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Amsterdam-Paris via Riga

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/13/2007 -  
Hector Berlioz : Le Carnaval romain, opus 9, H. 95
Luciano Berio : Folk songs
Antonin Dvorak : Symphonie n° 9 «Du nouveau monde», opus 95, B. 178

Elina Garanca (mezzo)
Koninklijk Concertgebouworkest, Mariss Jansons (direction)


Depuis dix ans, la venue à Paris de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam a connu des hauts et des bas: d’abord une riche période, depuis une intégrale Schubert dirigée par Nikolaus Harnoncourt fin 1997 jusqu’à un doublé en mars et avril 2002, avec Riccardo Chailly puis Mariss Jansons, qui étaient alors les directeurs musicaux en exercice et désigné de la prestigieuse formation; et puis plus rien – une anomalie inexplicable s’agissant de cités séparées par seulement quatre heures de TGV, même s’il est vrai que Chailly considérait que la capitale ne comptait aucune salle digne de ce nom.


Mais la présente saison semble enfin renouer avec les fastes d’antan, puisque la phalange néerlandaise s’y rendra à deux reprises. On comprend donc sans peine que l’affluence des grands jours ait salué, au Théâtre des Champs-Elysées, la première de ces deux visites, entre Londres puis Bruxelles, d’une part, et Barcelone, Turin puis Vienne, d’autre part, dans le cadre d’une tournée que l’orchestre effectue du 10 au 18 février sous la baguette de Jansons, qui en est le chef-dirigent depuis septembre 2004.


Si les autres étapes de ce périple proposent davantage de musique française (Debussy, Ravel), le concert n’en débutait pas moins par Le Carnaval romain (1844) de Berlioz. Dans son excellente note de programme, Rémy Louis rappelle ce mot de Bernard Haitink: «Le meilleur du Concertgebouw, c’est sa salle». De la part de celui qui en fut le patron entre 1961 et 1988, une telle formule, si elle avait le mérite de souligner l’acoustique légendaire du bâtiment amstellodamois, comprenait évidemment avant tout une bonne dose d’humour aussi bien que de modestie. C’est ce qui ressort d’emblée avec éclat, tant l’auditeur ne peut qu’être frappé par les qualités d’ensemble (cohésion, précision, netteté de la polyphonie) et par celles des différents pupitres (cor anglais sûr et puissant, bassons ayant interverti leur place avec celle des clarinettes pour mieux se fondre avec les cors, aigus cristallins des violons, homogénéité des altos et des violoncelles). Mais ce luxe sonore sert une lecture plus énergique, cinglante et martiale que joyeuse.


Née (en 1976) à Riga comme Jansons, Elina Garanca a choisi, plutôt que les habituels Nuits d’été ou Shéhérazade, les Folk songs (1964/1973), l’une des partitions inspirées à Berio par son épouse Cathy Berberian: cette dédicace explique la présence de l’Arménie et des Etats-Unis parmi les pays d’origine des onze chansons de ce recueil, aux côtés, bien entendu, de l’Italie –deux d’entre elles étant en réalité des mélodies écrites par Berio et non des airs populaires – mais aussi de la France, dont deux chants d’Auvergne que Canteloube avait lui-même précédemment adaptés. Allant au-delà de la base tonale de ces chants traditionnels, le travail de Berio n’a évidemment pas grand-chose à voir avec l’esthétique de Canteloube, encore qu’il s’illustre par la même finesse, avec un effectif réduit, à l’instrumentation subtile et recherchée, qui commente plus qu’il n’accompagne, variant en outre d’un couplet à l’autre. La voix de la mezzo lettone se déploie avec autorité sur l’ensemble de la tessiture, la projection est satisfaisante, le timbre est agréable: malgré une diction parfois contestable et une approche plus soignée que savoureuse, le public est conquis, obtenant qu’elle reprenne le dernier numéro, une bien dynamique et brillante Chanson d’amour azérie.


Au cours de son circuit européen, c’est seulement à Paris que le Concertgebouw joue la Neuvième symphonie «Du nouveau monde» (1893) de Dvorak, qu’il a enregistrée voici deux ans sous sa propre étiquette (RCO live) avec Jansons. L’œuvre, qui sera donnée à trois reprises au cours du premier semestre à Paris, demeure visiblement un cheval de bataille prisé des orchestres souhaitant faire apprécier l’étendue de leurs moyens, à l’image de celui du Capitole de Toulouse (voir ici).


Magistral, ce que l’on a pu entendre l’est tant du point de la direction que de la prestation instrumentale. Avec une intensité rare dans sa façon de faire corps avec les musiciens, rappelant Barenboïm et sa Staatskapelle de Berlin dans Mahler à l’automne à dernier, Jansons dispose d’un outil qu’il semble pouvoir manier à sa guise. Et cet outil se révèle à chaque instant d’une splendeur époustouflante: cohésion des cordes tant dans la force (début du Final) que dans le fondu des attaques, cor anglais toujours aussi impeccable (Largo), magnificence des cuivres (choral introductif du Largo), le raffinement allant même jusqu’à se nicher dans le scintillement de l’unique coup de cymbale suspendue du Final. Dans ces conditions, le bref passage à vide du hautbois solo Alexeï Ogrintchouk dans le Poco più mosso du deuxième mouvement, pour sidérant qu’il apparaisse au milieu d’une telle perfection, est rapidement oublié.


L’interprétation proprement dite n’encourt certes pas le reproche d’aborder de manière routinière ce pilier du répertoire, Jansons donnant l’impression de vouloir en éclairer chacune des moindres facettes, tout en tenant fermement la construction d’ensemble. Rhapsodique, épique, spectaculaire, animée par une dramatisation et une tension impressionnantes (omission de la reprise du premier mouvement, violence de la première section du Scherzo, accentuation du caractère rustique du Trio), cette vision d’un esprit plus russe que tchèque a en même temps tendance à verser dans la sophistication, voire dans un certain maniérisme, dont témoignent un rubato incessant ou, plus ponctuellement, ce curieux phrasé de la mélodie descendante des premiers violons à la fin du Largo. Ce côté too much traduit cependant un indéniable sens théâtral et peut-être ainsi la frustration d’un chef qui dit vouloir diriger davantage d’opéras, un domaine dans lequel il excelle d’ailleurs, comme l’a montré la récente production de Lady Macbeth de Chostakovitch au Nederlandse Opera (voir ici).


Vous avez dit «vérisme»? La rupture n’est dès lors pas bien grande avec l’Intermezzo de Cavalleria rusticana (1890) de Mascagni, premier des deux bis qui viennent compléter ce programme un peu court. La conclusion se fait sur la septième des huit Danses slaves de l’opus 72 (1886/1887) de Dvorak, le Kolo serbe, virtuose mais raide et tapageur. Les spectateurs, qui réservent un accueil triomphal au chef et à l’orchestre, pourront retrouver le premier, toujours au Théâtre des Champs-Elysées, le 17 juin à la tête de «son» autre orchestre, celui de la Radio bavaroise, et le second sous la direction d’Ingo Metzmacher le 31 mai à la Cité de la musique.


Le site de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam
Le site d’Elina Garanca



Simon Corley

 

 

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