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Reçu quatre sur cinq

Paris
Opéra Bastille
09/21/1998 -  
Giuseppe Verdi : Don Carlo
Samuel Ramey (Filippo II), Neil Schicoff (Don Carlo), Vladimir Chernov (Rodrigo), Kristinn Sigmundsson (Il Grande Inquisitore), Carol Vaness (Elisabetta di Valois), Dolora Zajick (La Principessa Eboli), Isabelle Cals (Tebaldo), Henriette Bonde-Hansen (Una voce dal cielo), Hugh Smith (Il Conte di Lerma), Franz Hawlata (un frate)
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris, James Conlon (direction)
Graham Vick (mise en scène)

Don Carlo donc, et non pas Don Carlos. La version italienne plutôt que la version française. Un "s" en moins qui signifie la perte du premier acte, dit "de Fontainebleau", narrant la rencontre de l'héritier du trône d'Espagne, Don Carlos, et de sa - temporairement - promise, Elisabeth de Valois, la fille du roi de France. La perte, également, de la langue française pour cet opéra commandé par l'Opéra de Paris en 1867, au profit de la révision italienne réalisée dix-sept ans plus tard. Le directeur musical, James Conlon, justifie ce choix par des raisons pratiques (la difficulté à trouver une distribution de haut niveau en langue française) et musicales (l'italien lui paraît plus approprié). On ne s'empêchera pas néanmoins de trouver un charme particulier et plus direct, pour cause, à la version française. On s'autorisera même à penser que le côté un peu démonstratif et extérieur de la langue italienne dénote par rapport à la subtilité de la partition orchestrale (l'italien convient parfaitement à Aïda et Pelléas et Mélisande dans cette langue serait complètement risible ; laissons Mozart de côté, c'est un autre problème). Mais plus fondamentalement, qui défendra la version française si l'Opéra national de Paris ne le fait pas ? Et l'argument de la difficulté à la distribuer est quelque peu spécieux puisque l'une des missions de notre cher (très cher même) Opéra consiste à former des chanteurs français de haut niveau.

Mettons tout le monde d'accord avec une suggestion : une production "à géométrie variable" qui puisse s'adapter aux deux versions et permettre ainsi leur alternance lors des reprises. Mais on entend d'ici les cris d'orfraie des metteurs en scène, de Graham Vick en l'occurrence : "Comment ! Ce sont deux oeuvres différentes, bandes d'ignares, et notre travail ne se limite pas à un vague habillage mais est pensé dans ses moindres détails !". Sur le principe on veut bien, mais concrètement, ce qu'a réalisé le metteur en scène anglais (un grand cube avec deux grandes ouvertures latérales, un vaste panneau arrière coulissant et découvrant des toiles peintes, une ouverture sur la partie supérieure permettant aux projecteurs de dessiner des croix ou des rectangles sur le sol et un jeu d'acteur totalement conventionnel) pourrait fort bien convenir aux deux versions, ainsi d'ailleurs qu'à Aïda, Nabucco... Le dispositif est fonctionnel, la dramaturgie claire, mais on regrette le génie flamboyant dont a fait preuve Graham Vick dans Un Re in ascolto (1991, Bastille), King Arthur (Châtelet, 1995), ou Mahagonny (Bastille, 1995) et qui, depuis Parsifal (Bastille, 1997), semble plus terne et beaucoup moins imaginatif.

Mais discuter des mérites respectifs des versions françaises et italiennes ne doit pas occulter le principal, Don Carlo (avec ou sans "s") est un opéra magnifique, sombre et fascinant à la fois, dans lequel les destins des personnages s'entrecroisent jusqu'à les étouffer tous progressivement. L'Opéra de Paris, comme il en a pris l'excellente habitude, a réuni pour l'occasion une distribution de très haut niveau : Samuel Ramey incarne un Philippe II tourmenté dont la voix, sans aucun effet, nous touche simplement et directement, la voix lumineuse et limpide et de Carol Vaness est un ravissement pour l'oreille et traduit à merveille la fragilité de son personnage de reine exilée, Kristinn Sigmundsson fait un Inquisiteur terrifiant à souhait, Vladimir Chernov campe un Rodrigue convaincant même s'il peut manquer, par moment, de projection et Neil Shicoff, en Don Carlo, manque quelque peu de densité vocale et dramatique. Mais la révélation de cette production restera la mezzo Dolora Zajick qui, pour ses débuts à l'Opéra de Paris, a soulevé l'enthousiasme du public pour son incarnation de l'intrigante Princesse Eboli. Son timbre charnu et riche, sa voix puissante et parfaitement contrôlée restera dans les mémoires.

Le public a également réservé un triomphe à un James Conlon en état de grâce, donnant vie comme rarement à l'ample et sombre partition. Mention spéciale également (il aurait pu monter sur scène !) à Cyril Lacrouts dont le violoncelle souple, profond et chaleureux aura étreint notre coeur au début du troisième acte. On en aurait bien redemandé un acte de plus…


Philippe Herlin

 

 

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