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Ah, que l’Inde est jolie !

Paris
Palais Garnier
09/17/1999 -  et 18, 19, 20, 23, 24, 25, 27, 28, 29 septembre, 1er, 2, 4, 5 octobre 1999
Jean-Philippe Rameau : Les Indes Galantes
Natalie Dessay (Hébé, Fatime, Zima), Heidy Grant Murphy (Emilie, Zaïre), Malin Hartelius (Phani), Gaëlle Méchaly (Amour), Nathan Berg (Osman, Ali), Yann Beuron (Valère, Damon), Laurent Naouri (Huascar, Alvar), Nicolas Cavallier (Bellone), Iain Paton (Carlo), Paul Agnew (Tacmas), Nicolas Rivenq (Adario)
Andrei Serban (mise en scène), Blanca Li (chorégraphie), Marina Drahici (décors et costumes), Robert Wierzel (lumières)
Orchestre et Choeur des Arts Florissants, William Christie (direction)

Certes, les plus exigeants jugeront qu’après le Rameau juvénile, impertinent, réfléchi et subtil prôné par Minkowski et Pelly voici quelques mois sur cette même scène, celui de Christie et Serban paraît plus convenu. Signe révélateur : la portée du geste chorégraphique. Celui de Laura Scozzi dans Platée brillait par l’originalité, l’érotisme et l’audace ; Blanca Li dans Les Indes s’en tient à l’extrême élégance rarement habitée d’une nécessité intérieure, mis à part le tremblement de terre des Incas et certains instants des Fleurs. Accuser le côté patchwork de l’ouvrage reviendrait à le calomnier : la structure des Indes Galantes est l’une des plus cohérentes qui soient, synthétisant d’une entrée à l’autre avec un étonnant mélange de sincérité et d’ironie quatre langages cardinaux du dix-huitième siècle français : mélodrame sentimental, tragédie, comédie féérique et idylle pastorale. C’est à juste titre que Serban insiste sur les effets de symétrie dramatique qui assurent la continuité entre chaque tableau. Il n’en échoue pas moins à dégager la spécificité stylistique des deux premiers, après un Prologue plus soucieux d’actualiser le livre d’images hérité de Maurice Lehmann (clin d’oeil par ailleurs fort savoureux) que de mettre en perspective les codes de l’opéra-ballet à l’usage du spectateur contemporain. Mais la production de Marina Draghici est ravissante, et l’humour bon chic bon genre du spectacle soutient d’un bout à l’autre l’attention. Idem pour l’orchestre, quelques décalages entre fosse et plateau ou incertitudes parmi les cuivres constituant le lot des soirs de première. Les conceptions globales de Christie ne semblent pas avoir profondément changées depuis le spectacle aixois, où la folie communicative d’Arias lui inspirait peut-être davantage d’accents et de couleurs. Ici le phrasé des grandes plages instrumentales évolue vers un legato de plus en plus généralisé et un peu trop discrètement rythmé, avec de franches carences de souffle et d’élan pour la chaconne finale. Cependant, quels délicats jeux de timbre et de dynamique au sein des cordes, quelle aérienne finesse des ornements, quelle tendre malice du continuo (la sève dont Emmanuelle Haïm irrigue ses longs récitatifs dans les Fleurs laisse béat d’admiration) ! Le drame est décidément corseté (les Incas, encore), mais le sourire irrésistible (Les Sauvages, toujours).

Le plateau est légèrement supérieur en termes strictement vocaux à celui d’Aix, immortalisé par le disque (Harmonia Mundi 901 367.69), et retrouve souvent une égale bonne humeur. On peut préférer Fouchécourt à Agnew, et on ne saurait lui comparer le malheureux Paton ; Yann Beuron, avec ses merveilleux moyens, expose ce soir un phrasé un peu plus haché que dans Platée et ne fait pas tout à fait oublier Howard Crook. Rivenq retrouve son irrésistible Adario, Naouri est un truculent Alvar et un Huascar inoubliable, compensant la faiblesse naturelle du grave par son exceptionnelle dignité scénique et musicale et un profond investissement dramatique. Côté filles, et sans doute par opposition à Aix, on a joué la carte du luxe. Stars annoncées de la soirée, Natalie Dessay et Heidi Grant Murphy tardent un peu à trouver leur régime - pour l’une comme pour l’autre, la peinture ramiste est encore fraîche, ou seulement à sa deuxième couche. Grant Murphy aborde Emilie d’une voix un peu serrée, avant de délivrer une exquise Zaïre. Dessay peine dans une tessiture trop grave et paraît ce soir moins sûre de son suraigu qu’à l’accoutumée ; confrontée à des chausse-trappes rythmiques nouveaux pour elle, elle se prend un petit peu les pieds dans le tapis du récitatif d’Hébé. Mais sa Fatime est d’une exquise musicalité (l’air " Papillon inconstant " est un pur moment de grâce), et sa Zima possède le mélange d’impertinence, de chic et de chien qui nous la rendent si précieuse. C’est néanmoins Malin Hartelius, formidable Blonde dans L’Enlèvement à Salzbourg qui restera comme la révélation de la soirée. Sûreté de l’assise vocale, timbre charnu, phrasé épanoui et diction irréprochable : tout est dans sa Phani, et il faut guetter ses apparitions dans les autres tableaux au fil des soirées à venir. Soirées auxquelles on ne manquera de toute façon pas de prêter attention, puisque si l’entier génie de Rameau ne s’y concentre point, il en demeure assez, accompagné d’assez de plaisir, pour faire son miel trois semaines durant.

Vincent Agrech
***
Deuxième distribution :

Malin Galante

Paris
Opéra National de Paris – Garnier
17, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 27, 28, 29 septembre, 1er, 2, 4, 5 octobre 1999
Jean-Philippe Rameau : Les Indes Galantes
Malin Hartelius (Hébé, Phani, Fatime), Heidy Grant Murphy (Emilie, Zaïre), Natalie Dessay (Zima), Gaëlle Méchaly (Amour), Nathan Berg (Osman, Ali), Yann Beuron (Valère, Damon), Laurent Naouri (Huascar, Alvar), Nicolas Cavallier (Bellone), Iain Paton (Carlo), Paul Agnew (Tacmas), Nicolas Rivenq (Adario)
Andrei Serban (mise en scène), Blanca Li (chorégraphie), Marina Drahici (décors et costumes), Robert Wierzel (lumières)
Orchestre et Choeur des Arts Florissants, William Christie (direction)

Quel bonheur de voir ainsi se réaliser ce que laissait pressentir la Première ! Malin Hartelius, ajoutant à Phani Hébé et Fatime, nous offre d'extraordinaires moments de chant ramélien, synthèse idéale d'une voix riche et d'un style irréprochable. Dès le Prologue, on est saisi par la variété des nuances et du timbre, parfaitement épanoui dans cette tessiture, la fluidité d'une phrase où les ornements s'intègrent avec un remarquable naturel et une confondante sûreté rythmique, l'éloquence de la diction, à peine teintée d'un léger accent. Face au Huascar toujours noble et émouvant de Naouri - et malgré le chef et la mise en scène particulièrement peu inspirés - elle combine dans Les Incas instinct dramatique et sensualité. Et si Les Fleurs exposent les limites de l'aigu, on goûte la saveur sombrée de son travesti, et les irrésistibles contrastes dynamiques de "Papillon inconstant". On espère vivement des Mozart sur cette même scène - et pourquoi pas des Haendel ?

Sans transcender ses limites initiales - la grâce extrême n'échappant pas toujours à la fadeur -, la production paraît évidemment mieux rôdée au terme de cette série de représentations. Le jeu de scène est plus vivant, plus investi (Serban aurait-il fait retravailler ses troupes ?) ; Gaëlle Méchaly a gagné en aisance, Beuron phrase avec davantage de souplesse (bien que quelques accidents suggèrent une forme vocale un peu inférieure à ses formidables standards), Agnew s'affirme désormais comme un Tacmas parfait, voix mixte soignée et fausset irrésistiblement drôle, Dessay reste merveilleuse de charme, de musicalité et d'intelligence même si la tessiture et le style lui demeurent assez étrangers. Leurs décalages maintenant rangés au placard, les Arts Flos nous régalent d'un festival de couleurs émaillé de performances solistes mémorables (Marie-Ange Petit se lâche complètement dans son numéro "Tambours du Potomac" plébiscité par le public). Christie soigne toujours les courbes, trouve mille détails de phrasé admirables, et ose une dynamique plus contrastée, une rythmique plus nette ; l'élan véritable, l'âpreté de l'articulation dès que le tempo accélère lui font toujours défaut, surtout dans Les Incas et le final. Au rideau, "Bill" au bras de Natalie Dessay entraîne toute sa troupe dans une Danse des Sauvages endiablée. Cela n'excuse pas le manque de passion et de folie, mais achève de rendre ce spectacle terriblement sympathique.

Des photos sur ConcertoNet.TV


Vincent Agrech

 

 

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