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Le National rend hommage à Pierre Fournier

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/16/2006 -  
Paul Hindemith : Musique de concert pour cordes et cuivres, Concerto pour la main gauche (création française)
Richard Strauss : Don Quichotte

Orchestre National de France, Leon Fleisher (piano), Sabine Toutain (alto), Jean-Luc Bourré (violoncelle), Kurt Masur (direction)

Son goût pour le contrepoint et les formes baroques a coûté cher à Hindemith, un peu trop vite taxé d’académisme. On en oublie l’insolence iconoclaste de l’entre-deux-guerres, très caractéristique de cette « Nouvelle objectivité » qui entend rompre radicalement avec un post-wagnérisme encore vivace. Dans les années trente, Hindemith semble parfois revenir à une certaine subjectivité, comme dans cette Musique de concert pour cordes et cuivres, au demeurant assez ambiguë – n’y a-t-il pas, vers la fin, une petite touche jazzy ? C’est pourquoi sans doute, malgré la verdeur des rythmes, la vigueur des attaques, la clarté des plans sonores, Kurt Masur s’autorise à y arrondir les angles, à y envelopper les sonorités, surtout dans la première partie. Avouons que, même si on peut la diriger de façon plus acérée, la partition s’accommode fort bien de cette baguette plutôt généreuse et lyrique, qui la réinscrit dans toute une tradition interprétative. Destiné à la main gauche de Paul Wittgenstein, qui ne le joua jamais, le Concerto pour la main gauche de 1923 a été récemment découvert et créé à Berlin par Leon Fleisher et Sir Simon Rattle. Pour le coup, une musique très « années vingt », pleine d’esprit et de piquant, où le chef semble cette fois savourer - et, plus encore peut-être, l’orchestre - ces rythmes syncopés, cette motorique débridée auxquelles Leon Fleisher ne sacrifie jamais la beauté du son et la profondeur du jeu, dialoguant avec les bois dans le Trio, Basso ostinato comme s’il était chez Bach.
Ceux qui attendaient, dans le Don Quichotte de Strauss, une lecture carrée de Kapellmeister sourcilleux – ce que Masur est aussi parfois – se sont trompés. Dès les premières mesures, tout en prenant son temps, il laisse l’orchestre respirer, veille à la souplesse des phrasés, enlève toute épaisseur à la sonorité, proposant presque une lecture chambriste de ces Variations fantastiques. On n’entendra pas une épopée en musique démonstrative et virtuose, mais plutôt le chant d’une âme, un échange entre des voix intérieures. Ce sont d’ailleurs les solistes de l’orchestre qui incarnent Don Quichotte et Sancho : Jean-Luc Bourré, magnifique de pureté, d’émotion et d’intériorité, notamment dans l’Epilogue, un peu timide cependant dans les passages où l’orchestre déferle ; Sabine Toutain, tout aussi exemplaire, plus extravertie, à la fois facétieuse et attendrie. Cela dit, cette interprétation lumineuse ne gomme jamais la dimension narrative et pittoresque du poème symphonique, parce qu’elle le conçoit aussi comme un concerto pour orchestre dont les solistes ont quelque chose à raconter : bêlements des pupitres dans le combat contre les moutons, bouffonneries de bois dans l’épisode de la paysanne, traits parodiques des bassons dans celui des moines. On ne pouvait rêver plus bel hommage au regretté Pierre Fournier, né il y a cent ans et mort il y a vingt ans, dont les diverses interprétations de ce Don Quichotte de Strauss n’ont jamais quitté les mémoires.
Le National est en grande forme. Il est vrai qu’un orchestre joue souvent encore mieux quand il sort de ses sentiers battus : ni Hindemith ni Strauss ne font partie de son quotidien. Le programme, en tout cas, n’a pas réussi à remplir le Théâtre des Champs-Elysées, où l’on préfère le confort du grand répertoire et les prestiges du vedettariat. Il y a encore beaucoup à faire pour la formation des publics.



Didier van Moere

 

 

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