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Rameau au zoo!

Paris
Châtelet
10/16/2006 -  et les 17*, 19, 20 et 22 octobre 2006.
Jean Philippe Rameau : Les Paladins
Stéphanie d’Oustrac (Argie), Topi Lehtipuu (Atis), Sandrine Piau (Nérine), Joao Fernandes (Orcan), François Piolino (Manto), René Schirrer (Anselme)
Dominique Hervieu (costumes), Philippe Berthomé (lumières), José Montalvo & Dominique Hervieu (mise en scène, chorégraphie, scénographie)
Danseurs du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val de Marne/Compagnie Montalvo-Hervieu, Les Arts Florissants, William Christie (direction)

Après avoir connu un immense succès lors de sa création en 2004 au Châtelet puis à l’étranger (lire ici), le spectacle Les Paladins revient le temps de quelques représentations à Paris avant de partir pour le Japon. Le triomphe est toujours au rendez-vous et la mise en scène pour le moins originale de José Montalvo et Dominique Hervieu ainsi que la direction attentive de William Christie contribuent à donner une image moderne de l’opéra baroque français, au risque de verser dans un certain mauvais goût.



Au risque de paraître “réactionnaire”, on ne peut pas adhérer totalement à la vision des metteurs en scène, et ce pour une raison de bon sens: l’histoire développée dans cet opéra n’est pas entièrement drôle (ce n’est pas Platée), les personnages souffrent même si l’issue est heureuse et c’est assez déroutant d’entendre une salle rire aux éclats parce qu’un métro est représenté en toile de fond et parce que de charmantes bêtes (flamants roses, lions…) envahissent cette même toile. Le décalage entre la musique de Rameau et ce qu’ils montrent sur scène est vraiment trop fondamental! Le troisième acte, en revanche, justifie un peu de féerie et de magie parce que la fée Manto use de ses pouvoirs pour transformer le château, etc. et l’ambiance est bien respectée. En revanche rien ne justifie le métro et les danseurs dénudés. Les metteurs en scène sont issus de l’univers de la danse et, en théorie, leur travail aurait pu être très passionnant car cet opéra est composé de très nombreux ballets: ils ont voulu mélanger tous les genres de danses et leur chorégraphie est donc hybride. Reste à apprécier si esthétiquement on peut accepter des danseurs revêtus de costumes tirés de la “mode” des banlieues… Quelques idées sont toutefois à retenir: au troisième acte, les percussionnistes viennent sur scène costumés et c’est très intéressant de mettre en lumière ces instruments au lieu de les laisser dans la fosse.


La distribution est assez convaincante. La prestation de Stéphanie d’Oustrac avait été fortement saluée en 2004 et elle renouvelle aujourd’hui son exploit. Elle campe une fine Argie, ni oie blanche, ni autoritaire et surtout la voix a pris de l’assurance, elle s’est corsée dans les aigus, ce qui lui permet de nuancer davantage. S’il ne fallait retenir qu’un moment, ce serait son air au troisième acte “Je vole…”, particulièrement poignant avec des graves nourris et soutenus et des aigus doux et harmonieux.
Topi Lehtipuu est brillant dans le rôle d’Atis mais sa voix n’est guère homogène: les aigus sont un peu courts et serrés. Il se rattrape dans les vocalises parfaitement exécutées. Il brosse le portrait d’un jeune homme plein de ressources pour approcher sa belle et il ne joue pas aux héros de tragédie lyrique un peu fade, grâce au jeu de scène chorégraphié et précis et à sa voix assez sombre et volontaire.
Sandrine Piau incarne la suivante d’Argie, Nérine, avec un certain aplomb. Elle semble s’amuser dans cette production car la voix, si elle manque toujours un peu de puissance, est libérée et agile. La fraîcheur du personnage est bien exprimée car la chanteuse trouve de jolies couleurs ensoleillées: elle se montre une soubrette attachante et sincère dans son hymne à l’amour. Les vocalises sont toujours nettes et précises et il est agréable de retrouver cette soprano dans ses premiers emplois, véritablement faits pour elle.
Joao Fernandes prend la suite de Laurent Naouri, qui avait illuminé de sa présence la création en 2004. Le jeune chanteur ne démérite absolument pas, bien au contraire, car il possède un instrument de très grande qualité et surtout il sait l’utiliser à des fins dramatiques: il sait se montrer méchant avec un rythme haché dans son duo avec Nérine “Tu ne me fuis pas”. De même, il devient terrifiant dans l’air accompagné au clavecin, qui n’est pas sans faire penser à Purcell, car il fait sonner ses graves. Il est également très à l’aise dans les passages chorégraphiés, dans la mesure où il parvient à ne pas présenter une caricature du personnage: il lui apporte une touche comique mais pas ridicule, une certaine naïveté.
René Schirrer ne possède pas une voix à proprement parler baroque, même s’il fait un effort pour se plier à la grammaire du XVIIIe siècle. Il incarne avec justesse un vieux sénateur qui n’a pas accès à l’amour et qui est ridiculisé et joué par les autres personnages. Son chant est plein de noblesse au début pour être plus roué par la suite, voire hypocrite (il souligne les “de vous plaire” dans la scène où il consent à renoncer à Argie). Le personnage se dévoile au cours de la représentation et le chanteur insiste sur cette évolution avec des notes plus percutantes, moins élégantes.
François Piolino est toujours aussi irrésistible en fée Manto, avec sa grande jupe de toutes les couleurs. Sa voix évolue car les graves sont plus fournis, les aigus un peu moins aériens et il se tourne de plus en plus vers une tessiture de ténor. Il est aussi bon acteur que bon chanteur car il agrémente sa déclaration d’amour à Anselme de gestes et d’oeillades suggestifs: il met en relief certains mots adressé au vieux sénateur comme “ta majesté” en exagérant les sons. Le phrasé est élégant et souvent, après avoir posé sa note, il l’alimente au fur et à mesure avec habileté.
Une remarque générale s’impose toutefois: il est assez difficile de suivre l’action dans la mesure où la majorité des chanteurs, pourtant français, articulent très mal et on ne comprend pas un traître mot de ce qu’ils se disent.


La direction de William Christie est carrée, presque sèche, sauf dans les ballets où il prend visiblement un immense plaisir à diriger cette musique. Dès l’ouverture il insuffle une vie à ses instrumentistes et la bonne humeur va régner pendant toute la représentation.



Le spectacle fonctionne et c’est finalement l’essentiel! Les réserves émises sur la mise en scène sont balayées par l’enthousiasme des spectateurs et par l’énergie des artistes. Il faut saluer l’audace de monter avec autant de succès une œuvre qui n’est pas, a priori, la meilleure de Jean-Philippe Rameau et se laisser porter par la musicalité et la sensibilité des exécutants.




A noter:
- Un DVD de cette production est publié chez TDK.


Manon Ardouin

 

 

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