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Les dieux ne descendent pas de leur Olympe

Paris
Auditorium du Louvre
03/21/2007 -  
Ludwig van Beethoven : Quatuors n° 14, opus 131, et n° 13, opus 130 (avec Grande fugue, opus 133)

Quatuor Emerson: Eugene Drucker, Philip Setzer (violon), Lawrence Dutton (alto), David Finckel (violoncelle)


La venue des Emerson constituait sans nul doute l’un des moments les plus attendus de la traditionnelle série «Quatuors à cordes» de l’Auditorium du Louvre cette saison, d’autant que le programme retenu pour l’occasion par l’ensemble américain ne pouvait laisser indifférent, avec deux des derniers Quatuors de Beethoven, dont il a laissé une intégrale marquante voici maintenant dix ans chez Deutsche Grammophon.


Le Quatorzième quatuor (1826) débute par un Adagio en retrait: simple «tour de chauffe» face au colossal défi posé par la perspective de ces quatre-vingt-dix minutes de musique au sommet? Que nenni: rien ne semble pouvoir intimider les Emerson ni entamer leur sérénité, si ce n’est la manière systématique de faire ressortir les sforzandos et quelques menus problèmes d’intonation des violons. La cinquième partie (le bref Presto) leur permet certes de confirmer une cohésion autorisant une qualité de mise en place qui déclenche une bien fâcheuse salve d’applaudissements interruptive, mais la décantation et la désincarnation poussées à de telles extrémités se fait au risque d’une absence totale d’enjeux et l’on avouera dès lors, pour le regretter, être resté totalement extérieur, voire, pour tout dire, s’être senti exclu d’une prestation affichant un tel degré d’exigence et suscitant d’ailleurs une réaction assez peu chaleureuse du public.


Outre les choix consistant à placer l’alto à droite – l’excellent Lawrence Dutton – et à jouer debout – hormis bien sûr le violoncelliste David Finckel – l’une des particularités du Quatuor Emerson est de ne pas posséder de premier violon en titre, de telle sorte qu’après l’entracte, Eugene Drucker occupe ce poste après Philippe Setzer en première partie. La feuille distribuée aux spectateurs annonçait que le Treizième quatuor dans l’intégralité de sa seconde version – c’est-à-dire incluant l’Allegro final (1826) par lequel Beethoven décida de remplacer la Grande fugue – serait précisément suivi de cette première version du mouvement: exit en fait le second final, et c’est la version «originale» de ce quatuor, avec Grande fugue conclusive, qui est ainsi interprétée.


Cela étant, les interrogations demeurent, par-delà la subtilité de la réalisation instrumentale, quant à la signification et à la portée de ce Beethoven allant, peu suspect d’alanguissement et encore moins de tentation anecdotique, mais délibérément privé de certaines des qualités que l’on a coutume de tenir pour inhérentes ou même essentielles chez le compositeur – urgence, tension, dynamique, humanité, expression – au profit d’une vision linéaire, dépourvue de progression, autarcique pour ne pas dire autiste, comme destinée à se suffire abstraitement à elle-même.


Parmi les catégories auxquelles la musicologie ou la critique aiment à recourir, «apollinien» et «dionysiaque» offrent une typologie souvent commode. Mais le Quatuor Emerson se place au-dessus de cette distinction, de telle sorte que c’est l’adjectif «olympien» qui vient ici à l’esprit: tels les dieux réfugiés sur leur hauteur, ne visant jamais à séduire voire seulement à convaincre, et n’accordant, même dans la Grande fugue, que l’ivresse d’un nectar inaccessible aux simples mortels venus comme toujours en nombre sous la pyramide, auxquels ils se refusent à transmettre le feu sacré.


Comme lors de leur précédent passage en novembre 2004, les Emerson donnent en bis Vor Deinen Thron tret’ ich hiermit, faisant ainsi correspondre aux ultimes notes de Beethoven celles de Bach, et à la Grande fugue ce prélude de choral recueilli qui tient souvent lieu d’appendice à l’Art de la fugue. Les Américains seront de retour à Paris le 24 janvier prochain, dans le cadre de la troisième biennale de quatuors à cordes de la Cité de la musique, avec Haydn, Grieg et Beethoven.


Le site du Quatuor Emerson



Simon Corley

 

 

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