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Un Tristan dépouillé

Bruxelles
La Monnaie
10/14/2006 -  et 17, 19, 22*, 25, 28 & 31 octobre 2006, 2 novembre 2006
Richard Wagner : Tristan et Isolde
John Keyes/Mark Lundberg (Tristan), Franz Hawlata (Roi Marke), Iréne Theorin/Kirsi Tiihonen (Isolde), Matthew Best (Kurwenal), Lilli Paasikivi (Brangäne), Andreas Scheibner (Melot), René Laryea (Le pilote), Donal Byrne (Un berger/Un jeune matelot)
Orchestre Symphonique et chœur d’hommes de la Monnaie, Piers Maxim (chef des chœurs), Kazushi Ono (direction musicale)
Yannis Kokkos (mise en scène, décors et costumes), Patrice Trottier (éclairages), Kurt d’Haeseleer (vidéo)


Avec cette nouvelle production de Tristan et Isolde, la Monnaie nous offre un spectacle réussi, tant du point de vue scénographique que musical.


Scénographiquement, d’abord. Dans le cadre de sa première collaboration avec la Monnaie, Yannis Kokkos signe un Tristan et Isolde dépouillé et abstrait, mais néanmoins cohérent et transparent. Certes, le scénographe ne propose pas une relecture révolutionnaire de l’œuvre. Sa mise en scène n’évite pas non plus ni le conventionnel (gestiques et attitudes convenues des personnages, dos des chanteurs tournés aux spectateurs), ni le déjà-vu (comme on pouvait s’y attendre, les amants sont étendus dans leur duo d’amour du deuxième acte), ni même les classiques petites incohérences (dans le dernier acte, Tristan, mourant, est encore capable de se dresser avec énergie…). Yannis Kokkos ne bouleverse pas non plus les repères. Les protagonistes évoluent dans un décor simple, mais beau, qui suggère plus qu’il ne montre (le navire au premier acte apparaît à peine, par exemple), et qui baigne, du début à la fin, dans une lumière nocturne (superbe éclairage de Patrice Trottier dévoilant pratiquement toutes les nuances de gris). Ainsi, bien que l’arrière-plan médiéval et les aspects romantiques de cette tragédie soient maintenus, les décors et les costumes, débarrassés de toute référence précise, ne permettent pas de rattacher ce Tristan à une époque déterminée, ce qui renforce l’universalité et l’atemporalité de l’œuvre. Mais en dépouillant et en épurant ainsi son Tristan, Yannis Kokkos va à l’essentiel, se focalise davantage sur l’évolution des états d’âme des personnages et développe un espace scénique où la musique prend toute la place qui lui est due. En cela, ce Tristan et Isolde est dramatiquement pertinent et efficace.


Musicalement, ensuite. Il n’est pas peu de dire qu’Iréne Theorin a le physique et la voix de l’Isolde idéale. Disposant d’une technique remarquable, la soprano suédoise est capable des plus fines nuances dans le grave et d’aigus très maîtrisés. Elle ne montre jamais de réels et embarrassants signes de faiblesse dans sa puissante, formidable (et très applaudie) incarnation d’un des rôles les plus écrasants du répertoire. Elle trouve en John Keyes un Tristan également idéal et convaincant, à la fois puissant et sensible. L’engagement dramatique exemplaire des autres chanteurs est également à souligner. Franz Hawlata réussit à rendre toute l’amertume du Roi Marke, avec une voix sombre et profonde. Malgré une projection un peu plus limitée que celle d’Iréne Theorin, Lilli Paasikivi compose avec beaucoup de nuance une Brangäne angélique, douce et poignante. Matthew Best interprète un Kurwenal plus qu’honorable et offre, dans son duo avec Tristan au troisième acte, un des plus beaux moments du spectacle. Le Melot d’Andreas Scheibner ne démérite pas non plus.


A la tête d’un Orchestre Symphonique de la Monnaie en pleine forme, Kazushi Ono a une fois de plus conquis le public. Sa direction théâtrale et analytique n’aura rien laissé au hasard : pâte sonore somptueuse et sensuelle, jeu d’ensemble ample, dense et homogène, capable des plus fines nuances comme des éclats les plus fracassants.


Chaleureusement applaudi, ce Tristan et Isolde est certainement est un des spectacles de la Monnaie les plus accomplis de ces dernières années.




Sébastien Foucart

 

 

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