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Sans tambour mais avec trompettes

Chaise-Dieu
Salle Cziffra
08/21/2006 -  
Kresser : Trios n° 1, 2 et 6 extraits des Douze trios en deux suites
François-Auguste Dauverné : Trio n° 6 – Trio concertant, opus 104 n° 3 (d’après Gossec et Schiltz)
H. Schiltz : Quatre quatuors, opus 40 et 41
Joseph Forestier : Quatre quatuors
Benjamin Constant Fauconier : Andantino pour quatre saxhorns
Jean-François-Victor Bellon : Quintette, opus 29 n° 3

Les Cuivres romantiques: Jean-François Madeuf (cornet, saxhorn contralto), Joël Lahens (cornet, petit bugle), Pierre-Yves Madeuf (cornet, néocor, cor à pistons, saxhorn alto), Laurent Madeuf (trombone, saxhorn baryton), Marc Girardot (ophicléide, saxhorn basse)


L’émotion est grande à La Chaise-Dieu, sous le choc de la disparition, à l’âge de soixante-trois ans, de Bernard Fabre-Garrus, qui devait y diriger deux concerts, dont une soirée à l’abbatiale, à l’occasion de laquelle un hommage a été rendu au chef de l’ensemble A sei voci. Une nouvelle aussi brutale qu’inattendue, le deuil venant donc à nouveau frapper le festival, moins de trois mois après le décès de Soleika Cziffra, veuve du fondateur du festival.


C’est précisément dans la salle qui porte son nom que se produisait l’ensemble Les Cuivres romantiques, qui a déjà régalé le public de sérénades dans le cloître et d’une aubade au Puy-en-Velay. Rassemblant des passionnés de facture ancienne, qui, exercent par ailleurs leur talent dans des formations telles que l’Orchestre des Champs-Elysées, l’Orchestre révolutionnaire et romantique ou La Chambre philharmonique, il s’attache à faire revivre des œuvres et des instruments jusqu’alors souvent restés confinés dans les bibliothèques et les musées.


Utilement guidé, pour cette expérience sortant des sentiers battus, par les commentaires et les explications du leader de l’ensemble, Jean-François Madeuf, le public a réservé un excellent accueil à ces musiques écrites par des virtuoses des cuivres, d’inspiration certes fort peu métaphysique mais témoignant d’une période pionnière et passionnante, celle de l’émergence et du perfectionnement de cette famille d’instruments en France entre la Monarchie de Juillet et le Second Empire.


Moins brillants que leurs descendants, par leur sonorité comme par leur aspect extérieur, marqué par la patine du temps, les cornets à pistons de type Stoelzel que l’on entend d’abord dans trois des douze Trios (1837) du trompettiste Kresser – en fait, de brèves pièces en un seul mouvement – n’en démontrent pas moins un sens lyrique et une agilité dont on comprend qu’ils aient rencontré, en ces années-là, un succès phénoménal, même si Berlioz pestait contre la vulgarité de l’instrument et de son répertoire.


Autre combinaison, celle qui, dans deux Trios du trompettiste Dauverné d’après Gossec et Schiltz (vers 1835-1845), associe à deux cornets le trombone à pistons, plus sourd que l’instrument actuellement en usage, évoquant ainsi une sorte de puissant basson. Deux des quatre Quatuors (vers 1840-1850) du cornettiste Schiltz fournissent quant à eux l’occasion de découvrir le rare néocor, sorte de cornet grave doté d’un pavillon, en usage dans les musiques militaires, tenant lieu ici de second cornet, tandis que dans les deux autres Quatuors, les deux cornets rivalisent de brillant.


Transcriptions et arrangements d’extraits d’opéras à la mode connaissaient alors une grande vogue: si Schiltz s’est inspiré de Lucia di Lamermoor de Donizetti, le cornettiste Forestier adapte de son côté Les Puritains de Bellini, dans quatre Quatuors (1865). Ces pièces, destinées à l’origine à des fanfares militaires, permettent de mesurer l’évolution rapide de la facture instrumentale, avec, pour les cornets, l’adoption du système de pistons Périnet, qui offre une plus grande facilité d’exécution aux musiciens, et la propagation des saxhorns, deux de ces Quatuors mettant à cet égard particulièrement en valeur la stupéfiante aisance du saxhorn alto de Pierre-Yves Madeuf.


Egalement publié dans une méthode, en l’espèce celle d’Adolphe Sax lui-même (1851), l’Andantino pour quatre saxhorns de Fauconier, permet de découvrir quelques-uns des membres de la grande famille des saxhorns, le contralto étant en l’occurrence au premier plan.


Si cet assemblage, à la différence du quatuor de saxophones, ne s’est pas durablement imposé, tel n’est pas le cas du quintette de cuivres: de récents travaux musicologiques ont ainsi permis de découvrir que l’origine de cette formation est plus ancienne qu’on ne le croyait jusqu’alors, remontant à la quinzaine de Quintettes (1850) laissés par Jean-François-Victor Bellon (1795-1869). Violoniste et chef d’orchestre, à la différence des compositeurs précédemment interprétés, mais ardent partisan des cuivres, il adopte ici une démarche remarquablement audacieuse et novatrice pour son époque: sortir ces instruments de leur acception traditionnelle, à savoir salonnarde ou militaire, et leur conférer des lettres de noblesse, notamment en constituant, à l’image du quatuor à cordes et à la faveur des progrès techniques, une formation destinée à jouer une musique plus ambitieuse.


De ce point de vue, le Quintette opus 29 n° 3 traduit parfaitement l’apport de Bellon: coupe classique en quatre mouvements, égalité entre cinq protagonistes (cornet, petit bugle, cor à pistons, trombone et ophicléide) qui autorisent à la fois homogénéité d’ensemble et variété des couleurs solistes, expressivité qui ne craint pas les tonalités mineures (introduction de l’Allegro initial, thème de la Romance), langage montrant un certain souci de développement (Allegro) et recourant à des modulations et à un chromatisme inattendus (Menuet).


Déjà conquis, les auditeurs le sont encore davantage avec l’astucieuse adaptation du Prélude de Carmen (1875) de Bizet par Jean-François Madeuf donnée en bis.



Simon Corley

 

 

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