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Un Chevalier sans voix

Paris
Opéra Bastille
12/02/2006 -  et les 5, 10, 14, 21, 24, 27 & 30 décembre
Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59
Anne Schwanewilms (La Maréchale), Franz Hawlata (le Baron Ochs), Anke Vondung*/Vesselina Kasarova (Octavian), Olaf Bär (Faninal), Heidi Grant Murphy (Sophie), Michèle Lagrange (Marianne), Ales Briscein (Valzacchi), Helene Schneiderman (Annina), Tomislav Muzek (Un chanteur italien)
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Herbert Wernicke (mise en scène, décors et costumes), Werner Breitenfelder (lumières)


Après Les Troyens, Le Chevalier à la rose : c’est le deuxième hommage de Paris au regretté Herbert Wernicke, brutalement disparu en 2002, à qui Gerard Mortier, quand il dirigeait Salzbourg, avait commandé ces deux productions. Mais, à l’inverse des Troyens, ce Chevalier a déjà été présenté à l’Opéra Bastille – en 1997, en 1998 et en 2002. Est-ce l’absence du metteur en scène ? Force est de reconnaître que le spectacle a perdu maintenant de son impact. L’ensemble manque de rythme et tout y paraît convenu. Les miroirs, par exemple, ne créent plus de magie ; les effets comiques renouent avec une tradition un peu usée. Comme si, onze ans après la première salzbourgeoise, quelque chose s’était frelaté avec le temps. Impression de déjà vu aussi : on a multiplié les mises en scène où une société, à travers l’opéra, contemple son propre reflet.


Tout serait sans doute différent si l’on avait, pour défendre la production, des chanteurs adéquats rendant justice à la si caractéristique conversation en musique straussienne. Or aucun ne satisfait vraiment. Anne Schwanewilms, admirable soprano pourtant, si belle dans Les Stigmatisés de Schreker à Salzbourg l’an dernier, n’a pas une voix assez centrale pour la Maréchale, pour laquelle il faut un médium qui se projette parfaitement – ce n’est pas affaire de puissance : une des meilleures Maréchales de ces derniers temps, Felicity Lott, n’a rien d’une grande voix. On la dirait intimidée par le rôle, dans lequel elle n’entre pas, malgré de jolis moments, charmante, élégante, fort jolie à voir, mais sans aura, presque avec un côté Sophie. On ne reprochera pas à Anke Vondung, dont on avait aimé le Hänsel genevois (lire ici), son Octavian honnête mais prosaïque, qui attend le dernier acte pour se libérer un peu : remplaçant au pied levé Vesselina Kasarova défaillante, elle a sauvé la soirée. Quant à Heidi Grant Murphy, l’Opéra de Paris va-t-il, après sa Suzanne (lire ici) et son Adina (lire ici et ici), nous imposer encore longtemps son filet de voix réduit à une octave, qui fait de Sophie une soubrette ? Franz Hawlata ne se fait guère plus entendre qu’à Paris en 2002 ou qu’à Salzbourg en 2005, moins parce que la voix est usée que parce qu’elle s’apparente plus au baryton-basse – au hoher Bass, comme disent fort pertinemment les Allemands – qu’à la basse profonde nécessaire, ce qu’était Kurt Moll, le dernier grand Ochs. Cela n’est pas complètement compensé par une grande discipline vocale, un souci d’équilibre entre le dire et le chanter, un refus des effets faciles ou grossiers, autant de qualités qu’on retrouve chez le Faninal d’Olaf Bär. Les rôles secondaires sont bien distribués : si le Chanteur italien de Tomislav Muzek égosille un peu ses notes les plus aiguës, Michèle Lagrange, Ales Briscein et Helene Scheidermann sont assez impayables.


C’est finalement dans la fosse qu’on peut goûter le mieux la musique du Chevalier. Philippe Jordan a visiblement suivi les conseils de Strauss : sa direction a une fluidité, une transparence, un élan aussi, dignes de Mozart ou de Mendelssohn. Plutôt que de faire exploser les masses, il dégage les lignes, les épure, notamment dans le début du troisième acte où l’on entend enfin tout malgré le tempo casse-cou imposé à l’orchestre. Peut-être néglige-t-il un peu, du coup, le côté viennois de l’œuvre. Il obtient en tout cas des musiciens de l’Opéra un éventail étonnant de nuances, jusqu’aux plus impalpables, très attentif, en authentique chef de théâtre, à aider ces voix dont on a dit le manque de projection, quitte à sembler parfois devoir se brider lui-même.



Didier van Moere

 

 

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