About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Renaissance

Paris
Salle Pleyel
09/13/2006 -  et 14* septembre 2006
Gustav Mahler : Symphonie n° 2 «Résurrection»

Simona Saturova (soprano), Mihoko Fujimura (alto)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur), Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


Après quatre ans d’attente, le public a enfin pu découvrir le nouvel aménagement de la Salle Pleyel et reprendre possession d’un espace qui, depuis son ouverture en 1927, a toujours tenu un rôle essentiel dans la vie musicale de la capitale. D’une ampleur considérable, la rénovation a porté tant sur les aspects architecturaux (augmentation du volume de la salle, aménagement d’un foyer au deuxième étage, comprenant notamment un restaurant) que décoratifs: aux murs de bois clair et aux fauteuils bleus ont succédé respectivement le blanc et le rouge; dans le hall, le style Art déco a repris ses droits tandis que la mosaïque et la coupole ont été restituées; enfin, Marco Del Re a conçu des fresques originales pour le foyer.


L’acoustique, jusqu’alors très inégalement satisfaisante, a bien évidemment été une préoccupation constante, ce dont témoignent par exemple la suppression des rangées situées en fond de parterre sous le premier balcon ou la création de balcons latéraux («bergères») en vis-à-vis à chacun des deux niveaux supérieurs. Comme le souci d’améliorer le confort du spectateur n’a pas non plus été perdu de vue, la jauge a été réduite de près d’un cinquième, passant de 2370 à 1913 sièges, malgré l’adjonction, à l’image de nombreuses salles étrangères, d’un amphithéâtre de fond de scène disposant d’une capacité de 162 places et destiné, le cas échéant, à accueillir les chœurs.


De fait, s’il était impatient, voire anxieux, le mélomane parisien ne pourra qu’être rassuré et admirera la splendeur d’un bâtiment qui respire encore le frais et le neuf, mais surtout la réussite du remaniement des volumes, globalement accrus de 20 %. La sensation d’étouffement que l’on pouvait autrefois ressentir au second balcon a ainsi disparu et l’ensemble paraît de taille plus humaine, grâce à une longueur réduite à 44 mètres et à un plateau certes agrandi de moitié mais placé dans une position plus centrale. Un cadeau somptueux que l’on doit à la générosité d’un locataire de choix, à savoir l’Etat, qui versera à cette fin un loyer de 1,5 million d’euros par an jusqu’en 2054, date à laquelle il succédera, moyennant un euro symbolique, à son propriétaire actuel, la société IDSH d’Hubert Martigny.


Le succès semble d’autant plus certain qu’après deux journées «portes ouvertes» (les 16 et 17 septembre), la première saison, confiée à la Cité de la musique et à son directeur, Laurent Bayle, se caractérise par un calendrier aussi copieux qu’ambitieux et prometteur, associant aux ensembles français – à commencer par l’Orchestre de Paris et l’Orchestre philharmonique de Radio France, mais sans oublier les associations symphoniques (Colonne, Pasdeloup) ou l’Orchestre national d’Ile-de-France – de prestigieuses phalanges étrangères (Symphonique de Londres pour plusieurs programmes confiés à différents chefs, Philharmonie de Berlin, Gewandhaus de Leipzig, …), des vedettes en récital (Martha Argerich, Angela Gheorghiu, Ben Heppner, Gidon Kremer, Jessye Norman, Maxim Vengerov, …) mais aussi des spectacles de jazz (Keith Jarrett, Dizzy Gillespie All star big band), de variété (Alain Bashung, un hommage à Gainsbourg, …) ou de musiques du monde (flamenco, Corée, …).


A tout seigneur, tout honneur, l’inauguration ne pouvait qu’échoir à l’Orchestre de Paris, principale formation en résidence à Pleyel, retrouvant donc avec bonheur, après quatre saisons de purgatoire au Théâtre Mogador, une «maison» qui a été la sienne, y compris son siège administratif, durant près d’un quart de siècle.


Mahler, et plus précisément sa Cinquième symphonie, était déjà au cœur du dernier concert donné, le 13 octobre 2002, dans une Salle Pleyel déjà en sommeil depuis la fin de la précédente saison (voir ici). Et sa Deuxième symphonie «Résurrection» (1894) – déjà programmée dans cette même salle pour célébrer les vingt-cinq ans de l’Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici), autre formation en résidence rue du faubourg Saint-Honoré – s’imposait presque pour fêter hier et avant-hier soir avec une certaine solennité une réouverture aussi attendue. Au-delà d’un sous-titre de circonstance, elle fournissait en effet l’occasion de mobiliser à deux reprises l’ensemble des forces instrumentales et chorales de l’Orchestre de Paris, et ce dans un cadre enfin approprié, bien plus en tout cas que celui de la Basilique de Saint-Denis où elle était encore jouée tout récemment (voir ici).


Tempora mutantur. Par un fascinant retournement de l’histoire, Mahler est devenu un compositeur établi et sa Deuxième symphonie est conviée à des cérémonies quasi officielles, moins d’un siècle après une première parisienne (17 avril 1910) chahutée par l’élite culturelle de l’époque, au beau milieu de laquelle Dukas, Pierné et Debussy avaient ostensiblement quitté le Théâtre du Châtelet, ce dernier délivrant ensuite cette sentence aussi fameuse que sévère: «Le goût français n’admettra jamais ces géants pneumatiques à d’autre honneur que de servir de réclame à Bibendum.»


Marquées, pour les us et coutumes de l’orchestre, par une double révolution – l’abandon, pour les hommes, de la queue-de-pie, au profit d’une courte redingote sans col dessinée par la maison Jean-Louis Scherrer (les nouvelles tenues proposées aux femmes n’apparaîtront qu’en janvier prochain), et le parti pris consistant à saluer, cordes comprises, face à l’assistance – ces soirées inaugurales n’auront peut-être pas donné, du point de vue musical proprement dit, tout ce qu’on pouvait en espérer. Dirigeant de mémoire, Eschenbach, même s’il ne respecte pas l’intention expresse du compositeur, qui souhaitait une interruption d’au moins cinq minutes après le premier mouvement – mais qui pourrait sérieusement se l’autoriser? – structure néanmoins la symphonie en deux parties, enchaînant sans interruption les quatre derniers mouvements. Prenant son temps (quatre-vingt-onze minutes), il souligne les effets, usant et abusant de ralentis expressifs et de phrasés suspendus, au risque de trop en faire avec un texte pourtant déjà généreux en pathos.


D’une méticulosité sans doute aiguisée par un outil aussi superbe que l’Orchestre de Paris, il obtient des merveilles de couleurs et de sonorités, mais il est difficile de ne pas perdre le fil dans l’Allegro maestoso initial, la complaisance de l’Andante moderato tendant même à l’incohérence, même si le Scherzo, plus fantasque et instable de nature, souffre moins d’un tel traitement. Mihoko Fujimura, qui fut la Fricka puis la Waltraute non moins remarquée du Ring présenté la saison passée au Châtelet, confirme ensuite ses immenses qualités dans Urlicht avant que le long Final n’apporte une conclusion plus spectaculaire qu’habitée ou mystique.


Cela étant, cette vision en technicolor à la Stokowski aura permis de mettre en valeur les impressionnants progrès de l’acoustique. Car si rien n’est certes ni simple ni parfait en ce domaine, qui est également pour une bonne part affaire de goût, le résultat obtenu par Artec consultants relève du miracle: un son naturel et direct, d’une précision redoutable, mais, grâce à une légère réverbération, d’une présence excluant toute froideur excessivement analytique, assurant une belle fusion des pupitres et restituant avec une remarquable fidélité toutes les nuances dynamiques – depuis le pianissimo des harpes, au timbre précisément défini, jusqu’aux tutti les plus puissants produits par un effectif mahlérien (soixante-dix cordes, dix-neuf bois, dix-huit cuivres), à l’impact physique indéniable, mais jamais saturés et conservant une parfaite transparence – et tous les registres, avec des graves riches et sonores, d’une belle profondeur, où le contrebasson ronfle comme un tuyau d’orgue, et des aigus impeccablement respectés, telles ces délicates percussions métalliques dont le tintement s’élève avec une finesse réjouissante. De même, les voix, si souvent mal à l’aise face à l’orchestre du temps de l’ancienne salle, semblent désormais mieux servies, qu’il s’agisse des solistes – encore qu’il soit vraisemblablement trop tôt pour en juger de façon certaine, puisqu’elles étaient disposées, en l’espèce, au premier rang des choristes – ou du chœur, auquel la clarté et la transparence du lieu ne pardonneront pas davantage qu’à l’orchestre.


Nul doute que ceux qui ont eu la chance de vivre un tel événement en conserveront longtemps le souvenir ébloui, celui, plus encore que d’une résurrection de la Salle Pleyel, de sa métamorphose réussie et même de sa lumineuse renaissance.


Le site de la Salle Pleyel



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com