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Büsser roule carrosse à Favart

Paris
Opéra-Comique
02/12/2007 -  
Henri Büsser : Concertino pour contrebasse – Le Carrosse du Saint-Sacrement
Claude Debussy : Petite suite (orchestration Büsser)

Bernard Cazauran (contrebasse), Stéphanie Loris (Camille Périchole), Michel Trempont (Le Vice-roi), Thomas Morris (Martinez, Le licencié), Jérôme Varnier (L’évêque de Lima), Maxime Cohen (Balthasar)
Orchestre OstinatO, Olivier Holt (direction)


Alors que les représentations de La Périchole d’Offenbach battent leur plein (voir ici), l’Opéra-Comique accueillait une initiative intéressante, consistant à faire entendre une autre œuvre fondée sur Le Carrosse du Saint-Sacrement (1829): plus fidèle à la pièce Mérimée que ne l’est l’opéra bouffe de Meilhac et Halévy, la «comédie lyrique» éponyme d’Henri Büsser avait précisément été créée Salle Favart le 2 juin 1948. Et comme la partition ne dure qu’un peu de plus de cinquante minutes, les programmateurs ont eu une autre excellente idée: compléter ce concert afin de permettre de mieux cerner une personnalité que l’on ne connaît à vrai dire, dans le meilleur des cas, que pour son extraordinaire longévité (1872-1973) et pour son orchestration de la Petite suite de Debussy. Une idée qui a toutefois pris du plomb dans l’aile, car les orchestrations de La Puerta del vino et de La Soirée dans Grenade ainsi que les deux Mélodies initialement inscrites au programme n’ont hélas pas été jouées.


Elève de Franck, Widor, Guiraud et Gounod, Büsser, par la multiplicité de ses talents et de ses activités (compositeur, organiste, chef d’orchestre, enseignant – parmi ses élèves, Dutilleux et Landowski), a effectué la parfaite carrière du musicien français de la première moitié du siècle passé: successeur de Gounod aux orgues de Saint-Cloud (1892), Premier grand prix de Rome (1893), chef à l’Opéra-Comique (1902-1905) puis à l’Opéra (1905-1938), professeur au Conservatoire (1904-1948), membre de l’Institut (1938), président de l’Académie des beaux-arts (1947 et 1956), directeur de l’Opéra-Comique (1939-1941) puis de l’Opéra (1949-1952).


Son Concertino pour contrebasse, qui existe également pour basson, n’a pas plus d’ambition que ce que laisse attendre son titre, y compris par sa brièveté (cinq minutes), qui l’apparente d’ailleurs davantage à un Konzertstück. L’excellent Bernard Cazauran, supersoliste à l’Orchestre de Paris, met en valeur un discours étonnamment chantant, mais le timbre de son instrument peine parfois à s’imposer face à un orchestre essentiellement composé de bois et dont les cordes sont réduites… aux contrebasses.


Büsser fut l’un des proches de Debussy: chef des chœurs lors de la création de Pelléas et Mélisande, il succéda à André Messager à la tête de l’orchestre dès la troisième représentation. Il réalisa en outre l’orchestration de certaines de ses pièces: hormis les deux susmentionnées – de véritables inédits qu’il aurait donc été intéressant de pouvoir découvrir –, deux autres sont restées plus célèbres: celle de Printemps (1913) et, surtout, en 1907, celle de la Petite suite (1889), un travail dont la finesse s’est imposée sans peine aux côtés de la version originale pour piano à quatre mains. Après un changement de plateau au moins aussi long que la durée du Concertino, Olivier Holt en donne une lecture bien trop lente dans les trois premiers morceaux et, même si le Ballet final manque encore de légèreté, la conclusion s’avère plus satisfaisante.


Un peu engoncé dans les éléments de décor de La Périchole qui n’ont pu être démontés pour cette soirée, l’Orchestre OstinatO demeure certes perfectible, tant en termes de mise en place que de justesse ou de sonorité. Cela étant, non seulement il s’agit d’un «orchestre-atelier» destiné à offrir aux jeunes musiciens la possibilité d’un apprentissage du travail d’orchestre, mais il comble ici de façon fort opportune les lacunes de bon nombre d’autres formations symphoniques parisiennes, qui ne veulent ou ne peuvent faire vivre les répertoires oubliés.


La reconnaissance que l’on doit donc à l’Orchestre OstinatO est d’autant plus vive que l’audition du Carrosse du Saint-Sacrement se révèle captivante. Après Colomba (1921) et avant La Vénus d’Ille (1964), Büsser semble trouver en Mérimée, dont il a lui-même tiré le livret, une inspiration spécialement stimulante, tant la musique se déroule avec fluidité, sans le moindre temps mort, faisant preuve d’un remarquable métier et d’une belle maîtrise de la dynamique théâtrale, mais aussi d’un indéniable sens de l’humour, à l’image de ces citations de Carmen qui apparaissent furtivement lorsqu’il est question d’un torero. Par son format (un seul acte, cinq chanteurs, un unique rôle féminin) comme par son esprit (une «espagnolade» féministe transposée en Amérique du Sud), ce Carrosse évoque L’Heure espagnole de Ravel, même si, bien qu’écrit près de quarante ans plus tard, son langage paraît moins aventureux, pour ne pas dire «anachronique» en cette année 1948 qui vit par ailleurs la naissance de la Turangalîla-Symphonie de Messiaen ou de la Deuxième sonate pour piano de Boulez.


Autour du Vice-roi du Pérou, de son fauteuil, de son repose-pied, de sa table et de sa boîte à cigares, quelques jeux de scène viennent donner l’illusion d’une action qui présente, pour une version de concert, l’immense avantage de se dérouler en un lieu unique et clos. Toute la distribution s’attache à une diction impeccable, effort malheureusement trop rare pour qu’on n’ait pas plaisir à le saluer. Elle est dominée par la magnifique Périchole de Stéphanie Loris: son abattage, la qualité de son timbre, la précision de ses aigus et la souplesse de ses phrasés confirment l’impression déjà très positive d’un programme Offenbach voici deux ans (voir ici). Entre deux représentations de Monsieur Choufleuri à Bruxelles (voir ici), Michel Trempont, partition sous les yeux, a parfois le souffle court et peine à timbrer ses notes, mais il incarne de façon convaincante son personnage de Vice-roi, entre colère et faiblesse, un rôle au demeurant particulièrement exigeant, puisqu’il ne quitte jamais la scène. Thomas Morris, plus à l’aise en Martinez qu’en Licencié, possède – affaire de goût – un timbre que certains pourront trouver difficile.


L’Orchestre OstinatO, cette fois-ci sous la direction de son fondateur, Jean-Luc Tingaud, retrouvera la Salle Favart dès le 12 avril, où il s’attaquera à un autre trésor de l’opéra comique français, en associant aux Mammelles de Tirésias de Poulenc l’Angélique d’Ibert: une occasion à ne laisser passer sous aucun prétexte!


Le site de l’Orchestre-atelier OstinatO



Simon Corley

 

 

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