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Contre-ténor égaré…

Paris
Châtelet
10/18/2006 -  
Lieder de Mozart, Schubert, Wolf, Quilter…
Bejun Mehta (contre-ténor), Kevin Murphy (piano)

Bejun Mehta est un contre-ténor qu’on ne présente plus à Paris tant il avait enflammé le public lors de la reprise de Jules César à Garnier en 2002 (lire ici). Il revient au Châtelet pour un récital consacré à des lieder de Mozart, Schubert, Wolf, etc… et se trouve bien loin de son répertoire de prédilection.



Le chanteur commence son récital avec cinq lieder de Mozart parmi les plus célèbres. Ils sont plus ou moins bien réussis mais c’est dans Die Verschweigung que Bejun Mehta se sent le plus à l’aise. Il peut agrémenter son chant de quelques vocalises, toujours aussi précises et nettes, et le nuancer comme dans le début de la dernière strophe “Wenn sie ein kühler” quand il utilise des notes plus sombres tout en soutenant un mezza-voce. Il distille les mots un par un dans “Und er ist jung…” et ne peut s’empêcher de donner un caractère malicieux aux différents “Ich will nichts weiter sagen”. An die Freude est bien rendu également puisqu’il lui apporte une touche solennelle, presque religieuse. Il laisse échapper quelques graves somptueux sur les fins de phrase.
Schubert va un petit peu mieux à la voix de Bejun Mehta, notamment Lied der Mignon qui demande une maîtrise parfaite du souffle et de belles sonorités sur les fins de phrase. Le chanteur parvient à rendre son chant expressif par des accents sur certains mots et par un contrôle parfait de son vibrato: il laisse mourir peu à peu ses notes sur la dernière phrase “Weiß was ich leide” grâce à une voix assez blanche et à un decrescendo. Heidenröslein lui convient aussi comme un gant, car le rythme piqué et vif lui évite de s’appesantir sur les notes et la résonance de sa voix donne une certaine classe à ce lied: il met en relief quelques mots (“Ich steche”, “Ich breche dich”) et s’amuse à jouer une églantine mutine et rouée. Der Tod und das Mädchen pouvait paraître au premier abord bien étonnant et après quelques mesures, l’interprétation de Bejun Mehta est des plus intéressantes. Il distingue très bien les deux personnages en commençant avec une Mädchen très jeune, très effrayée aussi avec les couleurs aiguës de sa voix. En revanche, il incarne la Mort avec des teintes sombres comme s’il s’agissait d’une vieille femme charmeuse et angoissante. Frühlingslaube et Der Musensohn mettent en valeur la beauté de sa voix mais ne sont pas tellement évocateurs.
Hugo Wolf est un compositeur qui demande des voix assez sombres et Bejun Mehta s’égare vraiment dans ce répertoire. C’est très beau, note à note, mais l’ensemble ne sert pas la musique. Le premier Lied chanté est Auch kleine Dinge et on ne peut que souligner le collier de perles de notes sur la phrase “bedenkt, wie gern wir uns…”. Il tente de rentrer en connivence avec le public en mettant en relief la dernière phrase “wie ihr wißt” avec un crescendo. Gebet lui convient beaucoup mieux, car ce lied se rapproche des œuvres qu'il chante habituellement et il peut ainsi lui donner une consistance presque religieuse, du moins solennelle.
La dernière partie du concert est dédiée à des compositeurs anglais de la première moitié du XXème siècle. Bejun Mehta se sent manifestement beaucoup plus à l’aise et sa technique vocale change: il ouvre davantage la bouche, ses notes sont plus puissantes et plus pleines, etc… Robert Quilter est à l’honneur avec, tout d’abord, It was a lover and his lass qui demande beaucoup de soleil dans la voix et une agilité qui ne manque pas au chanteur: les “a ding a ding” sont réjouissants et sonores. Dans Take, o take those lips away, Bejun Mehta traduit la demande du personnage et son désespoir avec une interprétation poignante: lui-même semble envahi par la musique.
Devant un public plus qu’enthousiaste, Bejun Mehta revient le temps de deux bis mais sans annoncer le nom des œuvres. Le premier est manifestement un air baroque et on retrouve, le temps de quelques minutes, le Bejun Mehta que l’on admire tant, celui qui sait ensorceler avec deux notes pures et des vocalises étourdissantes. Il chante ensuite un air en anglais a capella avec une très grande émotion.
Kevin Murphy, qui vient d’être nommé directeur des études musicales à l’opéra de Paris, est un accompagnateur soucieux de son chanteur. Reste à savoir s’il est vraiment un musicien…


Il est indéniable que Bejun Mehta semble très heureux de chanter cette musique et il y met tout son cœur et toutes ses qualités vocales et musicales, mais ce n’est qu’une succession de belles notes et il est difficile de vraiment y distinguer un projet dramatique: tout semble chanté un peu sur le même modèle. Il serait beaucoup plus à son avantage dans un récital de songs ou bien d’airs de cour. Mais cela n’enlève rien à l’immense talent de ce chanteur que l’on prend plaisir à retrouver dans des emplois plus dans ses “cordes”…




A noter:
- Bejun Mehta endossera les habits de Jules César (Haendel) à l’Opéra de Lille du 15 au 26 mai 2007, sous la direction d’Emmanuelle Haïm.


Manon Ardouin

 

 

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