About us / Contact

The Classical Music Network

Normandie

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le Festival «Aspects des musiques d’aujourd’hui» (1)

Normandie
Caen (Grand auditorium)
03/16/2007 -  
Claude Debussy : La Mer
Eric Tanguy : Sénèque, dernier jour, concerto pour récitant et orchestre – Eclipses

Malcolm Walker (récitant)
Orchestre de Caen, Jean-Louis Basset (direction)


Le Festival « Aspects des musiques d’aujourd’hui » organisé chaque année par le Conservatoire de Caen fête ses vingt-cinq ans. Cette manifestation, qui a accueilli des compositeurs prestigieux (ces dernières années Elliott Carter, Krzysztof Penderecki) a choisi pour célébrer cet anniversaire d’honorer un ancien élève de la maison : Eric Tanguy. Durant ces trois journées de festivités musicales, tout le conservatoire est à pied d’œuvre, jusqu’aux élèves qui jouent ses partitions lors de concerts «Avant scène» (mentionnons entre autres la violoncelliste Camille Pene et le clarinettiste Fabien Lerat). C’est l’occasion pour Tanguy de rappeler l’importance de ce festival, non seulement pour les jeunes musiciens, mais également pour tous les mélomanes. Car c’est lors des premières éditions qu’il a rencontré Messiaen ou Stockhausen qui lui ont donné envie de devenir lui aussi compositeur. Il aime d’ailleurs rappeler malicieusement que la vie musicale de la ville est active et que même David Oïstrakh s’y est produit.


Eric Tanguy (né en 1968) est le compositeur français de sa génération le plus joué dans le monde. Lors de ce week-end, nous avons pu entendre les trois œuvres qu’il juge lui-même les plus importantes de sa production : Eclipses dans le domaine orchestral, le Deuxième quatuor pour la musique de chambre et Du fond caché de la clarté pour le répertoire vocal.


Le concert d’ouverture est confié à l’Orchestre de Caen dans lequel jouent bon nombre de professeurs du Conservatoire. On notera qu’une association des Amis de l’Orchestre se monte et qu’un site Internet est en cours de construction. Le choix de La Mer en début de programme replace Eric Tanguy dans la tradition de la musique française. Jean-Louis Basset, principal chef invité, connaît bien ses musiciens. Il parvient à éviter les écueils de cette partition : il allège les violoncelles dans le troisième mouvement, trouve un équilibre délicat avec la percussion (intervention du célesta dans la deuxième partie). Dans cette partition rabâchée, on a déjà entendu plus de transparence (les climax des Jeux de vagues), plus de souplesse au début, mais l’orchestre offre une lecture enthousiaste et bienvenue qui ravit le public caennais.


Le mélodrame Sénèque, dernier jour sur très beau texte de Xavier Couture est présenté par le compositeur comme un concerto pour récitant et orchestre. C’est dire l’importance du rôle de l’acteur, ici tenu par l’irréprochable Malcolm Walker, qui est sans cesse sollicité. Tanguy use d’une écriture qui flirte avec la consonance traditionnelle sans jamais être tonale. Un film présenté durant le festival permettait voir la création à Rennes avec Michel Blanc et de comparer les interprétations. A son engagement physique, tel un animal traqué, Malcolm Walker préfère imposer une distance cruelle avec lui-même, une ironie acerbe, un cynisme qui paradoxalement convient parfaitement aux derniers moments du philosophe stoïque. Il est aussi plus soucieux de la place de l’orchestre. Celui-ci suit les états d’âme de Sénèque, tour à tour exalté à l’évocation de sa jeunesse et de ses premières amours, révolté contre la décadence de Rome, déversant tout son mépris contre l’empereur qu’il a pourtant élevé. L’orchestre révèle une belle homogénéité, un engagement évident dans les moments de tension. Idéalement servie, une œuvre forte et émouvante sur les rapports entre le pouvoir, la philosophie et la mort.


Etape importante dans le parcours d’Eric Tanguy, Eclipse a été créée en plein air à Reims en 1999. L’événement y est décrit comme une « catastrophe », dans une atmosphère tourmentée où les cuivres et les percussions sont très sollicités. L’orchestre a bénéficié pendant les répétitions de la présence de l’auteur qui exige des timbales toujours plus tonitruantes, comme pour renforcer sans cesse l’angoisse que l’on peut éprouver lorsque le ciel s’obscurcit brutalement. Mais les instrumentistes se font aussi par moments envoûtants, et finissent, comme dans la symphonie Les Adieux de Haydn sur un trio de cordes tout à l’apaisement de la lumière enfin rétablie. Le public a longuement applaudi cette interprétation d’une grande tenue. Un futur Eric Tanguy se trouvait-il dans la salle?



Thomas Herreng

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com