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Fredda Scozia

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/14/2007 -  et 16, 18, 20, 22 (Paris), 27 (London), 29 (Madrid) mars 2007
Georg Friedrich Haendel : Ariodante, HWV 33

Angelika Kirchschlager (Ariodante), Vivica Genaux (Polinesso), Danielle De Niese (Ginevra), Jaël Azzaretti (Dalinda), Topi Lehtipuu (Lurcanio), Olivier Lallouette (Il Re), Nicolas Maire (Odoardo)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Luc Terrieux (chef de chœur), Les Talens lyriques, Christophe Rousset (direction musicale)
Lukas Hemleb (mise en scène et décors), Marc Audibet (costumes), Andrew George (chorégraphie), Dominique Bruguière (lumières)


Toujours fidèle à Haendel, le Théâtre des Champs-Elysées propose actuellement cinq représentations d’Ariodante (1734), une nouvelle production réalisée avec le Theater An der Wien. Ce dramma per musica en trois actes rappelle, selon les générations, des souvenirs marquants, qu’il s’agisse de Janet Baker (Philips) ou du spectacle de Pizzi et Malgoire, en 1985, déjà avenue Montaigne, puis de l’enregistrement d’Anne Sofie von Otter et Marc Minkowski (Archiv), le chef français ayant toutefois été moins heureux au Palais Garnier dans son travail avec Jorge Lavelli (voir ici).


Pour tenter de tenir tête à ce passé glorieux, à défaut de le faire oublier, la première condition est de réunir un plateau vocal d’exception et, de ce point de vue, le défi a été en grande partie relevé. Par son aisance sur l’ensemble de sa tessiture, notamment la rondeur de ses graves, par son raffinement et par la quasi-perfection de sa technique, Angelika Kirchschlager ne déçoit pas en Ariodante, mais ne parvient pas toujours à émouvoir: si elle montre davantage d’implication dans «Cieca notte», son «Scherza, infida», certes magnifiquement travaillé, demeure en revanche sur la réserve.


Polinesso constitue, pour Vivica Genaux, une prise de rôle – lors de son récent récital parisien, elle avait précisément encore chanté «Scherza, infida» (voir ici): ici non plus, il serait excessif de parler de déception, tant sa prestation se révèle impeccable, ne serait-ce un manque de projection, mais on attendait sans doute de son timbre si particulier une incarnation plus forte de son personnage.


Face à ces deux chanteuses quelque peu en retrait, les «outsiders» font mieux que de tenir leur place. C’est d’abord le cas de Danielle De Niese, qui, dans un rôle pourtant moins propice (Ginevra), y déploie un fort tempérament mais aussi musicalité et puissance, quitte à livrer des aigus inégaux, tantôt pâles, tantôt criés. Nonobstant une sonorité un peu moins typée et un bas médium irrégulier, Jaël Azzaretti impose une présence scénique et une qualité de chant qui rendent justice à la fraîcheur et à la naïveté de Dalinda. Chez les hommes, Topi Lehtipuu l’emporte sans coup férir, mais pas par défaut, car le grain de sa voix, son art du chant, son sens du texte et son souci de la couleur suffiraient à convaincre en Lurcanio. Dès lors, le Roi d’Olivier Lallouette, léger et peu assuré, d’une intonation imprécise, ne peut faire illusion.


Etrange Ariodante, en vérité, dont les figures saillantes ne sont pas celles dont la densité psychologique ou l’autorité devraient prendre le dessus (le rôle-titre, Polinesso, le Roi), mais plutôt la «candide» Ginevra, la faible Dalinda et le falot Lurcanio. Christophe Rousset, qui se joint parfois lui-même au continuo sur un second clavecin placé devant lui, dirige son ensemble Les Talens lyriques: assez fourni (vingt-cinq cordes), l’orchestre sonne bien, même les cors naturels, mais le chef tend à brider l’animation, retenant ses troupes, ralentissant le propos et étirant les silences. En ce sens, il rejoint les intentions de Lukas Hemleb, qui analyse Haendel comme un art de la «sublimation qui passe par la retenue, par la lenteur, […] dilate le temps».


S’il se veut sans doute bien plus respectueux de l’esprit que mainte transposition chronologique et géographique plus ou moins inspirée dont ce répertoire a fait l’objet durant les deux dernières décennies, le travail du metteur en scène allemand, mettant en valeur les symboles et l’ascèse d’une initiation, n’est probablement pas étranger à la gêne que certains chanteurs semblent éprouver à investir pleinement leur rôle. Sa direction d’acteurs, compte tenu de la difficulté de l’exercice consistant à donner vie à une succession d’airs, n’est pourtant pas en cause. En revanche, son décor unique suscite délibérément un sentiment de froideur et d’enfermement, offrant l’indispensable plan incliné mais bien peu de perspectives, évoluant au gré du déplacement de hauts panneaux blancs tournants ou coulissants, que seules de hautes fenêtres ogivales ou une unique ouverture, bien plus haute que large, viennent percer.


S’il renonce légitimement à décrire ces improbables «riante vallée», «champ de ruines antiques» et autres «jardins royaux» suggérés par le livret pour se limiter à une forteresse miniature, c’est pour mieux suggérer des paysages intérieurs désespérément durs et clos, où l’individu se retrouve face à lui-même, dans un univers circulaire construit à l’image de l’aria da capo. Afin de nuancer ce parti pris imperturbablement tenu durant trois heures un quart, une fonction essentielle échoit donc aux lumières de Dominique Bruguière, déclinant à l’infini cette blancheur que ne viennent pas ternir les costumes de Marc Audibet, longs voiles clairs assortis, pour chacun, d’un attribut distinctif (cuirasse, uniforme, …).


Cantonnant les quinze choristes dans la fosse, Hemleb laisse le champ libre à la chorégraphie d’Andrew George, entre allégorie baroque et dérision contemporaine, apportant ainsi le seul élément de décalage, de distance, d’humour, d’impertinence, de coquinerie et de taquinerie, au risque de mettre en cause la cohérence de la vision globale. Si la virtuosité des huit danseurs peut difficilement être contestée, comme dans la danse finale du premier acte, l’équipe artistique n’en reçoit pas moins quelques huées au moment des saluts.


Le site des Talens lyriques
Le site de Christophe Rousset
Le site de Jaël Azzaretti




Simon Corley

 

 

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