahissante de Villa-Lobos, il se révèle pourtant au moins aussi à l’aise et intéressant que lui, du moins dans la forme symphonique proprement dite, comme le permettent désormais de le constater de récentes parutions discographiques, notamment celles de l’Orchestre de Sao Paulo lui-même. Cela étant, son Ouverture concertante (1942), à ne pas confondre avec la plus turbulente Ouverture festive de 1971, s’en tient dans les limites de l’exercice imposé, avec un néoclassicisme qui a peu à redire à ce qui se faisait de mieux dans le genre de par le monde à la même époque (Milhaud, Hindemith, Martinu, Blacher): dix minutes de forme ABA à la couleur nationale relativement discrète, sorte de mini-concerto pour orchestre à effectif haydnien, mettant notamment en valeur parmi les soli une belle partie de timbales.
Un an plus tôt, Rachmaninov achevait la révision de son Quatrième concerto (1926): bien loin de tenter d’en lisser les aspérités ou d’en atténuer le volontarisme innovant, Freire, fort d’une technique toujours aussi impeccable, l’aborde de façon objective et allante, sans le moindre alanguissement dans le Largo, en parfaite osmose avec l’accompagnement. La délicatesse du bis, un extrait du Ballet des esprits bienheureux du deuxième acte d’Orphée et Eurydice (1762) de Gluck, n’en ressort que davantage.
Pour la seconde partie, les Brésiliens avaient choisi une autre partition russe en sol mineur substantiellement revue par son auteur, la Première symphonie «Rêves d’hiver» (1866/1874) de Tchaïkovski: choix assez surprenant, en vérité, Paris étant d’ailleurs avec Cologne la seule ville du périple de l’OSESP à ne pas «bénéficier» de Debussy, Ginastera, Respighi, Villa-Lobos ou Revueltas. Le souci de la nuance et de la couleur se fait parfois au détriment de l’élan et de la dynamique, au risque que la tension ne retombe (Andante), mais Neschling a le mérite de tenter une interprétation fouillée et créative, de caractère volontiers rhapsodique, comme dans la manière inhabituelle, particulièrement spectaculaire et contrastée, qu’il a de conduire, au début du Final, la transition de l’Andante lugubre à l’Allegro moderato. S’il ne possède ni des timbres ni une précision exceptionnels, l’orchestre, curieusement renforcé d’un quatrième trombone, ne démontre pas moins sa solidité et, surtout, sa capacité à suivre fidèlement une conception aussi personnelle, qui souligne le caractère abrupt et étrange du propos, suggérant même ici ou là d’inattendus éclairages postberlioziens ou prémahlériens.
La soirée se conclut dans l’enthousiasme par trois bis, avec d’abord Mourao (1951), solide danse du Nordeste due à Cesar Guerra-Peixe (1914-1993), où les cordes, amenées à frapper du pied et à se livrer à de joyeuses exclamations, sont rejointes in fine par trois percussionnistes avançant depuis les coulisses. Un petit détour par l’Argentine, avec le Malambo final de la suite tirée d’Estancia (1943) de Ginastera, d’un effet toujours aussi sûr auprès du public, précède le retour au pays, avec, malgré le départ des trombones, le Prélude, aux cordes seules, des Quatrièmes bachianas brasileiras (1941) de Villa-Lobos.
Le site de l’Orchestre symphonique de l’Etat de Sao Paulo
Simon Corley
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