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Daniel et autres prophètes

Paris
Théâtre du Châtelet
10/25/2006 -  
Robert Schumann : Concerto pour piano, opus 54
Gustav Mahler : Symphonie n° 9

Radu Lupu (piano)
Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim (direction)


Pour la dernière de leurs trois soirées parisiennes consécutives, la Staatskapelle de Berlin et son directeur musical poursuivaient dans la même veine que les deux précédentes: un concerto pour piano du répertoire et une symphonie de Mahler, offrant encore une fois près de deux heures de musique aux spectateurs du Châtelet. Venant au lendemain de Lang Lang dans Beethoven (voir ici), on ne pouvait rêver, dans le Concerto (1845) de Schumann, antithèse (ou antidote?) plus radicale au ludion chinois que Radu Lupu.


Le pianiste roumain a en effet su donner, à qualité technique et à puissance égales, tout ce qui avait manqué la veille: la couleur, la profondeur, la poésie, la musicalité, le souci de se fondre avec l’orchestre, bref, une interprétation de l’œuvre, et pas une exhibition. Interprétation qui, diffusant un étrange parfum automnal, recherche des éclairages nouveaux dans ce concerto si célèbre et que l’on pourra donc discuter – pour sa lenteur, pour sa manière de déconstruire le texte, révélant notamment des voix secondaires insoupçonnées jusque là – mais bien à l’image d’une personnalité exigeante qu’il n’est pas toujours aisé de suivre sur les sentiers escarpés qui sont les siens.


Dirigeant par cœur, Barenboim dynamise un orchestre conquérant et contrasté, dont les musiciens prennent visiblement plaisir à dialoguer avec le soliste, qui choisit pour son bis L’Oiseau prophète, extrait des Scènes de la forêt (1849): du prophète, Lupu possède bien des traits, au-delà même de la barbe, et son oiseau imprévisible et énigmatique est magnifique de précision et d’ironie. Il ne faudra donc pas rater l’occasion de le retrouver le 17 avril prochain, toujours au Châtelet dans le cadre de Piano ****, pour un récital Schubert, Debussy et Brahms.


Mahler, dans sa Neuvième symphonie (1909), se fait en quelque sorte le prophète de sa propre extinction, celle que semble dépeindre une conclusion marquée ersterbend (morendo), dans laquelle Barenboim paraît repousser les limites du silence, concluant ainsi une lecture qui a pleinement rendu justice aux excès et la démesure mahlériennes. S’il aborde ce monument, une fois n’est pas coutume, partition sous les yeux, le chef israélien n’en est nullement prisonnier et défend une vision éloignée de toute standardisation. Analytique dans son attention au détail – à l’image du contrebasson, qu’il entend mieux mettre en valeur, dans le final, en le plaçant sur la gauche de la scène, entre la petite clarinette et la clarinette basse – il n’en perd pas pour autant de vue le caractère extrême, entier et contrasté, délivrant un message de vie et de mort, de beauté et de laideur, de noblesse et de grotesque.


Le discours évolue de façon sans doute plus ressentie que construite, mais intensément vécue et avec une inlassable énergie, une approche qui passe sans doute mieux dans cette Neuvième que la veille dans la Cinquième: la fraîcheur et l’allant de l’Andante comodo initial, la manière dont les mouvements centraux tournent à la danse macabre et l’ampleur quasi brucknérienne du final frappent d’autant plus que la façon dont, à nouveau, la Staatskapelle (et ses cuivres impeccables) fait corps avec Barenboim ne laisse pas de fasciner.



Simon Corley

 

 

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