About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le mot de la fin

Paris
Auditorium du Louvre
01/08/2007 -  
Ludwig van Beethoven : Sonate pour violon et piano n° 10, opus 96 (#) – Sonate pour piano n° 32, opus 111
Serge Taneïev : Quintette avec piano, opus 30

Dmitri Makhtin (#), Vadim Repin (violon), Michael Kugel (alto), Alexander Kniazev (violoncelle), Boris Berezovsky (piano)


L’Auditorium du Louvre présente jusqu’au 8 février une programmation interdisciplinaire intitulée «Le dernier œuvre», où la peinture (quatre conférences sur Rembrandt, le Titien, Poussin, Bacon et de Kooning ainsi qu’un accrochage du Département des arts graphiques) et la littérature (une lecture de Thésée de Gide par Jean-Pierre Cassel) seront associées à la musique. Comme souvent au Louvre, grâce à Christian Labrande, la vidéo permettra d’élargir le champ, notamment par l’évocation des ultimes Sonates de Schubert et Quatuors de Beethoven ainsi que par la diffusion de Falstaff de Verdi dirigé par Giulini à Covent Garden.


Cet ambitieux panorama débute par une série de sept concerts en seulement dix jours: autour de Boris Berezovsky, qui vient de fêter ses trente-huit ans, le Quatuor Ysaÿe, Brigitte Engerer, Martin Fröst, Itamar Golan et Akiko Suwanai aborderont successivement «Le quatuor à cordes, un genre pour les vieux jours», «Espoir et désespoir», «Le dernier Chopin», «A la mémoire d’un grand artiste», «Points de non-retour» et «Chemins vers l’au-delà». Sous le titre «Derniers opus», la soirée inaugurale était dédiée quant à elle à des œuvres de Beethoven et de Taneïev. Si elles ne sont pas réellement les ultima verba de ces deux compositeurs, elles ont cependant été choisies par référence aux caractéristiques du «style tardif» telles qu’analysées par Hermann Broch et placées en exergue de ces manifestations: l’artiste devenant visionnaire à l’approche de la mort, «il lui faut trouver un point au-delà».


Pari réussi pour les organisateurs, à en juger par cette première séance qui a fait salle comble, le public de l’Auditorium du Louvre confirmant ainsi qu’il demeure l’un des plus curieux et des plus connaisseurs de la capitale. Au demeurant, la difficulté et la rareté du programme étaient compensées par la perspective de retrouver Vadim Repin, un habitué des lieux, qui se sera toutefois fait désirer jusqu’en seconde partie, puisque c’est Dimitri Makhtin qui entre en scène pour interpréter la Dixième sonate (1812) de Beethoven. Le violoniste confère ici à la notion de «dernier œuvre» une signification apollinienne, voire distante, que lui autorise sa précision, son assurance et sa sonorité subtile. Mais dès l’Allegro moderato initial, trop allant, l’étincelle poétique fait souvent défaut, d’autant que l’entente n’est pas parfaite avec le jeu plus péremptoire de Berezovsky.


Comme cette Sonate, la Trente-deuxième sonate pour piano est également la dernière du genre chez Beethoven et s’achève sur une série de variations. Berezovsky n’est pas mis en difficulté, malgré quelques imprécisions, par les exigences techniques de la partition, mais il donne le sentiment de livrer un combat avec son tempérament exubérant, qui s’exprime dans le premier mouvement, victime de quelques embardées stylistiques, d’un excès de pédale et de nuances descendant rarement sous le mezzo forte. Si «dernier œuvre» il y a, ce n’est décidément pas un parcours zen, mais une lutte et un aboutissement, une narration à la manière de Mort et transfiguration: le second mouvement passe par des états fortement contrastés, depuis l’Arietta, énoncée comme un choral, jusqu’aux nuages cotonneux de la cinquième variation, en passant par l’étrangeté de la quatrième.


Taneïev avait cinquante-cinq ans lorsqu’il acheva son Quintette avec piano (1911), sa dernière œuvre d’envergure avant sa disparition en 1915. Même si c’est l’âge auquel Beethoven travaillait à ses derniers quatuors, peut-on pour autant parler de «style tardif»? Certes, comme chez Beethoven, c’est de «musique pure» qu’il s’agit indéniablement et un mouvement est entièrement dévolu à la variation (passacaille). Mais le compositeur russe ne fait preuve d’aucune audace formelle, respectant la coupe traditionnelle en quatre mouvements (contrairement à ce qu’indiquait la notice distribuée aux spectateurs, faisant visiblement une confusion avec son Premier quintette à cordes).


S’il est en sol mineur comme celui de Chostakovitch, le Quintette de Taneïev se tient davantage entre Brahms et Rachmaninov: de grande ampleur (trois quarts d’heure), il est dominé, pour ne par dire plombé, par un sombre mouvement initial (Allegro patetico précédé d’une introduction marquée Adagio mesto) de près de vingt minutes. Le Scherzo apporte une légèreté de textures et d’atmosphère bienvenue, avant la passacaille (Largo), sorte de marche lente et lancinante, et l’Allegro vivace final, qui se conclut dans un climat lyrique et optimiste.


Autour de Mikhaïl Pletnev, une prestigieuse équipe, comprenant Ilya Gringolts, Nobuko Imai et Lynn Harrell, a récemment remis cette partition au goût du jour dans un enregistrement paru chez Deutsche Grammophon, auquel Vadim Repin avait aussi participé. L’alignement inhabituel des pupitres de cordes face aux spectateurs suggère que chacun va se comporter en soliste: de fait, quelle que soit la fougue déployée par les musiciens réunis au Louvre, la juxtaposition de brillantes individualités, à l’exception d’un alto quelque peu en retrait, ne peut rivaliser avec l’homogénéité d’une formation constituée.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com