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La valeur n'attend pas le nombre des années

Paris
Salle Pleyel
11/24/2006 -  
Serge Rachmaninoff : Concerto pour piano n° 1, opus 1 – Aleko
Denis Matsuev (piano), Egils Silins (Aleko), Viacheslav Pochapski (le Vieux Tzigane), Maria Gavrilova (Zemfira), Andrei Dunayev (le Jeune Tzigane), Alexandra Durseneva (la Vieille Tzigane)
Orchestre Philharmonique et Chœur de Radio France, Vladimir Fedosseiev (direction)

Génialement doué, le jeune Rachmaninoff. A 18 ans, il termine son Premier Concerto, marqué par Grieg ; un an plus tard, il compose en moins d’un mois l’acte unique de l’opéra Aleko, d’après Les Tziganes de Pouchkine, pour le prix de composition du Conservatoire de Saint-Pétersbourg : le jury, médusé, le lui décerne à l’unanimité. Le Concerto sera révisé en 1917, mais gardera, au dire du compositeur, la fraîcheur de son inspiration première. En donnant les deux œuvres, le « Philhar’ » a proposé un programme cohérent comme on en entend malheureusement trop peu aujourd’hui. D’autant plus cohérent que, dans un cas comme dans l’autre, Rachmaninoff emprunte avec délice à la musique tzigane, tout en se souvenant, pour l’opéra, de Tchaikovski, des Cinq… ou des véristes italiens.
Denis Matsuev est un pur produit de l’école russe : toucher profond qui pétrit le clavier, qui fait jaillir de chaque note une gerbe d’harmoniques, qui, conjuguant la puissance et la souplesse, déploie une gamme quasi infinie de nuances. Une technique stupéfiante d’infaillibilité aussi, un côté athlète invaincu et invincible, avec, dans le premier mouvement, des fortissimos martelés peut-être plus dignes de Prokofiev que de Rachmaninoff. Mais il va heureusement au-delà, laissant vagabonder son imagination pour restituer toute la dimension rhapsodique de la musique, comme s’il improvisait, gardant de la hauteur et préservant ainsi le lyrisme de l’Andante de tout épanchement douteux, s’ébrouant et caracolant avec panache dans l’Allegro vivace final. En bis, deux Préludes de Rachmaninoff : le Cinquième de l’opus 23, tendu, puissamment rythmé, haut en couleur ; le Douzième de l’opus 32, volubile, d’une légèreté mendelssohnienne.
Attentif et efficace dans le Concerto, Vladimir Fedosseiev colle un peu à la terre et ne montre pas la même liberté que le pianiste. On l’entendra beaucoup plus inspiré dans Aleko, où l’on sent, malgré la version de concert, le chef de fosse qui a le sens du théâtre et dirige moins une succession de numéros qu’un drame allant implacablement, en une heure à peine, vers son dénouement. Rien ne lui échappe de l’œuvre, ni le pittoresque des Danses où resurgit le Borodine du Prince Igor, ni la sensualité de l’Intermezzo où passe l’ombre du Mascagni de Cavalleria rusticana. Les voix sont belles, très belles même, homogènes et disciplinées, très attentives à la qualité du phrasé : Aleko brûlant de jalousie désespérée du baryton Elgis Silins, Vieux Tzigane désabusé de la basse Viacheslav Pochapski, Jeune Tzigane avantageux mais jamais histrionique du ténor Andrei Dunayev, Zemfira ardente et révoltée de la soprano Maria Gavrilova, un beau spinto slave, capable de pianissimos murmurés dans l’aigu, manquant aussi parfois de projection dans le médium. Comme pour la Treizième Symphonie de Chostakovitch avec l’Orchestre national, Vladislaw Tchernouchenko a, par son remarquable travail avec les chœurs, n’a pas peu contribué à l’impression d’authenticité dégagée par cet Aleko.
On écouterait volontiers, par la même équipe, les deux autres opéras – en un acte également – de Rachmaninoff, Le Chevalier avare d’après Pouchkine et Francesca da Rimini d’après Dante. En attendant, Vladimir Fedosseiev donnera dans la saison deux autres concerts de musique russe, toujours avec le « Philhar’ », le 19 janvier et le 8 juin. Ce concert Rachmaninov n’est en effet que le premier d’une série de quatre, consacrés à «Rachmaninov, ses Concertos et ses compatriotes».



Didier van Moere

 

 

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